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La Problématique De La Transhumance Politique Au Sénégal (mamadou Yaya Wane)

La transhumance selon le grand Robert (Tome 9 page 438) est « la migration périodique du bétail qui, de la plaine, change de pacage en été et s’établit en montagne ». Plus loin, le verbe transhumer quant à lui signifie « aller paître dans la montagne pendant la saison chaude ».

Quand on se réfère au contexte sénégalais, ces définitions tombent à pic on ne peut plus, on ne peut mieux ! Voyez la période de l’année dans laquelle nous sommes ! Mais au-delà, il y a quelques remarques importantes à faire avant d’aller plus loin.

Dans la transhumance le mouvement est ascendant puisqu’il va de la plaine à la montagne. Mais les transhumants, autrement dit les moutons, les cabris ou les vaches, ont besoin d’un berger qui les conduit. Dans le cas d’espèce qui nous occupe, le berger est sur la montagne avec sa flûte et appelle à lui le troupeau ou alors il est à sa place habituelle de berger et se met derrière le troupeau. Au Sénégal, selon la composition du cheptel, le berger choisit sa posture et pourvoit au con-voyage. On nous signale de même que le berger peut parfois se trouver au milieu du troupeau pour surveiller de près les brebis galeuses ou égarées qui empêchent ou retardent la bonne marche vers le sommet.

Invraisemblable situation de la classe politique sénégalaise que l’on assimile à présent à du cheptel lorsqu’il s’agit de parler de transfuges, ces personnes singulières qui abandonnent leur parti pour rallier le parti adverse, qui trahissent donc leur cause, leur mission. En termes militaires ces transfuges qui sont autrement appelés déserteurs, sont passibles du poteau d’exécution en temps de guerre. C’est dire si la situation est grave et mérite qu’on y prête davantage attention pour éviter de ressembler à ceux dont on dit par ailleurs « qu’ils sont nés avant la honte ! » Et pourtant, tous les apprentis de la politique ont lu Michel ONFRAY qui, de façon lapidaire mais juste, soutient que « la politique, c’est de l’éthique et l’éthique c’est de la politique ».

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Autrement dit, en politique il s’agit de dégager des normes de justice sociale, des règles pour l’éthique de la vie en commun, des procédures assurant la justice.

C’est au demeurant, dans le legs des valeurs transmises depuis si longtemps et qui ont noms : bonnes mœurs, bonnes manières, humilité, droiture, sens de l’honneur et de la dignité, qu’il urge d’aller se ressourcer. Nous avions en partage le « jom, le mougne, le kersa, le fayeda… » qui bien malheureusement sont tombées en désuétude quand elles auraient du nous accompagner dans toutes nos entreprises.

C’est parce que notre pays regorge d’hommes au caractère trempé, patriotes, compétents, intègres et sincères que nous aurions du nous prémunir de toutes ces turpitudes qui ont fini par nous transformer en un vulgaire cheptel ambulant.

Par ce qui ressemble à une très mauvaise interprétation de quelques passages-clés du « Prince » de Nicolas Machiavel notamment aux chapitres 1 et 7, la transhumance a pris son envol à partir de 2000 avec l’élection de Me Wade. Le phénomène de la transhumance, il est vrai, a commencé dans les années 1980 au cours desquelles on enregistra le tumulte et le fracas des premières « ruées » vers les prairies vertes de l’UPS/PS. C’est dire que c’est là un phénomène qui procède d’une lente macération, d’une putréfaction monstrueuse.

La transhumance pose de fait la problématique de la vitalité même de notre démocratie. Elle l’affaiblit si elle n’entreprend carrément de la tuer dans le moyen terme. Dans ces conditions-là à quoi bon faire de la politique ? Et pourtant, une autre référence, Henry BERGSON en l’occurrence, parlant de cette démocratie qu’on veut abattre, a prévenu dans « Les deux sources de la morale et de la religion » aux pages 299 et suivantes :

« La démocratie attribue à l’homme des lois inviolables. Ces droits, pour rester inviolés, exigent de tous une fidélité inaltérable au devoir. Elle prend donc pour matière un homme respectueux des autres comme de lui-même, s’insérant dans des obligations qu’il tient pour absolues, coïncidant si bien avec cet absolu qu’on ne peut plus dire si c’est le devoir qui confère le droit ou le droit qui impose le devoir…. »

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C’est pour avoir manqué à ces « devoirs » que le PS dans les années 80 avait laminé le PDS au point de détruire son groupe parlementaire par un débauchage sauvage et systématique de ses députés.

