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Est-il Possible De Faire Dakar-kaolack Entre Yoff Et Sandaga? Découvrez Comment !

Le Sénégal porte toujours son caractère multi-visages. D’énormes efforts ont été faits sur les infrastructures. Peu sur la formation des usagers. Rien sur le culte du civisme.

Deux bonnes heures à bord d’un bus d’une société de la place. C’est le temps qu’il nous fallait pour rejoindre Kaolack à partir de Dakar, aux temps où Rufisque roulait fluide. C’est aussi le temps que nous avons fait cette matinée de samedi, jour non ouvré pourtant, entre Yoff et le centre ville.

A bord du « clando » qui nous transporta de l’aéroport au rond point de Yoff, un adulte, avec une impression correcte, ne s’est pas gêné, après avoir fini son jus, pour jeter le sachet vide sur la route à travers la vitre. Il n’a pas apprécié non plus notre courtoise remarque là-dessus. Sa corpulence nous a dissuadés d’insister, d’expliquer. Il a pourtant l’air sympa !

30 mn d’attente sous le soleil à l’arrêt bus qui n’indiquait rien, ni sur les bus qui passent par là, ni sur les circuits, ni sur les horaires, seuls les habitués s’y retrouvent. Il faut donc demander aux autres… Oui le P8 passe bien par là. Il arrivait enfin pour un « voyage » vers la ville !

De ce périple, nous n’avons pas appris, mais plutôt nous nous sommes rappelés de la souffrance quotidienne d’une certaine catégorie sociale habituée du circuit bus, « Ndiaga Ndiaye » et « cars-rapides ».

Pourtant la veille, à l’actif de nos dirigeants, nous n’avons fait que moins de 20 mn entre notre lieu de travail et l’aéroport par la corniche malgré les dos d’âne nouvellement aménagés. Bravo pour cette amélioration de la fluidité ! Mais attention aux fils à papa fêtards et rentrant tard, souvent insouciants au volant de bolides luxuriants ! Ne pas user de ces dos d’ânes comme des trampolines de projection.

Comme des touristes trop longtemps habitués à l’ordre, venus chercher un peu de souffrance dans la lourdeur d’utilisation de l’espace publique, nous observions le comportement de nos compatriotes sénégalais dans le cadre de la mobilité urbaine.

L’intégralité de ce court parcours à longue durée pourrait faire un livre. Nous en partageons quelques séquences, dans l’espoir qu’elles pourraient déclencher un effet correctif.

Dans le bus

Des constats. Le tapotement au clavier du téléphone portable semble avoir remplacé la lecture et la contemplation du désordre extérieur. C’est l’air des TIC et la réussite de feu Steve JOB est bien visible. Le receveur souffre des gros billets. Certains usagers n’ont pas l’habitude de faire l’appoint.

Les embouteillages ont transformé tout le circuit en arrêt, il suffit de faire signe et la porte du bus s’ouvre. On monte parfois pendant qu’il roule. Une dame monte, un bébé au dos. Elle ne prend pas de ticket et semble en avoir l’habitude. C’est pour demander l’aumône auprès des passagers. Elle présentait une carte d’une association de sourds muets avec un texte que les gens ne prenaient pas la peine de lire. D’aucuns donnent, d’autres s’excusent. Ils étaient peut être habitués. En ce qui nous concerne, nous avons refusé comme d’habitude, d’alimenter un système économique basé sur la main tendue, comme celui des « talibés » injustement et impunément exploités…

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Il a fallu quelques minutes pourtant pour que le regard à la fois innocent et jovial du bébé, qui semblait se plaire au dos de sa maman, eût raison sur nous, pour nous forcer à une exception. Il en avait aussi droit ?! Comme tous les autres bébés d’ailleurs, de profiter de cette partie de leur vie de roi.

En réalité, nous venions de subir une agression morale contre laquelle notre ETAT, notre SYSTEME, nos AUTORITES n’ont pu nous protéger. Bref ! On souffre la même chose partout dans les rues de Dakar.

Le receveur a attendu que la mendiante eût fini sa collecte pour lui faire un signe de main. Elle avait aussitôt compris. Elle alla lui faire la monnaie et pris congé du bus…

Entre Grand-Yoff et Fass, en passant par Point E

Le brouillon constaté dans l’exécution des travaux entamés et parfois presque abandonnés ou inachevés sur la voirie, ne peut échapper à l’attention.

Il nous rappelle d’ailleurs le même brouillon constaté, sur la route des « Al Mahdiyou » (almadies), de Ngor. On fait et défait des quantités de bitume et de béton. On finit la chaussée pour revenir creuser… ce qui a tout l’air d’un manque de planification. Ca frôle le tâtonnement tout simplement, au préjudice du citoyen qui doit toujours attendre ou faire les détours incessants dans la poussière. Quand c’est récurrent, ça devient gênant !

Cela fait mal pour un pays qui regorge de compétences avérées en ingénierie et bureau de contrôle bien rémunérés. Très bien même. Raison pour laquelle nous ne comprenons pas.

Si ce n’est pas un amas de gravas, c’est égout claustrophobe ou alors un regard d’assainissement inachevé non fermé, rempli d’ordure de toute sorte par les populations coupables, dépourvues de bon sens mais aussi non éduquées au civisme. La lutte, les téléfilms et la musique, remplissent sans peine le vide laissé par l’inexistence de programmes télévisés d’éducation civique. Pourtant, ces courts sketch d’éveil des consciences auraient dû précéder tout grand évènement de télé (sport, information, distraction, etc.), et cela de façon quotidienne.

