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Les Véritables Obstacles à La Paix En « Casamance » : Ce Que Je Crois

Ce que je crois,

si la culture signifie l’ensemble des réactions de l’homme face à la nature ; je crois que les raisons fondamentales de la crise casamançaise sont viscéralement culturelles. Donc, une certaine culture politique, une certaine culture administrative, une certaine culture économique et une certaine culture de l’histoire en somme, portent les gènes de la rébellion. Je pense que le Sénégal a besoin d’un réajustement culturel pour assurer son développement économique et social.

CE QUE JE CROIS

Les véritables obstacles à la paix en « Casamance » sont ni totalement historiques, ni totalement religieux, ni totalement économiques, ni totalement administratifs, ni totalement politiques, ni totalement culturels mais résultent plutôt de l’absence de politique visant à créer les conditions devant créer le sentiment d’appartenance à la même nation sénégalaise chez les populations issues des régions de Ziguinchor, de Kolda et de Sédhiou (ancienne région de la Casamance) .Ainsi, pour éclore ce sentiment et le développer chez les casamançais rebelles ou objecteurs de conscience autrement dit mécontents des politiques d’intégration nationale, l’Etat et les medias ont un rôle foncièrement prépondérant à jouer.

Il y en a ceux qui évoquent le passé historique de la Casamance pour justifier la réalité d’une identité casamançaise différente de celle du reste du Sénégal.

De toutes les régions du Sénégal, la région de Ziguinchor a été la dernière à être rattachée au territoire sénégalais. Jusqu’en 1939, cette région a été gérée en tant que colonie à part entière et ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale que son rattachement à l’espace économique sénégalais devient réellement effectif. Ce retard à l’intégration paraît t’il suffisant aux partisans de la différence pour expliquer la faiblesse des liens entre la région de Ziguinchor et le reste du Sénégal? Je ne le crois pas.

Il y en a ceux qui évoquent des raisons religieuses pour justifier le conflit casamançais. Si dans la région de Ziguinchor on trouve plusieurs ethnies, il faut noter également qu’elle est aussi pluriconfessionnelle. Les populations de la Casamance se divisent en trois principaux groupes confessionnels : nous les musulmans, les chrétiens et les animistes.

Concrètement cette répartition est sujette à de nombreuses variations compte tenu de l’attachement des populations à la multiplicité des cultes. Le Sénégal étant un État laïc récuse par conséquent toute création de parti politique sur des critères d’appartenance ethnique, régionale ou religieuse.

Malgré l’importance de la communauté chrétienne en basse Casamance, (dans la région de Ziguinchor) les rapports entre l’Église catholique et les populations diola animistes sont très conflictuels.

La question qui se pose est de savoir si le fait d’être chrétien permet il de se soustraire aux coutumes ?

Selon R. M. Saum, les diola à l’époque de leur conversion n’étaient ni autorisés à incorporer les croyances animistes, ni encouragés par les missionnaires à adapter la doctrine chrétienne aux questions spirituelles diola (Baum 1990).

Il y en a ceux qui évoquent des raisons économiques pour justifier le conflit casamançais. L’un des déterminants de la crise dans la région de Ziguinchor est le faible développement économique de la région qui se manifeste par un manque chronique d’équipements et d’infrastructures. Le délabrement des l’infrastructures routières rend pénible le déplacement des populations entre le Sud et le Nord du pays, ou à l’intérieur de la région même. Les causes de l’accident du bateau le diola en sont une parfaite illustration

Par ailleurs, le patrimoine foncier local est l’objet de nombreuses convoitises et de spéculations. En effet, de nombreuses terres aux environs de Ziguinchor ont été affectées à des fonctionnaires et à certains « nordistes, le nom employé pour désigner ceux qui viennent du nord du Sénégal. Or chez les diolas la terre revêt un caractère sacré donc ils ne peuvent pas la céder à des individus considérés comme des étrangers. D’après Hesseling, la distribution de ces terres, souvent sur des bases clientélistes, a été un des catalyseurs de la crise casamançaise (Hesseling 1995).

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Il faut noter au passage que la valorisation des potentialités économiques de chaque région passe par une dotation en infrastructures répondant à des logiques économiques correspondant au marché local et national. Mais l’organisation du territoire est telle qu’on doit faire face à un paradoxe : les régions disposant de réelles potentialités ne sont pas celles qui sont les mieux équipées. Malgré les mesures incitatives octroyées aux entreprises candidates à la décentralisation, 80% des emplois les mieux payés sont toujours localisés dans la région de Dakar (Kane 1994).

