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Propositions De Réformes De L’université Par La Cnaes : Les Risques D’une Bêtise Académique

Propositions De Réformes De L’université Par La Cnaes : Les Risques D’une Bêtise Académique

La réunion d’esprits ou d’idées de gens supposés intelligents devrait donner naissance à des idées intelligentes mais c’est tout le contraire qui a dû se passer après l’annonce des mesures drastiques à imposer aux étudiants s’ils veulent poursuivre leurs études dans ce pays. Le sommet qui faisait l’état des lieux de l’enseignement supérieur au Sénégal a pondu une idée qu’on peut qualifier de tout sauf intelligente. Comment au vu des hausses annoncées pour les frais de scolarité dans l’enseignement supérieur au Sénégal, tout en sachant le niveau de pauvreté de notre pays, ce comité de concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur a-t-il pu se déclarer être au chevet des enseignements supérieurs à vau-l’eau pour reprendre le terme du professeur Bachir Diagne qui l’a présidé. Soit c’est vraiment à la limite du ridicule ou que le régime veut, sous-couvert de ces gens respectés, faire passer des décisions qu’il n’oserait jamais prendre du jour au lendemain, dont celle de « privatiser le public ».

La lecture que refuse de faire l’état suite à cette concertation semble être le fait que le comité CNAES lui a signifié le financement total à mobiliser pour arriver au chevet de l’enseignement supérieur et qu’il veut lire par ces termes du discours du premier ministre Abdoul Mbaye : « … pour l’émergence d’un système d’enseignement supérieur et de recherche capable d’entretenir lui-même son constant rafraîchissement, et sa permanente adaptation à notre contexte national, mais aussi à l’environnement mondial… », où on lit clairement l’objectif affiché de l’auto-entretien du système par le système. Mais si les frais de scolarité devraient être revus à la hausse de plus de 100% avec le ticket petit déjeuner qui passerait de 75 à 200F, celui du repas de midi ou du soir de 150 à 400F, l’inscription de 10 000 à 150 000F (1500 % d’augmentation) tout en prévoyant une réduction des boursiers jusqu’à hauteur de 38%, l’état aurait pu faire plus court dans son discourt en déclarant tout simplement la privatisation des enseignements supérieurs par hypothèque car toujours confiés à des gestionnaires tous politiciens et politiciennement nommés.

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Pourtant, personne ne devrait ignorer que la vie d’étudiant au Sénégal fait partie de celle des plus difficiles dans ce pays surtout que c’est généralement vécu loin du cocon familial. Les bourses d’étude au Sénégal sont toujours payées aux ayant-droits bien après l’année scolaire qu’elles devraient financer et généralement avec des retenus de tout genre pour les premières fois en tout cas ; si effectivement l’étudiant dispose d’une bourse. Alors que leurs salaires à eux président, ministres, députés, etc. n’attendent jamais, ne serait-ce qu’un mois après la date prévue pour leur être versé. Pire, certains se font payés même six mois après être démis de leur fonction. Tandis que nos étudiants, de famille modeste pour la plupart, ont le plus besoin de ces aides boursières car vivant une précarité hors pair dans l’ensemble (logements surpeuplés, difficultés à se payer les tickets et subvenir à certains besoins vitaux comme le transport, etc.). Ils attendent très souvent la fin de l’année qu’ils couronnent avec des grèves et plusieurs manifestations pour espérer obtenir ces modiques sommes dites « bourses d’étude ». Alors cette vie précaire de campus, nos autorités osent taxer à ces mêmes étudiants des frais de scolarité ou d’inscription aussi élevés, ce serait juste une façon de renvoyer ces étudiants sans moyens financiers chez eux et de décourager les plus jeunes d’entre eux dans les premières années de faculté ou ceux qui sont encore au lycée ayant l’intention de poursuivre des études supérieures à s’orienter ailleurs, une façon de les renvoyer au diable. Ceci tout sauf une volonté de redynamiser ou de faire émerger le domaine des enseignements supérieures dans le sens d’aider les premiers concernés sur le plan national en tout cas, les étudiants.

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La lecture politique qui semble transparaitre dans ce tohu-bohu est que le financement qui devrait être destiné à ce domaine suite à cette concertation devrait être détourné pour d’autres fins qu’on ne saura jamais. Et ainsi, les politiques transposent toujours la crise vers les populations les plus défavorisées quand il s’agit de la régler. Encore une fois, le système libéralo-capitaliste prend le dessus sur le social pur et simple pour orienter les victimes de ces mesures peut être vers la lutte (lamb) dont les médias ont fini de faire croire aux populations qu’il est facteur de développement. Dans ce cas alors, même les études seront réservées aux couches plus aisées de notre société. Ce qui représente une infime partie de notre population et une faillite de cette concertation. Au moment où les réalités socio-économiques que vit chaque étudiant devraient en tout cas être prises le plus au sérieux car étant un capital espoir en terme de ressources humaines, nos autorités préfèrent donc se débarrasser du fardeau de la recherche et de l’enseignement publique.

Dans un pays où plus de 60% des ressources viennent essentiellement des sociétés de services et nullement de ressources naturelles, étudier ne devrait pas coûter si cher sinon gratuit. Une autre question qu’on espérait être débattue et dont on n’a pas entendue la CNAES mettre l’accent dessus parmi ses recommandations : l’obligation d’étudier jusqu’à un certain âge en projet car l’application et le bon fonctionnement du système occidental dont on ne peut se départir pour l’instant à un seul et unique ennemi, l’analphabétisme. Etudier y est une nécessité même si ce n’est peut-être pas totalement valable dans notre société traditionnellement parlant où un chanteur est devenu ministre. L’état est donc en train de fuir cette double responsabilité (financement et mesure d’obligation). Il n’y a là aucune volonté de redresser un système éducatif qui les a pratiquement tous formés gratuitement. Le régime de Macky est donc encore en train de faire n’importe quoi, après nous avoir distrait avec leur « croisade » contre les barons de l’enrichissement illicite où les vrais criminels économiques continuent de narguer toute une population éprouvée par la crise actuelle, tout en sachant qu’ils ne seront pas inquiétés où que puissent aboutir ces enquêtes. Mais pire encore, on parraine à ces barrons de la délinquance financière tout type d’événement (lutte, soirée de gala, etc.), on les invite même à se foutre du monde à travers certaines émissions. En quelque sorte, le régime en place vient d’amplifier une crise là où il était censé l’éliminer en prenant à bras le corps le problème de l’enseignement supérieur et ses responsabilités.

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L’éducation et la santé sont deux domaines où un régime se doit d’investir sans espérer de retour sur investissement effectif pas avant 18 ans minimum, le temps qu’un écolier de l’élémentaire arrive à décrocher un diplôme équivalent d’un bac+5. Tout pays africain qui se veut être compétitif dans les prochaines décennies où l’Afrique est très attendue en terme d’économie et technologie vu qu’il y a tout à y créer, c’est maintenant qu’il faut y mettre les moyens financiers en construisant des universités avec des logements pour étudiant, en réglant le problème des bourses et ne surtout pas faire machine arrière en diminuant le nombre de boursiers, etc. Seulement, les politiques n’ont qu’un seul et unique projet à tout moment, gagner les prochaines élections.

 

Aboubakrine Ndiaye

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