Si tel est bien le cas, il n’y a pas de doute alors, on pourrait bien affirmer que la montagne aura véritablement accouché d’une souris. Ou pire !
La médiation pénale, qui avait été rejetée véhémentement par le président de la République et son ministre de la justice et garde des sceaux, a bien prévalu finalement dans le cas présent.
Car, c’est elle qui a été bel et bien appliquée, mais peut être qu’on n’ose pas l’avouer aux Sénégalais, à cause du prix fort que la majorité d’entre eux attachait à la procédure annoncée antérieurement.
C’est extrêmement grave cette reculade de l’Etat ! Et au finish, le Gouvernement a fait trop de bruit autour de la question pour rien, ou alors pour si peu. Osons espérer toutefois, que le cas de Karim Wade et consorts ne sera pas semblable, sinon, ce sera la catastrophe car, on aura perdu inutilement du temps et de l’argent pour des broutilles.
Au regard du cas qui nous préoccupe présentement, je pense que la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite (CREI) s’est muée dans les faits et curieusement, en une Cour d’Incitation à l’Enrichissement Illicite légalisé (CIEIL) par la volonté des autorités de l’Etat. A cet effet, madame le ministre de la Justice semble, si les faits annoncés par la presse étaient bien confirmés, se dédire totalement jusqu’à preuve du contraire.
Car, elle avait elle-même, devant tout le peuple sénégalais comme témoin, proclamé haut et fort, qu’il n’y a aurait pas de médiation pénale dans la traque des biens mal acquis. Ce qui du reste serait très juste, parce qu’il ne saurait être question, d’appliquer une telle faveur, à ceux-là, qui ont délibérément pillé avec indécence, les ressources nationales de toute une communauté, pour leur seul profit.
Les Sénégalais, dans leur grande majorité, ont exprimé leur opposition à la médiation pénale, clairement et sans équivoque. Ils exigent avec détermination et sans ambages, que ces délinquants dangereux pour notre société, remboursent jusqu’au dernier centime ce qu’ils nous ont dérobé à travers l’exercice de leurs fonctions et soient sévèrement sanctionnés.
A la rigueur, et si toutefois, au cours de l’enquête, ils ont été coopératifs et raisonnables, en ne rien dissimulant aux enquêteurs, on pourrait alors, au niveau de la peine d’emprisonnement, étudier avec bienveillance, cas par cas, la possibilité de leur accorder des circonstances atténuantes. Mais dans le cas qui nous concerne, tel n’a pas été le cas.
En vérité, il a été contraint d’accepté finalement les faits malgré lui et à cause de sa peur d’aller en prison. Ensuite, parce qu’il était aussi coincé par des preuves matérielles irréfutables, en plus de la trahison de ses proches, qui ont dévoilé sans réticence tous les subterfuges et autres camouflages, qu’il avait utilisés pour brouiller les pistes de l’enquête.
Par ailleurs, comment peut-on admettre alors un seul instant, sur un préjudice de près de huit (8) milliards, reconnus détournés de leur destination, que l’Etat puisse accepter une transaction avec l’auteur d’une telle forfaiture, qui en définitive, n’en rembourse que 3,6 ou 3,4 milliards seulement, selon la presse ?
Ce qui veut dire en quelque sorte, que la différence deviendrait alors la propriété licite du délinquant, sans autre forme de procès. C’est complètement ahurissant ! Et à mon sens, cela frise même l’indécence.
Si en tout cas, telle est la solution préconisée en dernier ressort par le Gouvernement face à la traque des biens mal acquis, le président de la République et son ministre de la justice ne sont plus en phase avec l’exigence des populations, qui, interrogées ces jours-ci encore, la plupart ont réaffirmé avec force, aujourd’hui plus qu’hier, que les délinquants pris la main dans le sac, qui ont fait main basse sur nos deniers publics, doivent les rembourser intégralement, à l’exclusion de toute médiation pénale.
Et en plus, les auteurs doivent être sanctionnés aussi pénalement à titre de leçon. Ce qui pourrait servir d’avertissement et aussi dissuader, ceux éventuellement, qui seraient tentés d’emprunter ce chemin tortueux de la délinquance économique. Et les mêmes sanctions, serviront aussi ultérieurement de jurisprudence, pour des cas similaires. Mais hélas !
La CREI ou plutôt le Gouvernement du président Macky Sall, semble passer complètement à côté de la plaque dans cette affaire, si cette transaction synonyme de deal, se confirme. Et en disant que : « le dossier Tahibou Ndiaye a été classé sans suite, suite à une médiation pénale », cela signifie parfaitement donc, que la messe est dite, pour cette affaire. Et, elle a bien l’air, d’être un véritable faux départ dans la traque des biens mal acquis et de la répression de l’enrichissement illicite.
