Lors d’un Conseil des Ministres tenu le 13 décembre 2012, le Président Macky Sall avait instruit le Premier ministre M. Abdoul Mbaye de prendre toutes les dispositions utiles pour inverser la tendance de la hausse constante observée sur les prix du loyer. Au mois d’Avril dernier, le Chef de l’Etat, dans le cadre d’un autre conseil des ministres, est encore revenu sur la lancinante question liée à la cherté du loyer. Et c’était pour réitérer ses instructions au gouvernement de mettre en œuvre « une politique de régulation appropriée pour faire face efficacement aux spéculations de toute nature qui compromettent l’équilibre objectif du marché de l’immobilier au Sénégal ».
Tout indique donc que la problématique du coût des loyers au Sénégal et plus particulièrement dans la région de Dakar constitue une préoccupation majeure de l’actuel locataire du palais de l’Avenue Léopold Sédar Senghor. Cependant, il convient de rappeler que cela ne constitue pas une nouveauté dans notre pays. Déjà en 2008, alors que son prédécesseur Me Abdoulaye Wade était encore au pouvoir, l’Assemblée Nationale du Sénégal conformément à la résolution n° 2/2008 avait mis en place une commission d’enquête parlementaire sur proposition de l’honorable Député le professeur Iba Der Thiam. Ladite commission était chargée de déterminer les causes de la cherté du loyer dans les villes et particulièrement à Dakar, la ville-capitale et d’identifier les moyens devant permettre de réduire le coût des loyers.
Sur le même registre, la Commission Urbanisme et Aménagement du Territoire de l’ex Conseil Economique et Social avait dressé dans un rapport en 2010 (affaire n° 2010-11) un état des lieux de la politique immobilière au Sénégal et du coût du loyer avant de proposer des recommandations. L’essentiel de ces recommandations s’articulait autour de la baisse de la fiscalité immobilière, l’application des lois sur le logement et notamment sur la promotion de l’habitat social qui passerait par la production de logements sociaux en quantité suffisante. Manifestement la question du coût du loyer et de l’habitat a toujours été un sujet de réflexion au niveau politique et institutionnel dans notre pays. Mais les actes forts et les solutions concrètes se font toujours attendre de la part de nos gouvernants.
Comme l’indique une étude de l’ANSD présentée dernièrement au public, le renchérissement continu du loyer confère aux charges de location »un poids de plus en plus important dans le budget des ménages qui consacrent 24,9% de leur revenu mensuel au paiement du loyer ». Et cette charge pèse davantage pour les ménages les plus pauvres (moins de 80.000 francs de revenu mensuel) qui consacrent plus de 34% de leurs revenus au paiement du loyer contre 22,4% pour les ménages les plus ‘’riches’’ (au moins 220.000 francs de revenu mensuel). Selon toujours les résultats de cette étude de l’ANSD, plus du tiers des locataires (37,6%) déclarent éprouver souvent des problèmes pour payer le loyer. Il s’en suit souvent des retards de paiement et des impayés de loyer. Donc, à dire vrai, il y a problème et nous pensons que l’Etat devra vite identifier les voies et moyens pour trouver des solutions concrètes à la cherté du loyer.
«Manifestement la question du coût du loyer et de l’habitat a toujours été un sujet de réflexion au niveau politique et institutionnel dans notre pays. Mais les actes forts et les solutions concrètes se font toujours attendre de la part de nos gouvernants.» De notre point de vue il faut promouvoir l’accès au logement pour les catégories socioprofessionnelles les moins favorisées. Ce serait même un élément clé dans la lutte contre la cherté du loyer surtout au niveau de la capitale sénégalaise Dakar où cela ce ressent le plus. En effet, il y a une grave pénurie de logements. Et ce phénomène selon les experts de l’Onu-Habitat est lié à une demande sans cesse croissante et à une stagnation de l’offre. Et pour satisfaire la demande en matière d’habitats, ces experts préconisent la réalisation de 70.000 nouveaux logements. Face à cette situation, l’apport de certaines sociétés nationales comme la Sicap ou la Sn-Hlm risque d’être très bancal.
En effet, ces sociétés qui ont reçu mission de la part de l’Etat de faciliter l’accès à un logement convenable pour toutes les franges de la population, particulièrement les plus démunies n’ont pratiquement plus les moyens pour réaliser de nouveaux programmes immobiliers du fait de la rareté de l’assiette foncière, et quand elles y arrivent tant bien que mal, elles proposent des villas dont les prix ne sont pas à la portée des goorgolous. Dès lors y a même lieu de réfléchir sur un changement de dénomination d’une société comme la Sn-Hlm (société nationale des habitations à loyers modérés). En plus de ce constat, il faudrait peut être relever le manque de vision prospective dans le management de ces sociétés qui aujourd’hui ont peut être fait leur temps.
