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Pourquoi La Geopolitique Sénégalaise Est Peu Lisible ?

La démocratie, au Sénégal, n’est pas un exploit contemporain comme dans la plupart des pays africains. Elle y est plutôt le résultat d’une proximité historique, et même culturelle, avec l’Occident. Naturellement, à travers les siècles et les réalités, elle est devenue une question de civilisation. C’est pourquoi, après la phase coloniale, la période d’indépendance ne pouvait qu’être démocratique. Malgré la regrettable crise de 1962 qui a mis l’UPS dans une sorte de paranoïa dans la gestion du pouvoir, la demande démocratique est demeurée plus forte et plus pressante que le Président Senghor dût répondre favorablement par un multipartisme limité. Ce fut à l’honneur du Sénégal car tous les pays environnants sombraient, à l’époque, dans le monopartisme infernal. Après Senghor, Abdou Diouf est devenu Président de la République « sans être élu ». Constitutionnaliser le multipartisme intégral fut bien pour lui une subtile virtuosité politique pour se faire agréer par l’opinion publique et une certaine classe politique.

Mais le multipartisme intégral de Abdou Diouf a commencé avec ce que la philosophe Aminata Diaw de l’UCAD a appelé, avec pertinence, « La démocratie des lettrés » qui donne presque à tout « intellectuel » le droit à la parole. Cette « démocratie des lettrés » a évolué d’abord avec une prolifération normale de structures de caporalisation comme les syndicats, les organes de presse, les mouvements associatifs qui, le plus souvent, apparaissaient comme des relais partisans aux agendas politiques intelligemment camouflés. Mais, heureusement qu’une certaine classe syndicale s’impose, aujourd’hui, loin des tendances politiques et partisanes pour ne s’accommoder que du droit et des intérêts légitimes des travailleurs, bénéficiant naturellement d’une aura de crédit respectable.

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Mais en même temps que proliféraient les structures de caporalisation, des organisations de la société civile ont aussi envahi le champ public et médiatique. Certes la société civile au Sénégal n’est pas partisane. Mais elle est quand même politique. Très politique. C’est pourquoi, certains de ses membres sont souvent invités à la gestion des affaires publiques où les citoyens les attendent toujours à faire leurs preuves sans toujours convaincre, hélas….

Ainsi, aujourd’hui, les partis politiques ainsi que, les structures de caporalisation, les mouvements associatifs, les organisations de la société civile sont si nombreux, difficilement dénombrables, que la géopolitique sénégalaise est péniblement lisible. Deux raisons peuvent l’expliquer.

Premièrement, un bon nombre de partis, au Sénégal, ont la même matrice : le PAI, le PS ou le PDS. Aucune définition des orientations politiques n’est clairement instaurée. Par conséquent, derrière les discours, les prises de position et les théories politiques, pourtant parfois populaires et pertinentes, se cachent un jeu d’intérêts entre chefs de partis, entre personnes même pouvait-on écrire. Les uns soldent des comptes. Les autres occupent simplement le champ médiatique sans jamais imaginer se présenter à une élection nationale d’enjeu historique.

Deuxièmement, au Sénégal, on vote rarement pour un parti. Devant une pluralité de candidats, les Sénégalais choisissent plutôt la personne. Le programme, la pertinence du discours et même quelque fois l’offensive médiatique de communication jouent peu. Deux atouts, le plus souvent, donnent un privilège : être victime d’une injustice décriée (comme ce fut le cas de Macky Sall) ou être charismatique (comme Wade).

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Les théories de Gauche, Droite, Centriste, Extrême-Droite, Extrême Gauche ne passent pas au Sénégal, du moins pour le moment. Les logiques de personnalités donnent plus de chance pour être parmi les élus que la pertinence de l’élocution et du programme. La conséquence est la nébulosité de la géopolitique qui fonctionne dans l’ornière du hasard historique selon les circonstances qui retiennent l’attention du public électeur, le temps d’une période électorale.

Pour paraphraser même F. Bayart, on peut même parler de cette « politique du ventre » qui brouille totalement la géopolitique et génère une multiplication de partis dans un désordre absolu au cœur d’un tohu-bohu que ne peut être éclairé que par une participation de tous les partis légaux à toutes les élections convoquées. C’est peut-être une aberration. Mais c’est une question qu’on peut bien poser : que chaque parti légalement constitué se présente à toutes les élections convoquées

 

Tamsir Jupiter Ndiaye

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