Aujourd’hui, le doute est en train de s’installer et de se propager dans l’esprit de certains citoyens, à cause de ces yoyos judiciaires qui ne traduisent rien d’autre, que le renoncement de leurs engagements, qu’ils avaient bien pris devant les Sénégalais. Ceux-là qui espéraient voir enfin, notre environnement social et public assaini, par le nettoyage des écuries d’Augias de tous ces délinquants économiques.
Ils doivent être sanctionnés de façon exemplaire, pour que personne, non seulement ne tente plus de détourner le moindre sous de nos deniers publics qui leur sont confiés, mais n’y pensera même plus. Cet espoir, en effet, se rétrécissait au fur et à mesure avec le temps –depuis janvier 2013- et ainsi, il était en train de fondre comme du beurre au soleil.
Si l’on en juge par le traitement judiciaire abracadabrant, qui a été réservé finalement à ce dossier, qui est en réalité, un test de grandeur nature, pour la suite de la traque des biens mal acquis et de la répression de l’enrichissement illicite.
Ce dossier, donne bien des raisons de désespérer et des craintes pour l’avenir qui leur est réservé. A y regarder de près, et en observant les revirements des uns et des autres, les contradictions et autres divergences de positions, qui ont été aplanies ou aplaties, pour devenir la seule position officieuse, à savoir l’option finale de la « médiation pénale » dans cette affaire d’enrichissement illicite.
Pour le commun des mortels, le but visé par la loi avec ses sanctions prévues contre le délinquant, est bien de faire réparer les torts causés à la victime, et d’éviter entre autres, que ces derniers ne puissent user du bénéfice de leur vol.
Dans le cas qui nous préoccupe, c’est bien le peuple sénégalais qui est la victime toute désignée, parce que c’est lui qui a été spolié de son patrimoine ou de ses ressources destinées à son développement.
Mais admettons par exemple ce cas de figure où les biens volés appartiendraient à un tiers privé. Est-ce que ce dernier accepterait, une fois que le voleur ait été pris, et les biens identifiés et localisés, d’en céder la moitié ou simplement une partie à son voleur ? Je ne le crois !
Et ce n’est pas tout, car il est également laissé libre comme le vent, avec une partie de son butin. C’est une sacrée loi celle-là! Car, elle incite ni plus ni moins au vol de gros sous.
Dans le cas d’espèce, il y a là, un cas de conscience qui concerne personnellement le président de la République. En ce sens qu’il est représentant attitré du peuple sénégalais et la personne morale, qui doit défendre les intérêts de la nation et veiller à la sauvegarde ainsi qu’à l’inviolabilité de ces biens. Il n’a nullement le droit de laisser un seul centime du peuple aux pilleurs des biens de la nation.
La loi –qualifiée d’impersonnelle- doit s’appliquer dans toute sa rigueur, à l’encontre de tous ceux qui commettent des délits avérés, aussi bien envers la nation, qu’au détriment des tiers.
Il n’y a pas de raison, si nous ne sommes pas vraiment en face d’une justice à deux vitesses, que des voleurs de poulets et d’objets insignifiants croupissent en prison pendant des mois voire des années, comme des laissés-pour-compte, alors qu’au même moment, des voleurs de milliards se font traiter avec beaucoup d’égard et d’attention, comme des VIP.
Cela est inadmissible dans une République qui se respecte, et où la loi est une, et applicable à tous sur le même pied. Il semblerait exister dans la République du Sénégal -mais ignorées par le citoyen lambda- des lois parallèles spécieuses non issues peut-être du Code de procédure pénale, étudiées et destinées à l’intention d’une catégorie de citoyens à part, synonymes de voleurs de luxe.
Qui sait ?
Avec les bizarreries de notre pays, toutes les incongruités peuvent y être décelées, comme cet arrangement en face de nous, à savoir quelqu’un qui vole une valeur de 8 milliards, mais qui n’en rembourse tout au plus, que 3,6, et sans aucune incarcération. Ce n’est pas juste du tout !
Autrement dit, c’est une forme d’impunité que l’on nous sert encore, à travers ce cas d’école. Ainsi, il n’est pas faux de penser que nous avons au Sénégal, des citoyens ordinaires et des citoyens plus, qui ne sont pas évidemment, régis par les mêmes lois de la République.
Le Président de la République, doit bien veiller à l’exécution de sa feuille de route ou son tableau de bord, tel qu’il l’avait décliné et promis au peuple sénégalais lors de son élection. Il en est de même que son agenda doit être établi en fonction de ce qui précède et aussi de la durée de son mandat, fixé librement par lui-même.
« Alallu mbollo wala bu jambur baafa la tudd » dit l’adage wolof.
Mandiaye Gaye
Gaye_mandiaye@yahoo.fr