La rareté de l’assiette foncière, parlons en justement. En effet, durant les douze longues années de gouvernance Pds, la boulimie foncière et immobilière des libéraux n’avait point de limite. Prétextant d’un libéralisme économique, leur chef, le Président Wade avait mis en place un mécanisme de reconfiguration du patrimoine foncier du pays, dans lequel s’est développée une spéculation foncière et immobilière sans précédent. Cette démarche désastreuse d’attribution de terrains à des privés au détriment des sociétés nationales ou tout simplement de privés nationaux intervenant dans le logement social, a pratiquement plombé depuis 2000 la réalisation de programmes immobiliers d’envergure destinés aux familles à revenu limité.
Cette appropriation privative du bien commun en a révulsé plus d’un. A ce propos d’ailleurs, nous avons eu à constater que des institutions sociales ont semblé se prendre au jeu et ont acquis ces dernières années des terrains. Beaucoup de terrains. S’agit-il pour elles de réaliser des programmes immobiliers destinés à leurs adhérents ? Ou s’agit-il tout simplement d’une « démarche de prévoyance » disons d’investissements à faire fructifier plus tard en cédant lesdits terrains à des tiers au prix du marché ? Nous voudrions bien être édifiés. Dans l’attente de recevoir réponses, nous considérons que cette démarche d’accumulation de terrains par des organismes sociaux n’ayant pas cette vocation n’influe pas sur l’économie réelle. Et l’Etat doit se donner les moyens de « ramener » de manière amiable ces réserves foncières dans son assiette afin de s’engager résolument dans la promotion du logement social. C’est possible.
«La démarche d’accumulation de terrains par des organismes sociaux n’ayant pas cette vocation n’influe pas sur l’économie réelle.» Il convient de rappeler qu’en 1988, l’Etat du Sénégal dans sa politique de promotion de l’habitat social a encouragé la mise en place d’une société privée dénommée Société Centrale d’Aménagement des terrains urbains (Scat-Urbam). Plusieurs sites ont pu être viabilisés par cette société, notamment ceux de Grand-Yoff et Hann Maristes et qui ont donné naissance à de nouveaux quartiers. Cela a crée un impact social fort en permettant à des sénégalais de vivre dans des quartiers aménagés disposant de voirie et de réseaux d’alimentation en eau, de drainage, d’assainissement, d’électricité, d’éclairage public, tout en tissant des liens sociaux.
Cette société malheureusement a été dissoute précipitamment en 2000, juste après l’alternance politique survenue le 19 mars de la même année au Sénégal par les libéraux. Et c’est le 1er septembre 2003, que Me Madické Niang alors ministre de l’Habitat sortant avait présidé la cérémonie officielle de … liquidation de la Scat-Urbam. Sans doute ému de prononcer l’oraison funèbre d’une société qui avait fait ses preuves, le ministre avait pompeusement annoncé en guise de consolation, la mise sur pied d’une agence d’aménagement des terres. C’était en 2003 déjà. Nous sommes maintenant en 2013. Quid des aménagements réalisés par ladite agence ?
Aujourd’hui, nous considérons que l’idée de créer une nouvelle société immobilière doit être encouragée par les pouvoirs publics et au premier chef par le président Macky Sall. Cette nouvelle structure sera un intervenant majeur qui viendra combler le vide consécutif à la disparition de la seule société spécialisée dans l’aménagement des terrains et leur affectation qu’était la Scat-Urbam.
«Aujourd’hui, une nouvelle société immobilière s’impose pour la réalisation de logements sociaux»
En plus de ses missions d’aménagement et d’organisation des espaces autour des grandes villes sénégalaises cette nouvelle société va également encadrer la réalisation de logements sociaux dont le coût se situera entre 10 et 15 millions de francs Cfa en veillant au respect les obligations générales et contractuelles à la charge des promoteurs immobiliers ou des professionnels du bâtiment vis-à-vis de leurs clients (respect des normes de construction, qualité des matériaux, etc.).
La nouvelle société immobilière pourrait être constituée avec comme principaux actionnaires : Bhs, Caisse de Dépôts et Consignations, Caisse de Sécurité Sociale, Ipres, Pool des assureurs, Promoteurs immobiliers privés nationaux, Union Nationale des coopératives d’Habitat. Pour le capital social, les souscriptions pourraient se faire par voie d’apports en numéraires ou par des apports en nature. Et dans ce cadre, des organismes sociaux tels que la Caisse de Sécurité Sociale et l’Ipres vont pouvoir apporter une partie de leurs réserves foncières assez considérables.
Aujourd’hui, nous pensons que la réflexion doit être poursuivie. Cependant il faut agir, vite afin de soulager le budget d’un grand nombre de ménages à très faibles revenus. En leur facilitant l’accession à la propriété immobilière avec des habitations classées « économiques » on impacte sur leur quotidien tout en leur donnant la possibilité de se constituer un pécule en vue éventuellement, d’un logement meilleur, dans une autre étape de leur vie, ou de financer les études de leurs enfants. En conclusion, nous considérons que l’Etat doit défendre et appliquer le droit au logement en s’engageant résolument dans la promotion de l’habitat social. Cela participera à préserver la cohésion sociale.
Papa Ameth Diallo
Juriste d’Affaires
Zone B – Dakar
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