Alors que la date butoir de 2015 fixée pour les Objectifs du Millénaire (OMD) 1 pour le développement approche, les Nations Unies intensifient ses efforts pour favoriser le débat sur ce qu’il convient de faire pour une meilleure promotion du développement dans les pays pauvres. Les résultats de ces discussions devront façonner les politiques et les investissements visant à stimuler la croissance du PIB, le renforcement du capital humain et promouvoir une prospérité plus inclusive.
Avec une population mondiale qui devrait atteindre neuf milliards de personnes d’ici 2050 dont une proportion importante d’entre elles va résider dans les pays en développement, la communauté internationale doit améliorer l’accès à l’éducation, aux soins de santé et les possibilités d’emploi à travers le monde. Pendant ce temps, la perspective d’une hausse de la température mondiale de plus de 2 ° C2 par rapport aux niveaux préindustriels d’ici la fin de ce siècle (qui pourrait déclencher des effets les plus dommageables de réchauffement de la planète) appelle à investir davantage dans l’urbanisation durable, l’agriculture intelligente face au changement climatique, et les filets de sécurité sociaux. Ces deux facteurs doivent nous inciter à définir, à long terme, des modèles durables de production et de consommation.
Le gouvernement, la société civile et le secteur privé doivent relever le défi, en coopérant d’avantage pour trouver et mettre en œuvre des solutions créatives et innovantes. Mais, ils doivent d’abord anticiper les besoins de financement associés, qui dépasseront bientôt les capacités actuelles des gouvernements et des donateurs internationaux, et de prendre des mesures dès maintenant pour activer de nouvelles sources fiables de financement.
Pour commencer, le gouvernement doit concevoir des politiques ciblées, fondées sur des résultats et soutenir le développement d’institutions solides et fiables. Il s’agira de rendre les services publics plus efficaces, tout en contribuant à catalyser l’aide au développement des donateurs traditionnels et de mobiliser des ressources supplémentaires du secteur privé.
Au Sénégal, il existe des possibilités considérables pour la mobilisation des ressources intérieures. Mais ça passe par une politique courageuse, visant à l’élargissement de l’assiette fiscale, à l’amélioration de l’administration fiscale, et de combler les lacunes dans la collecte de la taxe sur la valeur ajoutée (la TVA).De telles mesures pourraient de manière significative augmenter la contribution des recettes fiscales qui comptent pour seulement 10% du PIB, comparativement à 20-30 % de PIB dans les pays à revenu élevé.
Une taxation plus équitable et plus juste aurait un impact positif sur la gouvernance, tout en étant un autre outil important pour la mobilisation de ressources intérieures. Avec l’amélioration de la gouvernance d’entreprise et des politiques de prix d’exportations claires, les pays riches en ressources naturelles pourraient consolider leur capacité à négocier des contrats équitables avec les industries extractives et de gérer leurs richesses naturelles de façon plus transparente.
Des progrès dans ces domaines aideraient les pouvoirs publics à canaliser leurs dépenses de manière plus efficace vers ceux qui devraient en bénéficier le plus. Par exemple, seuls 8 % des 409 milliards de dollars dépensés en subventions aux combustibles fossiles en 2010 a atteint les 20 % les plus pauvres de la population. Un programme de soutien ciblé pourrait augmenter considérablement l’efficacité des dépenses, et libérer ainsi des ressources pour l’éducation, la santé et l’éradication de la pauvreté.
Par ailleurs, la promotion d’une offre financière plus large et inclusive pourrait accélérer la croissance du secteur privé, créant plus de possibilités d’entreprendre. En effet, un accès plus large aux services financiers aiderait les quelque 500 milles 3 micro, petites et moyennes entreprises dans le pays à prospérer, tout en permettant au 1 million de sénégalais qui n’ont pas actuellement accès à ces services pour construire leurs actifs et réaliser leur projet.
Un secteur financier plus efficient et tourné vers l’investissement permettrait aussi de réduire les coûts de transaction et de faciliter la gestion des risques. Une dynamisation de la BRVM (la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières) qui passerait forcément par des actions appropriées alliant à la fois stratégie, organisation et réglementation pourrait aider à développer et promouvoir des investisseurs nationaux et mobiliser l’épargne intérieure pour financer des investissements à moyen et long terme.
Dans le même temps, la communauté internationale doit s’efforcer d’améliorer la disponibilité et l’efficacité de l’aide publique au développement (l’APD) 4. L’objectif de 0,7 % du PIB – décidé en 2002 à la Conférence internationale sur le financement du développement à Monterrey, au Mexique – devrait inciter les pays à accroître leurs contributions. . A l’heure actuelle nous sommes loin de cet objectif, par exemple au niveau de l’OCDE le pourcentage du revenu national brut (RNB) destiné à l’APD est en moyenne de 0,31 %
Les pays donateurs devraient structurer l’aide pour s’assurer qu’elle appuie les politiques publiques et qu’elle crée un environnement favorable à une croissance inclusive. Ceci est particulièrement pertinent pour les partenaires de développement émergents, notamment les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), qui proposent de nouveaux types de programmes d’aide qui intègrent l’investissement et l’aide non financière.