Il y en a ceux qui évoquent des raisons administratives pour justifier le conflit casamançais. En effet, jusqu’au redécoupage intervenu en 1984, le schéma de l’organisation administrative de la Casamance reprenait en grande partie les découpages opérés par l’administration coloniale. Il semble que ce découpage a suivi parfaitement la ligne de différenciation ethnique de la Casamance avec dans la région de Ziguinchor une majorité de diola, et dans la région de Kolda une dominante manding et peulh. Officiellement, on pense que ces facteurs n’ont pas prévalu dans le redécoupage administratif, mais il semble que les besoins spécifiques manifestés par les populations de la basse Casamance et les comportements dont ils ont fait montre lors du conflit ont suscité une prise de conscience chez les dirigeants sénégalais de quelques spécificités de cette partie de la Casamance.

Au plan stratégique, ce découpage a constitué pour l’État du Sénégal un moyen de contrôle et d’encadrement de cette région sujette à des troubles permanents.

Il y en a ceux qui évoquent des raisons politiques pour justifier le conflit casamançais. Peut être ! Toutefois, il faut noter qu’au milieu des années soixante, les premières personnalités politiques casamançaises ayant rallié le parti au pouvoir étaient Émile Badiane et Assane Seck. Cette adhésion a scellé en quelque sorte selon certains, l’alliance entre les élites politiques casamançaises et le président Senghor qui s’est poursuivi jusque maintenant malgré le conflit. Il a permis entre autres choses, le rattachement de cette région, du moins en ce qui concerne ses élites, au reste du Sénégal. C’est le point de départ d’une représentation ininterrompue jusqu’à ce jour, des élites politiques casamançaises dans différentes équipes gouvernementales ou à l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, il faut retenir que la décentralisation a commencé à se développer au Sénégal qu’à partir de l’année 1966 avec la promulgation de la loi sur le code de l’administration communale. Quelques années plus tard, notamment le 19 avril 1972, une nouvelle loi créant les communautés rurales est adoptée par le parlement sénégalais. Cependant, l’aspect novateur, selon certains dans cette réforme de 1972, c’est la dotation à la nouvelle institution d’une personnalité juridique. Ainsi, les communautés rurales investies de ce nouveau statut se sont vues attribuer un patrimoine et des ressources propres ; le droit de recevoir des dons et legs ; la responsabilité civile de ses représentants lorsqu’ils agissent au nom de leur communauté rurale respective (le Secrétariat d’État à la Promotion Humaine 1972)

En effet, les politiques de décentralisation successives des pouvoirs publics sénégalais à l’épreuve des réalités sur le terrain ont très tôt montré leurs limites tant sur le plan du fonctionnement des collectivités territoriales (contrôle des agents, fonctionnement des services…) que des moyens financiers nécessaires pour sa réussite. Car un des objectifs de la réforme des collectivités locales est d’approfondir la démocratie locale dans le sens d’une meilleure participation des populations locales. Cependant selon Meny (Meny 1992) toute la difficulté réside dans la capacité des populations d’influencer les affaires publiques dans un système qui s’apparente à un tribalisme local. Les enjeux politiques, bien qu’étant devenus des enjeux locaux, ne suscitent pas toujours une forte adhésion des populations. Pourquoi ?

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Il y en a ceux qui évoquent des raisons culturelles pour justifier le conflit casamançais. Ainsi, dans cette optique, et à propos de ce conflit M Savonnet Guyot s’interroge, je le cite « s’il est possible que l’État d’aujourd’hui ne soit que le prolongement des structures sociales qui lui préexistent et la simple reproduction dans un cadre géopolitique différent des anciens systèmes de domination et d’inégalité » (Savonnet Guyot 1981).

Le conflit dans la région de Ziguinchor est il la résultante d’une confrontation de deux systèmes antagonistes qui s’est traduite par des révoltes pour cause d’incompatibilité de modèles d’organisation ?

Je ne le crois pas. Mais selon Cruise O’Brien depuis l’indépendance, l’administration centrale n’a jamais réussi à intégrer véritablement certaines communautés dans le système d’allégeances communautaires couvrant la société sénégalaise et qui porte sur la politique économique dominée par l’arachide et sur la politique culturelle (Cruise O’Brien 1979).

Certaines personnes croient que la paix en Casamance ne passera que par la culture. Si la culture signifie l’ensemble des réactions de l’homme face à la nature ; je crois que les raisons fondamentales de la crise casamançaise sont viscéralement culturelles. Donc, une certaine culture politique, une certaine culture administrative, une certaine culture économique et une certaine culture de l’histoire en somme, portent les gènes de la rébellion.

D’autres personnes pensent que la solution à la crise casamançaise pourrait s’inspirer de l’exemple français avec la corse ou de l’exemple catalan en Espagne ou de l’exemple algérien ou de l’exemple britannique pourquoi pas de l’exemple du Nigérian. Bref, chaque pays a son histoire propre et ses spécificités historiques qui font que ce qui est accepté et a réussi dans un pays peut être refusé et être l’objet d’un échec dans un autre pays. L’exemple du conflit casamançais en est une parfaite illustration.

