Pas besoin de rappeler les raisons qui ont été à la base de la micro finance car elles sont connues de tous. Pour être simple, la micro finance est conçue pour faciliter l’accès au crédit aux pauvres qui sont généralement exclus du système bancaire.
Partie des expériences réussies de Dr. Yunus, la micro finance était devenue le moyen le plus efficace pour lutter contre la pauvreté. Elle devint ainsi une stratégie pour booster l’économie informelle, donc adoptée par beaucoup de pays notamment ceux du sud.
Apparue dans les années 90 au Sénégal avec notamment le PAMECAS, le CMS et ACEP, la micro finance a connu une progression fulgurante. Elle a été une véritable aubaine pour ces personnes qui n’avaient aucune possibilité de compter sur le système financier classique pour développer des activités génératrices de revenus.
L’Etat en a fait un levier stratégique pour lutter contre la pauvreté. Donc des institutions ont été mises en place pour encadrer et organiser ce système financier décentralisé à travers ATC/PEC sous la tutelle du Ministère de l’Économie et des Finances.
Du fait de son regain d’intérêt et sous la supervision et le contrôle de la BCEAO, il a été initié la loi PARMEC en 1995 avec des instructions de performances et de protection des épargnants.
Le Sénégal fonda beaucoup d’espoir sur ce nouveau système financier qui devait promouvoir le secteur informel. Ainsi l’Etat aura réussi à mobiliser les partenaires financiers et techniques pour accompagner et appuyer le secteur.
Mais aujourd’hui, force est de constater que ce beau rêve a viré au cauchemar pour les pauvres qui sont supposés être les bénéficiaires de la micro finance.
Ils sont traqués, oppressés, apeurés, humiliés et parfois spoliés de leurs biens par les institutions de micro finance sous le prétexte de crédits non remboursés.
Comment rembourser si le taux appliqué au crédit dépasse de loin celui appliqué par la banque ?
Comment rembourser si des charges draconiennes sont appliquées au crédit ?
Comment rembourser si les délais accordés ne prennent pas en compte les possibilités du client ?
Comment rembourser si le/la client (e) n’a pas l’encadrement nécessaire pour réussir son activité.
Il s’y ajoute un manque de transparence absolu ; le client n’est pas informé de la manière dont le taux est fixé et pire encore, le client n’a aucune éducation financière. C’est un devoir pour les institutions de micro finance de mettre en œuvre des programmes d’éducation financière destinés aux clients. Pour vraiment aider les pauvres à s’en sortir, les IMF doivent pleinement jouer leur rôle surtout en ce qui concerne le renforcement des capacités de couches vulnérables qui sont obligés de se tourner vers eux.
Ceci n’est que la face visible de l’iceberg. Il faut oser le dire : la micro finance est pervertie et les bénéficiaires en payent les pots cassés.
Personne ne réagit, ni l’Etat, ni les partenaires financiers et techniques, pas même les associations de consommateurs. Tous semblent accepter cet état de fait. Il faudra que tous les acteurs s’investissent pour recadrer le système.
A ce moment, ces institutions de micro finance s’organisent davantage à travers leur Association professionnelle des systèmes financiers décentralisés AP/SFD qui défend leurs intérêts.
Et pourtant ces institutions sont exonérées de taxes et s’impliquent peu ou presque pas dans le cadre de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE).
Ne serait-t-il pas alors juste de demander à ce que ces taxes soient levées et que cette masse d’argent soit réinvestie dans un fonds d’appui aux activités génératrices de revenus.
Les pauvres sont piégés dans un système dont ils ne connaissent ni les tenants ni les aboutissants et sur lequel ils sont totalement dépendants. Actuellement, à travers le monde, la micro finance fait l’objet de beaucoup de controverses et de polémique, ceci à juste raison.
A l’Etat de prendre ses responsabilités pour protéger les pauvres qui deviennent de plus en plus pauvres avec ce système compresseur.
A tous ceux qui sont convaincus par ce plaidoyer, je vous demande de vous joindre à moi pour libérer ces pauvres du piège dans lequel ils sont maintenus. La micro finance peut se faire d’une manière plus saine et plus efficace.
Mamadou Barry
Spécialiste en micro finance
Directeur Exécutif de Action
Afrique
Email : barrymodys@yahoo.f