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La Justice, Rien Que La Justice, Dans Toute Sa Rigueur

La Justice, Rien Que La Justice, Dans Toute Sa Rigueur

Notre pays est confronté, depuis 53 ans, à la lancinante question du chômage et du sous-emploi. Aujourd’hui, des millions de nos compatriotes et principalement nos jeunes, frappent chaque jour le macadam à la recherche d’un emploi introuvable. Nombre d’entre eux, faute de mieux, se résolvent à braver les immensités de la mer et du désert.

On a la chair de poule, quand on passe à 12 ou à 18 heures devant l’université et les différentes écoles de formation qui déversent, chaque année, des dizaines de milliers de demandeurs d’emplois sur le marché du travail.

C’est dans ce contexte qu’un Africain, le milliardaire nigérian Aliko Dangote, a choisi d’investir chez nous, en construisant dans les environs de Pout une cimenterie géante, dont on dit qu’elle emploiera une douzaine de milliers de Sénégalaises et de Sénégalais. Sans compter les milliers d’emplois indirects et autres retombées qui donneront sûrement un souffle nouveau à la Communauté rurale de Keur Moussa, à toute la Région de Thiès et à tout le pays.

Avec l’implantation de cette cimenterie, le coût du ciment baissera sûrement. Il est question aussi que, plus tard, Mr Dangote pourrait investir dans le sucre.

Un différend oppose le milliardaire nigérian et la famille de feu Serigne Saliou Mbacké. Il aurait empiété sur les terres de l’ancien khalife et a été attrait en justice par les héritiers de ce dernier. En dernière instance, la Cour suprême a estimé que les plus de 900 hectares qui avaient été attribués à Serigne Saliou (de son vivant) ne reviennent pas directement et automatiquement à ses héritiers. Et l’affaire suit son cours.

C’est fort de la décision de la Cour suprême que le Préfet de Thiès aurait, par arrêté, autorisé Mr Dangote à poursuivre les travaux de son usine. Cet arrêté a fait sortir de ses gonds Serigne Moustapha, représentant la famille de feu Serigne Saliou Mbacké.

Il accuse en particulier le président de la République d’avoir pris fait et cause pour le milliardaire nigérian. Depuis lors, les commentaires vont bon train. « Fracture entre Touba et le Palais », titre un quotidien de la place. « Macky Sall dans un tourbillon », titre un autre. L’Apr n’est pas en reste : « elle s’érige en bouclier de Macky sall ».

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Je ne me retrouve dans aucun de ces titres. Il n’ya pas de fracture entre Touba et le Palais. La cimenterie de Pout n’oppose pas le Palais à la Confrérie mouride dans son ensemble, ni Macky Sall aux héritiers de feu Serigne Saliou. Le président Sall n’est non plus, de mon point de vue en tout cas, dans aucun tourbillon pour avoir besoin d’un bouclier. L’affaire qui défraie la chronique aujourd’hui oppose Aliko Dangote à la famille de feu Serigne Saliou Mbacké.

Comme elle est pendante en justice, elle ne devrait en rien concerner le président de la République. Il appartient à nos magistrats de prendre leurs responsabilités et de connaître de cette affaire en toute indépendance et en toute rigueur. Si, aux yeux de la loi, la famille de feu Serigne Saliou Mbacké n’a pas un droit d’hérédité sur les terres en litige, la Justice doit prendre une décision sans équivoque dans ce sens.

C’est peut-être le lieu de profiter de cette affaire Dangote-famille de feu Serigne Saliou Mbacké pour nous arrêter un peu sur ces attributions de dizaines de milliers de terre à des particuliers, au détriment de la collectivité nationale. Je ne m’attarderai pas sur la dilapidation de nos maigres réserves foncières (de Dakar) par l’ancien président de la République – encore lui. Avant lui, le président Diouf a attribué 45000 hectares à Serigne Saliou Mbacké.

Ces immenses terres mises en valeur pendant plus de deux décennies sont revenues à ses héritiers qui se les ont partagées. Le président Wade a attribué, dans un premier temps, les terres de l’ancien Ranch de Dolli au khalife Serigne Saliou. Cette décision a suscité, à l’époque, de vives réactions de la part des agriculteurs et des éleveurs de la zone. L’ermite de Khelcom a alors sagement renoncé aux terres en question.