Au delà de ses considérations, je me demande si toute rébellion quel qu’en soit la nature n’est elle pas l’œuvre d’un groupe d’hommes et de femmes qui ont vécu la même époque partagent les mêmes frustrations et sont animés des mêmes intentions et dés que la croie de transmission entre les générations s’effiloche et se coupe le conflit diminue d’intensité et finit par arrêté ? L’homme se réalise et s’épanouit sur essentiellement deux besoins : le travail et les loisirs. Après le travail, il a besoin de s’amuser. Que nous offrent les médias en termes de programmes de divertissement ?

Pour les casamançais presque rien. Ceci est aussi valable pour les autres. En effet, cette attitude des médias a crée et continue de créer des frustrations qui peuvent être interprétées comme une résultante de l’échec des politiques d’intégration nationale. En conséquence, ne devons nous pas s’inspirer de l’exemple de la Guinée Conakry en termes de programmes divertissement et d’information où il y a une juxtaposition des cultures et des langues en matière d’information ?

Comme tout le monde, les casamançais ont besoin en allument la télévision public ou privé de se reconnaitre à travers l’offre de programme de divertissement et d’information. Ce n’est pas le cas. Je crois que c’est un aspect de notre république qu’il ne faudrait pas négliger car il peut alimenter à la longue la révolte des populations partageant le même pays mises à l’écart sans motif valable à poser des actes de rébellion.

La récente sortie de l’association sénégalaise pour l’égalité du droit de l’accès à l’information dans les médias en est suffisamment un exemple pédagogique qui illustre parfaitement ce besoin de certains compatriotes sénégalais qui ne se reconnaissent pas présentement dans les offres de programmes des médias. Le divertissement et l’information sont essentiels pour l’homme .Ils contribuent bougrement à son façonnement et au développement de ses capacités d’intégration et de sa mise à disposition pour la construction de son pays.

Je crois que la culture peut contribuer à l’avènement de la paix mais à condition qu’elle soit un produit respecté et administré pour un but bien précis. Il faut empêcher l’alimentation des sources culturelles du conflit casamançais. Dans cette optique, les autorités gouvernementales doivent apporter deux grandes rectifications. La première grande rectification sera axée sur le langage utilisé pour désigner cette zone de conflit. Malgré les reformes administratives intervenues faisant de Kolda et Sédhiou des régions malheureusement, les autorités comme la presse continuent toujours d’appeler la région de Ziguinchor, la région de la Casamance. Ce qui entraine sans nul doute à mon avis une incompréhension et des difficultés pour la localisation du conflit au sud du pays aux yeux des populations notamment du citoyen « lamda » qui fait partie également du pays.

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La deuxième grande rectification procède de la production d’une réglementation tendant à réguler les programmes de divertissement et d’information des télévisions et des radios dont l’objectif sera d’amener les chefs de programmes à prendre en charge les minorités culturelles aux fins de créer les conditions idoines visant à fomenter et à renforcer le sentiment d’appartenance à la même nation sénégalaise chez les individus et groupes d’individus chez qui ce sentiment fait défaut. Ce n’est pas une question de marketing, c’est une question de justice et d’élévation d’égale dignité des personnes de race et d’ethnie différentes qui partagent le même pays. Peul, Mandingue, Diolas, Soninké, Bainouck, Sérère, Balante Manjacque, etc. tous sont des sénégalais. Mais en regardant les programmes de divertissement des télévisions et en écoutant ceux des radios, force est de constater que cette diversité et pluralité culturelle tant souhaité n’existe pas. C’est dommage !

Or je voudrai savoir comment un jeune mandingue se sentira t’il sénégalais lorsque chaque jour qu’il allume sa télévision, il ne s’y reconnait pas culturellement parlant ?

Aussi, je voudrai comprendre comment un jeune wolof peut il savoir et admettre qu’il partage ce pays avec le jeune sénégalais peul lorsque lui le jeune wolof ignore tout de la culture du jeune peul et se détourne immédiatement de sa musique en sa présence ?

Nous devons tous apprendre à se tolérer et s’accepter dans le respect de nos différences. Je crois que nous devons nous enrichir de nos différences au lieu de laisser celles-ci être la source de nos conflits interpersonnels et intercommunautaires. Mais pour ce faire, le gouvernement du Sénégal a une véritable part de responsabilité.

En terminant, je pense que le Sénégal a besoin d’un réajustement culturel pour assurer son développement économique et social.

Le commun vouloir de vie commune ne se décrète pas mais se construit au fil de longues années. Les programmes de divertissement et d’information télévision et radio doivent être le reflet de notre unité et de notre diversité culturelle pour que chacun se sente appartenir à la même nation et pour que chacun puisse œuvrer pour assurer le développement économique et social de notre pays.

 

Baba Gallé DIALLO

Réalisateur / Responsable du site web du SNEIPS / MSHPP

Président de l’Alliance Nationale pour la Prévention du Tabagisme au Sénégal (ANPTS)

Originaire de la commune de Diannah Malary / Région de Kolda / Tel : 338275513 / 774582609 / 702012271

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