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« Talibés », Ces Oubliés…

Est ce réellement une vie, pour un petit garçon de 3 ans, 4 ans, 5 ans…? A t-on vraiment le droit, de fermer les yeux, face à cette injustice?

21H41, Route des Almadies. Je les ai vus, tous les deux, main dans la main. Je les ai vus, marchant, dans la nuit noire, dans la nuit froide, dans la nuit…avec toutes ses terreurs.

Ils marchaient, main dans la main, pieds nus, errant, sans but, errant, insouciants.

Ils marchaient, librement, pieds nus, dans la nuit triste, sans vie, dans la nuit, où tout est endormi, dans la nuit où, le mal, dans toute ses formes, sévit, sans pitié aucune.

Dans cette nuit impitoyable, sur cette grande avenue, pieds nus, tout de haillons vêtus, ces deux petits bouts de bois de Dieu marchaient, en quête d’une pitance, à l’heure où, les “autres”, plus chanceux, sont dans les bras de Morphée, bercés par le chant de leur mère, et enveloppés dans une couverture, inspirant, et expirant, calmement.

Une vision me revint: un matin, j’avais été frappée par une scène, familière, normale, à priori, mais d’une gravité extrême, si l’on si attarde un peu. Deux groupes d’enfants s’étaient croisés. De ma voiture, je les voyais. Le contraste m’avait alors frappe.

3 enfants, propres, bien habillés, bien coiffés, cartable aux épaules, croisaient un groupe de “talibés”, qui eux, étaient crasseux, vêtus de haillons, les pieds nus, le pot à la main. Deux groupes, faits d’enfants du même sexe, du même âge, que rien ne différencie, sauf, les conditions de vie, les conditions d’existence. Un contraste frappant, et désolant…

Les uns partaient à l’école, avaient un but, un destin, une chance de s’offrir un avenir, dans un pays où toute profession repose sur l’apprentissage intellectuel ou manuel, les autres, eux, partaient à l’aventure, sans but réel, sauf celui de rentrer, le soir, à leur “Daara”, avec leur versement du jour…Et espérer acquérir la connaissance, après un rude journée de marathon.

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Est ce réellement une vie, pour un petit garçon de 3 ans, 4 ans, 5 ans…? A t-on vraiment le droit, de fermer les yeux, face à cette injustice? A t-on vraiment le droit de se taire, face à cette détresse, cette tristesse, au fond de leurs yeux? A-t-on vraiment le droit de se détourner, quand, rempli d’espoir, ils nous tendent la main, espérant un peu de réconfort? A t-on vraiment le droit de ne penser qu’à nous, de ne nous occuper que de nos propres problèmes, au point d’abandonner ces pauvres innocents, à la merci de “maîtres” qui priorisent le revenue plutôt que la connaissance? A t-on vraiment le droit de trahir notre conscience, de nous taire, de fermer les yeux, de nous détourner, lâchement, sous prétexte que c’est un problème “sensible”? Où, quand, comment, a t-on préconisé, dans l’Islam, la mendicité, l’exploitation des enfants, comme une condition sine qua non pour acquérir la science? Est cela l’image que l’on veut donner de notre cher Sénégal, pays de la “Téranga”? Est-ce cela l’image que l’on veut donner de notre chère religion? L’image d’un pays, d’une religion, qui ne protège pas les plus faibles? Se rend on vraiment compte du préjudice que l’on fait subir à la réputation du Sénégal, de l’Islam?

Quand on les regarde, ces petits anges perdus, livrés à eux mêmes, chétifs, pieds nus et misérables, pensons à nos propres enfants. Pensons à l’innocence qu’ils incarnent, pensons à tout ce qu’ils représentent, pensons à leur avenir, pensons à ce qu’ils vivent, depuis des décennies, sans que personne n’ose lever le petit doigt. Pensons à tous  ces « maîtres » monstrueux, enfermés pour pédophilie. Pensons à toutes ces victimes silencieuses, ces petits, inconscients de ce qui leur arrive, et qui subissent des viols répétés, tous les soirs. Pensons à ces 9 pauvres petits talibés, ces petits anges brulés, vifs, après une journée harassante, passée à marcher sous le chaud soleil, le vent, la poussière, entre mille véhicules, cherchant pitoyablement un moyen de faire plaisir à leur maître. Imaginons, une seule seconde, que cela arrive à notre enfant. Non? Inimaginable? Et pourtant, ils sont “fils de”, comme nos propres enfants. Imaginez que votre fils, âgé de 3 ans, la peau sur les os, erre dans les rues de Dakar, une journée entière. Imaginez qu’il doit ensuite “apprendre”, ce qui est inconcevable, après plus de 8 heures à marcher et mendier. Imaginez qu’après toutes ces heures interminables, votre fils dorme, à même le sol, après plusieurs coups de fouet, la nuit. Imaginez les flammes qui avancent, violemment, et trouvent votre fils en plein sommeil. Imaginez ce feu, cette fumée. Imaginez ce pauvre petit sursauter, alerté par le bruit, la chaleur. Imaginez la peur, de ce pauvre enfant, innocent, qui n’a pourtant rien demandé. Imaginez le pleurant, pensant à sa courte vie, faite de souffrances, à cet avenir qu’il n’aura jamais, à ce présent misérable, pensant à sa mère, à son père, à tout ce qu’il allait devoir perdre. Imaginez le, entrain de crier, de pleurer, impuissant, devant ses flammes, qui arrivent, et qui le happent, sans qu’il ne puisse se sauver, sans qu’il ne puisse dire à sa mère, comment elle lui manquait, et comment elle lui manquera. Imaginez ces 9 enfants, mourir, simplement parce qu’ils ont eu la malchance d’être des talibés, de DAKAR…

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C’est affreux, horrible et injuste. Injuste que depuis plus de 30 ans, cette pratique existe, sans qu’aucune autorité ne dise STOP à l’exploitation des enfants. Oui, ils sont exploités. Leur place n’est pas dans la rue, surtout dans une métropole où tous les vices sont présents, de la pédophilie au trafic de drogue, et eux, naïfs, innocents, habités par la peur du fouet, le soir, quand le “versement” n’est pas complet, se laissent entrainer vers des chemins ténébreux, où perversion, vices et débauche convergent.

Le problème est très sérieux, très complexe, et très profond, certes, mais il n’est pas insurmontable.

Interdisons la mendicité des enfants, sans aucun compromis. Interdisons la fermement. En tant qu’Etat, le Sénégal ne doit pas faillir à sa mission:

« Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l’Etat», extrait de la convention collective des droits de l’enfant, ONU.

Et leurs parents ? Me dit-on très souvent. Et je réponds, ironique : Leurs parents? Quels parents?

Les enfants d’aujourd’hui sont l’avenir de notre pays. Nous nous devons, tant que nous sommes, de les protéger, tous…

Reposez en paix, petits anges, et puisse la lumière de l’éternel, veiller sur vous, à jamais…

 

Rabia DIALLO

Rabia DIALLO
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