Aujourd’hui encore, aujourd’hui plus que jamais, la mode est à la transhumance déguisée ou si l’on veut la transhumance par voie de contournement. Et comme il y a des VDN et des VCN, nous avons désormais la TVC. Comme quoi la « bête » s’adapte, et à l’image de la girouette, elle tourne au gré du vent, non par elle-même. Aller à la soupe par tous les moyens possibles et imaginables est donc devenu un programme politique, une idéologie. Cette mutation qui crève les yeux depuis l’an 2000 a fini par installer le dégoût de la chose politique dans le peuple au point qu’une autre « bête » appelée « Société Civile » telle l’hydre renaissant de ses cendres, est sur les bases d’un positionnement de substitution. De reniements en trahisons, ces pyromanes de la politique, toute honte bue, plastronnent une fois leur objectif atteint et deviennent les fous zélés du roi. Ils soutiennent que la politique c’est l’intérêt personnel d’abord, celui des siens ensuite et s’il en reste quelque chose après, l’intérêt du peuple. Ceux qui tiennent ce genre d’axiomes fétides, des saltimbanques qui ne représentent qu’eux-mêmes phagocytent tous les partis politiques dont ils sont devenus le typha des rivières et fleuves.

Il serait intéressant de voir quelle véritable image de l’homme politique, la mémoire collective des sénégalais retient pour commencer à comprendre pourquoi pareilles déviations ont cours. En instituant dès la période coloniale les quatre communes, le système hideux venu de France a opéré une ségrégation qui pourrait expliquer le phénomène abject devenu la transhumance des hommes politiques. Les sénégalais de l’hinterland voulaient être eux aussi des quatre communes et jouir de la nationalité française. Un mouvement migratoire énorme se mit en place pour tous ceux qui des bas fonds du Sénégal profond, voulaient être dakarois, saint-louisiens, rufisquois ou goréens. Aujourd’hui, de même, ils sont légions ceux qui veulent être de l’APR. N’avoir pas de reddition de comptes à faire, jouir d’un strapontin ou d’une « station » comme disait l’autre, échapper à l »inquisition » de la future cour spéciale, ça tente ! Le comble, les prairies où paissent les troupeaux au Sénégal, sont allées de la couleur verte (ce qui est normal) au beige-marron en passant par la bleue. Prairies bleues, prairies beige-marron…. ? Un jour peut-être, des prairies rouges ?

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Il est temps que l’on s’occupe très sérieusement du monstre grimaçant qui a fini d’écorner l’image de notre pays et nous présenter à la face du monde comme les prototypes mêmes de l’opportunisme éhonté, des as du vrai « wax waxèèt »

Voilà pourquoi il faut mettre fin à cette mascarade politique et à l’instar des recommandations faites par Djibo KA, aller vers l’assainissement du secteur, en extirper tous ceux-là qui à l’image des vautours dont parle Kourouma dans les « Soleils des Indépendances », doivent être abattus. On doit fermer le Mercato de l’hivernage ouvert depuis le 25 Mars.

Des solutions existent pour faire face à cette farce, cette vaste honte qui finira si l’on n’y prend garde par nous emporter tous. Pour éviter de paraître présomptueux, je propose la tenue de fora et d’ateliers organisés par l’Etat devant appeler à une réflexion pointue de toute la nation pour l’éradication de cette peste.

 

Mamadou Yaya WANE

Doctorant en Sciences de l’Education

Secrétaire Général du P.I.D « Parti Indépendant et Démocratique »

Membre de la Coalition « Macky 2012 »

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