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Tatonnement Dans Le Pilotage Des « politiques Agricoles » Du Sénégal : Macky à L’école De Wade?

Tatonnement Dans Le Pilotage Des « politiques Agricoles » Du Sénégal : Macky à L’école De Wade?

L’agriculture constitue, au Sénégal, la principale activité économique, en milieu rural, et occupe plus de 65% de la population active. Malgré ses potentialités,elle tarde à décoller du fait de nombreux problèmes structurels et conjoncturels.

Une reprise plombée par l’ajustement structurel, suite à la sécheresse des années 70 :

Après les états généraux de 1984, les politiques et stratégies agricoles définies dans la Lettre de Politique de Développement Agricole (LPDA) et le Programme d’Ajustement Sectoriel Agricole (PASA), suite logique de la Nouvelle Politique Agricole (NPA-1984) n’ont pas donné des résultats probants.

Le pilotage à vue et l’échec des programmes spéciaux sur la période 2000-2011 :

La persistance des contreperformances du secteur a amené les autorités, dès le lendemain de la première alternance politique, intervenue, en 2000, à adopter une approche plus globale dans la prise en charge des questions agricoles. Cette démarche a abouti à l’adoption, en 2004, de la Loi d’Orientation Agro-Sylvo Pastorale (LOASP) qui est une loi consensuelle. Malheureusement, sous le magistère de WADE, les décrets d’application ont tardé à se concrétiser. A la place, nous avons assisté à un foisonnement débridé de programmes spéciaux (maïs, manioc, etc.), élaborés sans aucune concertation avec les acteurs. Ces programmes n’ont pas donné les résultats escomptés, malgré les importantes ressources englouties.

Au moment où des milliers de jeunes sénégalais bravaient l’océan dans des embarcations de fortune pour rejoindre l’Europe, le Gouvernement avait lancé, en 2006, sur l’initiative du président WADE, le Plan de Retour Vers l’Agriculture (REVA), perçu comme une réponse au problème du chômage des jeunes. Ce Plan a été à l’origine de la création de l’Agence Nationale du Plan de Retour Vers l’Agriculture (ANREVA).

La crise alimentaire de 2008 a montré toutes les insuffisances de ces politiques à assurer correctement notre sécurité alimentaire. C’est dans ce contexte qu’a été lancée, en mai 2008, la Grande Offensive Agricole pour la Nourriture et l’Abondance (GOANA), dont l’objectif était de relancer les productions agricoles nationales pour assurer la sécurité alimentaire. Ce programme avait pour axe phare, le Programme National d’Autosuffisance en Riz (PNAR). La même année, à l’instar de tous les pays de la CEDEAO, le Sénégal a lancé le processus de formulation du Programme National d’Investissement Agricole (PNIA) qui a été adopté, le 10 février 2010.

Un Programme Agricole Quinquennal (PAQ) restrictif de la vision du PNIA et la persistance des mauvaises pratiques de gouvernance sectorielle :

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L’agriculteur figure en bonne place parmi les priorités dégagées dans le programme «Yonu Yokuté» du président Macky SALL. L’option prise par le chef de l’Etat est de faire de l’agriculture un puissant générateur d’activités conomiques et d’emplois, en s’appuyant fortement, comme le président WADE, sur le secteur privé. Or, les conflits persistants, notés ces dernières années, sur le foncier, constituent une entrave au développement de l’agrobusiness tel que rêvé par les autorités. Après le conflit de «Mbane», en 2008, le projet Sen huile-Sen éthanol peine à s’implanter correctement à Gnith et Ronkh, après une installation avortée à Fanaye. Curieusement, l’Etat a mis en place une commission sur les réformes foncières sans impliquer les organisations de producteurs qui occupent l’essentiel des terres qui font l’objet de conflits.

En matière de promotion d’emplois pour les jeunes, à travers l’agriculture, le nouveau régime a juste changé la dénomination de l’Agence Nationale REVA, devenue Agence Nationale d’Insertion et de Développement Agricole (ANIDA).

Les missions et les objectifs

restent pratiquement inchangés. L’implantation des Domaines Agricoles Communautaires (DAC) annoncée, n’est rien d’autre qu’une nouvelle appellation des pôles d’émergences intégrés, implantés par l’ANREVA.

Sur la question de l’autosuffisance en riz, les nouvelles autorités ont réactualisé le PNAR lancé sous le régime de WADE, avec le même objectif de production (1.600.000 tonnes de paddy), mais cette fois ci, à l’horizon 2018. Les besoins en semences certifiées n’ont pu être satisfaits, ces dernières années, notamment dans les filières tratégiques comme le riz et l’arachide. Pour le cas de l’arachide, nous avons assisté à une distribution, à prix subventionné, de quantités d’arachides, sous l’appellation de «semences écrémées» qui n’ont pas les facultés germinatives d’une semence certifiée.

L’enveloppe de 5 milliards prévue dans le budget de 2013 pour la reconstitution du capital semencier risque d’être dépensée dans les mêmes conditions en lieu et place d’un programme durable de multiplication de semences certifiées.

Quelle que soit la volonté de nos autorités, il faut reconnaitre que les pratiques dans la politique de subvention des engrais ne garantissent pas à l’Etat, des coûts d’acquisition raisonnables, ce qui réduit considérablement les quantités d’engrais mises à la disposition des producteurs, à la base. A la place d’une procédure transparente d’appel d’offres de sélection de fournisseurs, conformément aux dispositions du code des marchés, nous assistons toujours

à des consultations restreintes, discrétionnaires de fournisseurs agrées par l’Etat. L’Etat devrait, à mon avis, chercher à accompagner les producteurs qui, à travers leurs différentes entités, peuvent assurer leur propre approvisionnement en engrais, avec l’appui des banques.