Quelques années après, le président calculateur lui a attribué un peu plus de 9000 hectares dans la Forêt classée de Pout, terres dont une partie fait l’objet du litige qui défraie la chronique aujourd’hui. Pour un souci d’équilibre, le président politicien a attribué la même année, dans la même zone, 3000 hectares au khalife général des tidianes, Serigne Mansour Sy.

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La presse a fait état – et le représentant de la famille de feu Serigne Saliou l’a confirmé –, d’une tentative de régler à l’amiable, entre les deux parties, le litige foncier de Pout.

Dans ce cadre, Dangote était prêt à donner 6 milliards 630 millions de francs Cfa. Le litige porte sur 124 hectares, soit un peu moins du 1/100ème de la superficie totale. Si le centième est négocié autour de 6 milliards 630 millions de francs Cfa, le total ne vaudrait pas moins de 500 milliards. Que cache le sous-sol de ces 9000 hectares ? Est- il vraiment raisonnable d’attribuer un tel patrimoine à une famille de seulement dix personnes, et qui se sont partagé déjà 45000 hectares ? Il se pose ici un vrai problème de moral et de justice sociale. Le litige qui oppose Dangote aux héritiers de feu Serigne Saliou Mbacké mérite donc d’être posé.

En particulier la presse, la classe politique et la société civile devraient prendre leur courage à deux mains et en débattre publiquement. Souvent, on s’abrite commodément derrière la sensibilité de la question. Elle n’a rien de sensible. Il s’agit simplement d’un problème de morale, d’équité et de justice sociale.

Nos gouvernants et la Justice devraient prendre les premiers leurs responsabilités. Depuis 53 ans, nous traînons de lourdes pesanteurs qui expliquent, pour l’essentiel, notre place peu enviable parmi les pays les plus pauvres et les plus endettés du monde. Nous avons besoin, pour la résolution de la lancinante question du chômage et du sous-emploi, d’ouvrir notre pays aux investisseurs étrangers.

Ce serait dommage, et un antécédent dangereux, si l’important projet de Dangote devait tomber à l’eau. Le président Macky Sall en particulier devrait tenir bon et rester indifférent à ces différentes menaces et pressions de toutes sortes qui fusent ça et là.

Combien de milliards de francs Cfa, d’hectares de terre, de passeports diplomatiques, de véhicules rutilants le président Wade a-t-il distribués pour se faire réélire en 2012 ?

Si le président Sall aspire à se faire réélire en 2017, la voie lui est toute tracée : il lui suffit de mettre en œuvre et sans calcul, pour le seul intérêt national, la politique sobre, vertueuse, transparente et efficace qu’il nous a promise. Qu’il construise en quantité et en qualité des écoles, des centres de santé, des forages, des ponts, des routes goudronnées et des pistes de production, des brigades de gendarmerie et des commissariats de police surtout dans les régions périphériques !

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Qu’il crée des centaines de milliers d’emplois en modernisant l’agriculture, la pèche et l’élevage, ainsi qu’en relançant le tourisme, l’artisanat, la petite et moyenne entreprise ! Qu’il ouvre le pays aux investisseurs, en créant les conditions préalables !

Qu’il engage une lutte sans merci contre les détournements de deniers publics et toutes les formes de malversation et de fraude ! Qu’il s’éloigne comme de la peste et du choléra, de la gouvernance folklorique, politicienne et clientéliste de son prédécesseur ! En particulier, qu’il nomme aux postes les plus stratégiques les hommes et les femmes les plus compétents d’entre nous !

Qu’il résiste aux manœuvres et aux intimidations de toutes sortes et veille à ce que la Traque des biens dits mal acquis aille jusqu’à son terme, en toute transparence ! Qu’il mette tout en œuvre pour que la paix revienne dans notre chère Casamance meurtrie !

S’il s’engage dans cette voie, il y a de fortes chances qu’il soit élu en 2017, si telle est sa préoccupation. C’est le peuple, le peuple seul qui donne le pouvoir et le retire, s’il y a lieu. Ses prédécesseurs les présidents Diouf et Wade en ont fait amèrement l’expérience respectivement le 19 mars 2000 et le 25 mars 2012.

Dakar, le 7 octobre 2013

 

Mody Niang, mail : modyniang@arc.sn

Mody NIANG

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