Les organismes de bienfaisance privés, qui ont joué un rôle important dans la promotion de l’innovation dans des domaines tels que les soins de santé, l’environnement et l’éducation, pourraient fournir de précieux renseignements pour acheminer l’aide plus efficacement. Face à des ressources limitées, le concept d’« efficacité de l’aide », réaffirmé lors du sommet mondial de Busan en 2011, revêt une importance capitale.
Quatre axes de partenariat avec les pays en développement avaient été définis comme prioritaires : la réduction de la fragmentation des efforts entre les donateurs, la gestion axée sur les résultats et la promotion de la transparence et enfin l’appropriation de l’aide par les États bénéficiaires. Plus généralement, l’amélioration de la coordination entre les bailleurs de fonds permettrait de maximiser l’impact de l’aide sur le terrain.
Alors que l’APD demeure une source importante de financement pour les pays fragiles et à très faible revenu, elle ne représente que 7 % des flux financiers nets vers les pays en développement, où l’investissement direct étranger, les transferts de fonds, la dette à long terme et les investissements de portefeuille ont un plus grand impact. Les bailleurs de fonds devraient diversifier les sources de financement pour les pays les plus pauvres du monde, en fournissant des garanties de risque, des sources de placement novateurs, la syndication de la dette et des accords de cofinancement. Attirer même une fraction des actifs détenus par les investisseurs institutionnels, les fonds souverains d’investissement, et les fonds de pension publics pourraient considérablement stimuler le financement du développement des pays pauvres.
De même les populations de la diaspora sont une autre grande source potentielle de financement du développement. Réduire les coûts de transfert, qui s’élèvent en moyenne à 9 % de la valeur des transactions, mettrait plus d’argent dans les mains de ceux qui en ont le plus besoin. Des produits financiers adaptés pour les communautés de la diaspora pourraient attirer des ressources pour l’investissement, tout en renforçant les liens des migrants – économiques ou autres – à leur pays d’origine.
Enfin, la communauté internationale a une responsabilité particulière pour la fourniture de biens publics mondiaux. La responsabilité de préserver l’environnement, enrayer la propagation des maladies transmissibles, renforcer l’architecture financière internationale, consolider la participation des pays en développement dans le système commercial mondial, et faciliter l’échange de connaissances se trouvent à l’intersection des priorités nationales de développement et des intérêts mondiaux.
L’investissement dans la capacité et la maitrise des données statistiques aiderait les gouvernements et les entreprises du monde entier à prendre de meilleures décisions en matière de politiques, basées sur une connaissance plus précise des coûts et des avantages associés.
Cependant, face à l’ampleur des enjeux, l’APD seule ne saurait couvrir l’ensemble des besoins. C’est pourquoi de nouvelles sources de financement du développement sont à l’étude. L’idée d’une fiscalité internationale au service de la solidarité fait son chemin : car les défis globaux appellent une solution globale. Un premier pas dans ce sens a été franchi avec l’instauration d’une taxe sur les transactions financières (TTC), en janvier 2013, au niveau européen.
Le défi de l’après 2015 consistera à trouver des solutions créatives pour soutenir la prospérité et le développement harmonieux de l’ensemble de l’humanité
Ensemble, les gouvernements, la société civile, les organisations internationales et le secteur privé peuvent et doivent améliorer la disponibilité et la qualité du financement du développement, et de construire un avenir meilleur pour tous.
Alioune Badara Sy
Délégué thématique au Club de l’Economie Numérique
Ingénieur Centralien Spécialiste des problématiques des PME/PMI en Afrique
Expert en management de projets industriels.
badousy@gmail.com
(1) Voir article publié sur les OMD dans le journal Enquête en date du 6 Aout 2013
Le Sénégal est encore loin d’atteindre ses objectifs selon un rapport de l’Unicef sur « Etat des lieux des OMD Sénégal entre 2005 et 2011 »
Le Sénégal reçoit en % du PIB plus que ne reçoit la moyenne des pays d’Afrique subsaharienne,
Source PNUD HDR 2010
(2) Chaque année, selon l’IEA, 36,4 milliards de tonnes de CO2 sont émises dans le monde. Pour atteindre les objectifs fixés au sommet de Cancun en 2010, elles ne devraient pas dépasser les 32 milliards de tonne afin de limiter la hausse des températures à 2°C.
Les dérèglements climatiques ont sans doute provoqué une cascade d’événements qui ont eu raison de la civilisation maya, pensent les scientifiques
(3) Au Sénégal, on comptait quelques 220 683 PME, répertoriées au NINEA, en fin 2005, selon les chiffes du ministère de l’industrie
(4) L’Aide publique au développement (l’APD) pour le Sénégal représente environ 15%