Senexalaat - Opinions, Idées et Débats des Sénégalais
Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Nous Avons Honte De Ces écrivains

Nous Avons Honte De Ces écrivains

Voilà que ça recommence. Certaines agitations légères frisent le ridicule ; surtout lorsqu’elles émanent de personnes qui clament haut et fort leur intellectualité haut de gamme. Le régime de Wade a fait tomber beaucoup de masques au plan politique et religieux; celui de Macky Sall risque de détruire davantage de mythes, surtout dans le milieu intellectuel.

Certes, « Le bonheur tient aux événements, la félicité tient aux affections. » comme disait Napoléon Bonaparte. Cependant, jusqu’ici, les événements que ce nouveau régime a créés n’ont pas réussi à offrir le bonheur au peuple sénégalais.

Et, féliciter quelqu’un par affection ne suffit pas. Cela conduit à la flatterie très nuisible au flatté. Notre société est remplie de flatteurs fainéants fumistes fourbes fieffés félons qui se targuent d’être de grands intellectuels, de fins politiques etc. alors qu’ils ne sont, en réalité, que des parasites, sans vergogne, prêts à plonger leur pays dans le gouffre. Leur unique devise est : « Que le peuple trinque, pourvu que je prospère ». Ces derniers vont s’agglutiner autour de Macky, comme son ombre, afin de réussir à assouvir leur dessein de profiteurs professionnels et de tacticiens du gain facile. Ils étaient ainsi avec Diouf et Wade.

Notre peuple a besoin que les leviers qui orientent la marche de son développement ne soient plus tributaires de la gestion purement familiale ou clanique, de la médiocrité, du copinage, de la concussion et de la corruption.

Nous disions, parlant de l’écrivain, que sa mission doit le pousser à prendre à bras-le-corps le combat de son peuple pour interpeller l’Etat, à chaque fois que c’est nécessaire, sur les préoccupations légitimes des citoyens. Mais, force est de constater que, nous n’entendons jamais certains écrivains sur des questions inhérentes aux inondations, aux augmentations récurrentes des denrées de première nécessité, au bâillonnement des libertés individuelles et collectives, à la souffrance du monde rural, au chômage de la jeunesse, au saccage de nos ressources financières et de notre foncier par des prédateurs égoïstes jouissant d’une impunité incompréhensible, à la décadence de nos valeurs, à la gestion familiale et clanique (ou, depuis quelques temps, de plus en plus ethnique) de l’Etat, au règne d’une justice à deux vitesses… Nous ne sentons pas certains écrivains dans la défense de notre système éducatif malade, de notre système sanitaire chaotique etc.

Du temps de Wade, nous le dénoncions avec fermeté : les pensionnaires de la Maison des écrivains passaient leur temps, très souvent, à chanter les louanges du chef de l’Etat et des membres de son entourage. Mais voilà que ça recommence. Les vertes prairies attirent la rapacité des brebis affamées et leurs bergers serions-nous tenter de faire remarquer au risque peut être de nous tromper.

A LIRE  De nouveau, honte à toi, Sada Ndiaye, et à ceux qui te déroulent le tapis !

Monsieur le président Macky Sall, nous n’accepterons pas que les mêmes béquilles reviennent au devant de la scène pour nous reproduire les mêmes bêtises. Les bons écrivains écrivent sans tambours ni trompettes en bravant toutes les difficultés du monde. Mais ils savent que c’est un sacerdoce. Ces derniers n’ont pas besoin d’être présents au banquet du prince pour exister.

La mission régalienne portée par le chef de l’Etat doit le hisser au dessus de toutes ces contingences, y compris les sentiments d’amitié ou de parenté qui le lient à certains. Ce régime est un régime de rupture… du moins, c’est la volonté exprimée par son mentor ; alors, il faut qu’il nous rassure en étant à équidistance des acteurs du secteur du livre et de la lecture.

Il ne doit pas se fier aux apparences et aux autoglorifications de certains. C’est leur manière d’exister car beaucoup d’entre eux ont atteint la ménopause des idées depuis très longtemps. Certains n’écrivent plus. D’autres n’écrivent que pour chanter le prince ou s’auto glorifier. Nous l’avions dit lors d’un symposium à St Louis réveillant ainsi la colère du président de l’association des écrivains qui avait préféré prendre le micro pour déverser sa bile sur nous avant de bouder le reste des travaux.

Mais c’était la triste vérité. Pendant douze ans, ils n’ont fait que ça : être au service du prince Wade. Pire, beaucoup d’entre eux se sont reconvertis dans l’édition. Et ces éditeurs du dimanche polluent gravement l’espace. Ils ont détruit l’élan d’innombrables auteurs. Le fonds d’aide destiné à l’édition constitue pour eux une manne d’argent à bouffer en utilisant des montages financiers rocambolesques autours des manuscrits de ces auteurs néophytes. Il faut un audit de ce fonds depuis sa création. Les escrocs ne sont pas que dans le secteur politique.

Dans le secteur du livre, les craintes sont énormes. Elles ne sont pas seulement perceptibles dans le domaine de l’édition, de la promotion et de la distribution. Elles sont tenaces dans les conditions presque inexistantes de diversité de la création qui interpellent, en première lieu, les écrivains. Pour une bonne politique du livre, il faut d’abord des écrivains de qualité… ce qui ne se décrète pas. Toutefois, en essayant d’encourager la découverte de talents cachés, dans un souci de les accompagner rigoureusement dans l’exercice de leur passion au plan didactique, promotionnel et logistique, sans les contraindre à être des lèches bottes ou des bras armés du prince, le Sénégal pourrait offrir davantage au monde des œuvres de valeur. Mais cette voie dans laquelle excellent certains de nos devanciers n’est pas la bonne ; leur suivisme assaisonné de louanges mensongères est simplement horrible… honteux.