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Parallèlement, la réhabilitation des ICS/SENCHIM doit être une priorité.

Dans le domaine de la maitrise de l’eau, il urge de mettre aussi en œuvre, une politique ambitieuse en vue de réduire l’incertitude liée à la forte dépendance à l’agriculture pluviale. Les investissements les plus significatifs, annoncés par le nouveau régime, concernent essentiellement les aménagements hydro-agricoles à réaliser dans la vallée du fleuve Sénégal et de l’Anambé, avec l’appui des partenaires techniques et financiers comme le MCA et secondairement la petite irrigation locale avec le Projet d’Appui à la Petite Irrigation Locale (PAPIL), des projets négociés, sous l’ère WADE.

Pour s’attaquer au sous équipement reconnu le monde rural, le Président de la République a, dans son message de nouvel an (31/12/2012), adressé à la Nation, annoncé l’achat, en 2013, de 1.000 tracteurs. Une enveloppe de 42,5 milliards est prévue pour «l’acquisition de nouveaux matériels pour l’agriculture et l’élevage». Le Ministre de l’Agriculture et de l’équipement rural, qui a effectué récemment une mission au Brésil, a annoncé, dans une interview accordée au quotidien «L’observateur» (N°2861 du 03 avril 2013) une enveloppe de 70 millions de dollars (environ 35 milliards de F.CFA), pour l’équipement du monde rural, dans le cadre de la coopération avec le Brésil. Nous assistons là, aux mêmes pratiques vécues sous l’ère WADE, avec l’acquisition de tracteurs dans le cadre de notre coopération avec l’Inde. Ces acquisitions faites sans considération des besoins réels du monde rural ni des spécificités agro pédologiques ont donné des cimetières de tracteurs un peu partout dans ce pays. A l’heure actuelle, les paysans sénégalais ont un besoin en petit matériel, pour l’essentiel (semoirs, houe-sine, souleveuses, charrettes, etc.). Si réellement le Gouvernement avait tenu compte de cette situation, cette importante somme d’argent aurait dû servir, au-delà d’équiper convenablement le monde rural, à relancer l’industrie et l’artisanat local. Le rôle de l’Etat n’est pas d’acheter des tracteurs mais plutôt de créer les conditions pouvant permettre à chaque acteur d’accéder aux équipements qui lui conviennent, suivant un mécanisme de financement adéquat.

Le financement du secteur est essentiellement assuré par la CNCAS. Certains Systèmes Financiers Décentralisés (SFD) apportent aussi leurs concours. Les fonds de garantie, de bonification et de calamité mis en place, doivent faire l’objet d’une évaluation sérieuse. Au besoin, ils pourront être renforcés et leur mobilisation plus facile pour la CNCAS. La Caisse Nationale D’assurance Agricole du Sénégal (CNAAS) mise en place depuis quelques années tarde à intégrer le schéma en place.

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Dans son message du 03 avril 2013, le Président a annoncé :

 la création d’une ligne de garantie de 10 milliards pour des activités génératrices de revenus, en faveur des femmes et des jeunes. Qu’en est-il du FONGIP déjà annoncé ?

Pourquoi ne pas renforcer le fonds de garantie logé à la CNCAS si l’objectif visé était essentiellement la promotion de l’emploi des jeunes à travers les activités agricoles ?

 un financement de 17 milliards destiné à la création d’emplois non-salariés, pour les jeunes. Le FNPJ, créé par le Président WADE, a échappé à la mesure de suppression,de directions et agences, initiée au lendemain de la nouvelle alternance. Le fonds pour la promotion de l’entreprenariat féminin est toujours en place. Quel sort sera réservé à

tous ces fonds qui ont engloutis plusieurs milliards sans évaluation ?

Sur cette question centrale du financement du monde rural, il y a lieu de constater l’absence de politiques cohérentes et pertinentes s’appuyant sur l’expertise et les capacités de la CNCAS. Le renforcement des fonds de sécurisation notamment le fonds de bonification et leur accès par les SFD pourrait davantage permettre une diminution du taux d’intérêt sur les crédits agricoles.

Sur le pilotage des politiques, on note la également une continuité apparente. Des organisations de producteurs ont reproché, aux tenants du pouvoir actuel, un manque de concertations qu’elles ont toujours déploré, du temps de WADE. Il y a lieu d’instaurer un dialogue régulier avec l’ensemble des acteurs. Un conseil présidentiel ou interministériel sur l’agriculture n’est qu’un forum pour annoncer de grandes décisions qui, pour la plupart du temps, ne font pas l’objet d’une mise en œuvre et d’un suivi corrects.Je ne suis pas animé par un sentiment de désespoir mais les actes posés, ces 10 dernières années, et surtout ceux posés, depuis un an, par le nouveau pouvoir, me laissent perplexe car on sent un certain tâtonnement dans le pilotage des «politiques agricoles». Il est temps de penser notre agriculture autrement. Les ruptures attendues par les sénégalais, c’est aussi dans le pilotage du secteur agricole.

 

Serigne Mbacké HANE

Agro-économiste

haneserigne@yahoo.fr

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