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L’espace médiatique sénégalais est en grande partie privé, donc à vocation pécuniaire. C’est vrai ! Mais s’il ne fait pas l’effort citoyen de prévoir dans ses programmes des courts-métrages d’éducation civique, il revient aux autorités de trouver les moyens financier pour « apprendre aux populations le changement de comportement, préalable à toute politique de développement ».

Quitte d’ailleurs à négocier ces temps d’antenne lors de l’établissement des contrats d’attribution des fréquences Radio et TV.

Les guides religieux pourraient également aider en cela.

Le bâton suivra une fois que tout le monde aura compris. Une « police du comportement civique », qui ne cédera pas à l’alibi de l’analphabétisme. Nos concitoyens qui vont en terres occidentales se conformes tous facilement aux règles de leur pays hôte.

Aucun pays du monde n’a réussi cette éducation sans efforts. Ils ont posé les jalons ayant permis à une génération complète de grandir avec des bonnes habitudes.

Pourquoi pas nous ?

Le sable nous fatigue. Allah créa les cieux et les terres ; c’est aux humains de faire le reste.

C’est ce que les autres ont fait, pour n’avoir que du noir ou du vert dans leurs villes.

Pourquoi ne pas créer des usines de pavés capables d’alimenter des projets de pavage des voiries sous le pilotage des collectivités locales, aux fins de lutte contre le sable ?

N’est-ce pas une bonne manière d’utiliser cette main-d’œuvre abondante de chômeurs pour lui éviter de souffrir le martyr dans d’autres cieux de plus en plus racistes et xénophobes ?

L’assainissement insuffisant, le drainage des eaux de pluies, le bien être des populations par une amélioration de leur cadre de vie, en seraient les grands bénéficiaires.

Continuons notre voyage. Sur l’Avenue Blaise Diagne

Les piétons partageaient la route avec le bus. Certains pouvaient même se permettre, avec une connaissance aperçue à bord, quelques causeries qui prenaient fin par des signes à la main dès que la voie se dégageait par moment, permettant au chauffeur un léger coup d’accélérateur.

Nous ne savions pas où ranger les «pousses-pousses » : chez les piétons ou chez les automobilistes ? En tout cas leur place ne se trouvait ni sur les trottoirs occupés anarchiquement par les « marchands ambulants à place fixe», ni sur le bitume jalousement occupé par les cycles motorisés. Ces hybrides s’y sentent pourtant à l’aise, signalant même à coup de bras et n’hésitant pas à cogner les piétons sourds au sifflement, qui les obstruaient. C’est leur autre façon de klaxonner.

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On pouvait même apercevoir, un couple européen (« de toubab »), voulant faire comme tout le monde, marchander sur le trottoir des chaussures artisanales qu’ils n’ont pas fini par prendre. Le vendeur voulait certainement leur appliquer des « prix toubab ». Pourtant l’un des sandales à l’essai, se fixait joli au pied du « toubab ».

Là-dessus, nous pensons que pour interdire la vente ambulante, il faudrait aussi interdire l’achat. Peut être que les acheteurs seraient plus réceptifs…

Un démarrage nerveux du bus, nous rappela que nous étions à bord. Le chauffeur venait de réussir la prouesse de contourner l’obstacle : un camion jaune et imposant, responsable à lui tout seul, de ce goulot d’étranglement, de cette perte collective d’une ressource rare, le temps, pouvait enfin être aperçu.

Il voulait obstinément, quitter l’avenue par une ruelle déjà étroite, mais tellement obstruée par le mauvais stationnement, par une voiture en crevaison sans pneu de secours, par un regard d’égout sans couvercle prenant presque 50 cm sur la rue déjà étroite…

La jeunesse apparente du chauffeur contrastait avec l’âge de ce poids lourd que reflétait son état.

C’est quand au sortir de ce terrible bouchon que nous avons remarqué un policier qui s’affairait avec un taxi! Nous avions besoin de lui, une centaine de mètre avant.

Sandaga et ses environs ressemblaient plus à « un grand marché aux ruelles intérieures assez grandes, qu’à une ville avec des rues rétrécies par l’occupation anarchique ».

Cette pléthore de 20 candidats + une récente féminine, qui veulent nous diriger, sont-ils conscients de ces maux?

Une utopie nous permet d’imaginer des ministres, dans un élan de solidarité symbolique, prendre le bus de Daroukhane au palais de justice, le « Ndiaga Ndiaye » de Yeumbeul à Petersen, au moins une fois par semestre ou par an ?

Notre système n’en gagnerait que mieux. Ils comprendraient peut-être que cela n’a rien à voir avec les indicateurs statistiques et économiques vantés dans les rapports présentés aux bailleurs de fonds pour encore bénéficier de richesses sur notre dos, sur le dos de tous ces pauvres citoyens.

Nous encourageons les efforts constatés sur le renouvellement des infrastructures mais restons persuadés que la formation des usagers de la cité, constitue un besoin important et pressant. « Un technicien non formé devant une belle machine, n’en fera guère bon usage ! »

Un changement de comportement est un acte à moindre coût, qui peut diminuer 40% de nos souffrances quotidiennes et baliser le terrain vers un Sénégal meilleur.

Djibril Sarr

djsarr@hotmail.com

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