A LIRE  La charte des Assises nationales va vers la poubelle nationale (Par Babacar Justin Ndiaye)

Dans Horreur au palais, nous avertissions déjà ces chefs d’Etat qui font d’une frange importante des intellectuels de leur pays la grande gueule qui prolonge, à coups de mensonges savants, leur jeu de dupe vis-à-vis de leur peuple. Etre avec un camp présidentiel ne doit pas signifier, chez l’intellectuel qui se respecte, être un larbin qui sert de caution morale à ses dérives sinon il court le risque d’avoir les oreilles et les yeux bouchés par l’hypocrisie, l’égoïsme et le culte de la personnalité, avec comme seule préoccupation la satisfaction de sa panse et d’un plan de carrière douteux ; son épanouissement étant assujetti à sa capacité de subordination et non à son expertise et son expérience avérées.

Ceux là sont des adeptes du complot comme ascenseur pour accéder à leur ambition souvent insolite et égocentrique. Tout président de la république qui veut réussir sa mission doit éviter de tomber dans leurs pièges assaisonnés de « griotisme » débordant.

Monsieur le président, nous ne cessons de vous le répéter ; le peuple vous écoute. Le peuple vous observe. Le peuple vous attend dans la satisfaction de ses attentes et dans le respect de vos promesses. Pour le moment vous ne faites qu’accumuler des impertinences et des impostures. Personne ne vous a élu pour vous entendre étaler vos incapacités à résoudre le problème de l’emploi des jeunes, des inondations, de l’éducation, de la santé, du monde rural, de l’énergie entre autres. Cette attitude défaitiste ne colle pas à la fonction présidentielle. Ceux qui disent que le président préfère tenir un langage de vérité au peuple se moquent de nous ; il n’a pas été élu pour des éternelles séances d’explication sur ses incompétences et incohérences mais pour apporter les solutions idoines aux problèmes qu’il connaissait déjà. D’où l’élaboration du programme de gouvernance du candidat Macky Sall dont l’application est confiée, malheureusement, à une coalition trompeuse dont certains membres s’en foutent éperdument sa réussite.

Monsieur le président, vous pouvez réussir le pari de ne pas décevoir le peuple si vous savez refuser que des personnes, éprises de sinécures et fortes en flagorneries, mal intentionnées, vous enferment dans la chaudière de l’égo. Votre mariage avec votre peuple doit être un mariage de fidélité, de respect, d’amour et de servitude vis-à-vis de sa république. Votre cour ne doit intéresser l’écrivain sérieux que dans le but de vous ouvrir les yeux sur les dures réalités que vivent le peuple et que vous semblez de plus en plus ignorer depuis votre occupation du fauteuil présidentiel.

A LIRE  Mais l’avion « Le Sénégal » dans les airs, a-t-il un commandant de bord ?

Monsieur le président, il paraît que l’ « élite » vit de l’ignorance du peuple. L’existence de l’écrivain est assujettie à son devoir de lutter contre cette ignorance. D’où la noblesse de sa mission de passeur de savoir et d’éveilleur de conscience. Etre un larbin porte préjudice à sa vocation. Gérer des prébendes égoïstes, par le biais de certains lobbies qui prétendent parler au nom de sa corporation, l’abrutit. L’écriture ne doit pas être une sorte d’exutoire pour vaniteux préoccupé par un triomphe personnel. Il doit laisser aux adeptes de la politique politicienne la folie des honneurs préfabriqués. L’écrivain doit prendre ses responsabilités, à chaque fois que c’est nécessaire, pour alerter, mieux, se rebeller en faveur des véritables intérêts de sa mission pour le bien être de son peuple. C’est pourquoi, le grand Maître Aimé Césaire, dans son bureau à l’ancienne mairie de Fort de France, nous donna ce conseil un jour: « Confiance ! Espérance ! Refus de toute forme de compromission ! Allez-y travailler pour ce qui vous survivra ! ».

Monsieur le président, dites-le à la racaille d’écrivains qui vous font les yeux doux afin de rentrer, honteusement, dans vos grâces… Au moment du combat épique pour libérer le peuple sénégalais des griffes de Wade, ils étaient avec son régime. Les martyrs qui tombaient sous le feu des tortionnaires de Wade les laissaient de marbre. Ils n’osaient pas broncher.

Aujourd’hui qu’il n’est plus là, ils veulent être avec vous pour vous induire en erreur comme ils l’ont fait avec votre prédécesseur. Alors attention car vous n’aurez aucune excuse. Vous êtes jeune et vous savez tout cela. Personne ne vous a forcé à être président. Vous vous êtes proposé au peuple qui vous a accepté par la voie des urnes. Le mandat du peuple n’est pas un chèque à blanc, il faut le mériter. Le temps presse et, pour l’instant, vos pas ne sont pas rassurants et nous osons croire que vous en êtes conscient.

 

Tafsir Ndické DIEYE

Auteur de polars et de poésie

Conseiller spécial de la coordonnatrice du Réseau Parlementaire pour la Population et le Développement

Membre du pôle programme de Macky2012

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *