Notre pays est dominé économiquement par la France, et soumis aux institutions de Breton Woods par le biais desquelles, les politiques économiques libérales nous sont imposées depuis plus de trente ans, avec les résultats sociaux présentés plus haut.
La France nous tient par le Franc CFA, qui est garanti par elle à travers son Trésor public, où se trouve un Compte d’Opération dans lequel sont logés 50% de nos réserves extérieures.
Pour l’ensemble des pays de l’UEMOA, les réserves effectivement constituées au 15 Septembre 2012 s’élevaient à 1.303,9 milliards de Frs CFA, alors que les réserves requises sont de 539,9 milliards, soit une différence de 764 milliards hors de contrôle de nos États !
«Pour l’ensemble des pays de l’UEMOA, les réserves effectivement constituées au 15 septembre 2012 s’élevaient à 1.303,9 milliards de Frs CFA, alors que les réserves requises sont de 539,9 milliards, soit une différence de 764 milliards hors de contrôle de nos États !»
Ces 764 milliards qui ne participent pas à la garantie du CFA, sont pourtant restés dans le Trésor français pour participer au financement de son déficit budgétaire, au moment où nos États se tournent vers les marchés financiers pour financer le leur !
En outre, il est établi que, selon la Direction de la prévision et des études économiques (DPEE), «l’ancrage à la Zone Euro qui a un taux d’inflation bas et un niveau de développement plus élevé, n’est pas de nature à stimuler la croissance économique de l’UEMOA».
Elle fonde ce constat sur ce qui suit : «En réalité, l’écart entre la Zone Euro et les pays de l’UEMOA est tellement important, qu’il est impossible qu’un processus concurrentiel se crée entre les deux systèmes productifs. Le schéma actuel veut que l’UE vende aux pays de l’UEMOA des biens à contenu de travail qualifié, tandis que ceux-ci lui fournissent des biens primaires ou de première transformation».
Ce constat est illustré par la «Note de Conjoncture du troisième trimestre de 2013», qu’elle vient de publier en annonçant que le pays «a enregistré une perte de compétitivité de 3,1%, due à l’appréciation de l’Euro de 5,3%, atténuée par un différentiel prix favorable de -2,2%.»
C’est cette situation qui fait du Sénégal un pourvoyeur de produits peu compétitifs, comme le coton fibre, l’huile brute d’arachide, et l’acide phosphorique dans le marché européen et en Inde, pour importer des produits finis. C’est ce qui maintient notre pays au deuxième stade de l’industrialisation, qui limite la création de valeur ajoutée de nos produits agricoles et miniers, et qui occasionne des pertes de points de croissance et d’emplois.
«Notre réponse de gauche devrait être, dans le court terme, la création d’une puissante Banque Nationale de Développement à partir des immenses réserves de la Caisse de Dépôt et de Consignation (CDC), et dans le moyen terme, une sortie concertée avec les pays africains de l’Ouest et du Centre, de la Zone Franc, en retirant nos réserves du Compte d’Opération du Trésor public Français, pour les loger dans uns une Banque Centrale Unique, avec une monnaie commune, un Fonds monétaire et une Banque de Développement communs.»
C’est cette situation qui justifie, dans notre Politique Économique de Gauche, notre option de faire rentrer notre pays au troisième stade d’industrialisation pour transformer tous nos produits de base, agricoles et miniers en produits finis pour le marché local et l’exportation. L’agriculture serait ainsi tirée par l’industrie, qui devient le principal débouché à ses produits, plaçant ainsi notre dans un cercle vertueux de forte croissance créatrice d’emplois.
Une telle évolution requiert la reprise en main par l’Etat, associé au privé national, des entreprises privatisées au profit d’un partenaire stratégique étranger. Elle requiert aussi une véritable réforme agraire devant lever le blocage foncier à la modernisation de l’Agriculture, en redistribuant les réserves foncières au profit des 56,7% de ménages ruraux qui en sont victimes et parmi lesquels on compte les 57,3% de ménages ruraux en dessous du seuil de pauvreté.
Cela implique l’abrogation de la loi n°2011-07 du 30 mars 2011, et l’expropriation des 650 000 hectares attribués, sous le régime, de Wade à 17 bénéficiaires, dont 10 Sénégalais, dans le cadre de la transformation du Domaine National en Domaine privé des collectivités locales. L’agriculture et l’industrie de troisième génération vont ainsi devenir un vaste bastion d’emplois.
Cependant, le problème de l’emploi au Sénégal, n’est pas un taux de chômage réel des populations de plus de 35 ans, taux qui est en dessous de 3,4%, mais bien un problème de sous emploi, qui est de 32% qui frappe le monde du travail, et les difficultés que rencontrent les entrepreneurs du secteur formel et du secteur informel, à se développer pour améliorer la situation de l’emploi au Sénégal, à cause d’une forte concurrence déloyale.
Il s’agit donc, dans notre Politique Économique de Gauche, de créer les conditions pour limiter au minimum le sous emploi visible, qui mesure l’inadéquation entre l’emploi et la qualification, et le sous emploi invisible, qui mesure l’inadéquation entre emploi et revenu tiré de son travail.
Le sous emploi pose donc, à la fois, la problématique de l’Éducation et de la Formation, notamment, de la Formation technique et professionnelle, qui est naturellement la véritable Demande des jeunes de 10 à 25 ans, et la problématique du respect de la législation du travail en matière de rémunération, qui interpellent les syndicats des travailleurs.
Il s’agit ensuite de lutter vigoureusement contre la fraude douanière et la contrefaçon pour sortir les entreprises d’une concurrence déloyale sur le marché national, et l’État, de sa propension à sur-fiscaliser les facteurs techniques de production et la consommation des ménages, en luttant efficacement contre l’évasion fiscale.
Notre appartenance à la Zone Franc constitue aussi un moyen privilégie pour les Banques de la place, de piller nos maigres ressources. C’est ainsi que les émissions nettes de transferts initiées par nos Banques vers l’extérieur de l’UEMOA sont négatives en passant de – 178,8 milliards au premier trimestre de 2012, puis à – 301,1 milliards au second trimestre, pour atteindre – 401,1 milliards au troisième trimestre, soit un cumul de 881 milliards, au moment où elles ont réduit leur engagement vis-à-vis de la BCEAO de 112,3 milliards !
«Le taux de croissance moyen de l’Afrique Francophone de 2000 à 2009 est de 3,2% contre 6,2% pour les pays d’Afrique anglophone moins l’Afrique du Sud, tandis que le PIB moyen est de 9% de celui de l’Afrique Subsaharienne, contre 47% pour les pays anglophones moins l’Afrique du Sud !»
Au Sénégal, ce comportement des Banques est d’autant plus inacceptable qu’elles sont à 72% étrangères, et n’accordent que 34% de leur portefeuille à l’Economie, essentiellement orienté vers des crédits de court terme (46%) sur les 9 mois de 2013, et moyen terme (40%) destiné principalement aux Grandes Entreprises et à l’Etat, au détriment des Petites et Moyennes entreprises qui ne bénéficient à peine que de (10%).
Le Capital étranger domine aussi le marché des Assurances, où sur 15 sociétés, deux étrangères (AXA, la Française et Allianz, l’Allemande) contrôlent 60% de part de marché.
Le contrôle des Banques et du marché des Assurances par des Entreprises étrangères notamment Françaises, est donc le moyen par lequel nos maigres ressources sont pompées vers l’extérieur, au point que la balance des revenus, dans le Compte courant du Sénégal est non seulement négatif, mais ce déficit s’aggrave d’année en année.
Ce handicap de notre appartenance à la Zone Euro, et le contrôle de notre marché financier par des sociétés étrangères, vient d’être illustré par un rapport de la Banque mondiale cité par le Directeur du Laboratoire de Recherches Economiques et Monétaires (LAREM) qui établit, que le taux de croissance moyen de l’Afrique Francophone de 2000 à 2009 est de 3,2% contre 6,2% pour les pays d’Afrique anglophone moins l’Afrique du Sud, tandis que le PIB moyen est de 9% de celui de l’Afrique Subsaharienne, contre 47% pour les pays anglophones moins l’Afrique du Sud !
Toute politique de Gauche, axée sur le recouvrement de notre souveraineté économique, ne peut pas ne pas s’attaquer à ce handicap dans le cours et moyen terme. D’où l’option de sortie de la Zone Franc et de prise de contrôle du secteur bancaire et des Assurances par l’Etat associé avec les entrepreneurs nationaux, dans le cadre d’un partenariat Public-Privé national.
Mais ce partenariat ne saurait être à l’exemple de la BNDE que les nouvelles Autorités viennent de mettre en place avec une participation au capital de 75% pour le privé national et de 25% pour l’Etat. C’est, à la limite, une politique de simple substitution du privé étranger par le privé national, qui ne peut pas ne pas vouloir, comme le privé étranger étranger, maximiser ses gains comme la logique entrepreneuriale l’exige.
Notre réponse de gauche devrait être, dans le court terme, la création d’une puissante Banque Nationale de Développement à partir des immenses réserves de la Caisse de Dépôt et de Consignation (CDC), et dans le moyen terme, une sortie concertée avec les pays africains de l’Ouest et du Centre, de la Zone Franc, en retirant nos réserves du Compte d’Opération du Trésor public Français, pour les loger dans uns une Banque Centrale Unique, avec une monnaie commune, un Fonds monétaire et une Banque de Développement communs.
Du coup, nos peuples auront plus de souveraineté dans le marché monétaire et financier de notre sous région, et plus de moyens pour négocier avec le Nigeria dans le parachèvement de l’intégration économique et politique auquel œuvre la CEDEAO, née depuis plus de 38 ans.
C’est aussi le seul moyen pour nos peuples d’être plus indépendants vis-à-vis de la France et des Institutions de Breton Woods, dans la définition et la mise en œuvre de leurs choix de développement.
Tout cela constitue la trame du «nouveau patriotisme économique» qui prend la place de celui des années 60 et 70, qui était axé sur le concept «d’africanisation des cadres» dans tous les secteurs et «promotion et défense d’un secteur privé autochtone.
«En réalité, l’écart entre la Zone Euro et les pays de l’UEMOA est tellement important, qu’il est impossible qu’un processus concurrentiel se crée entre les deux systèmes productifs. Le schéma actuel veut que l’UE vende aux pays de l’UEMOA des biens à contenu de travail qualifié, tandis que ceux-ci lui fournissent des biens primaires ou de première transformation».
Une telle orientation ouvre de réelles perspectives pour le «renouveau» du Pan Africanisme, avec comme contenu principal, ce «nouveau patriotisme» qui allie la lutte pour la souveraineté de nos peuples, à la lutte contre la dictature du marché exercé par les Transnationales par le biais de la Bourse qu’elles contrôlent.
DAOUDA FAYE
* (Extrait d’un texte présenté à une rencontre de la Gauche du Sénégal)
palofay@hotmail.com