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Le Grenier, Les « mains Sales » Et La Loi Sur La Déclaration De Patrimoine

Le Grenier, Les « mains Sales » Et La Loi Sur La Déclaration De Patrimoine

Le vendredi 21 mars 2014 l’Assemblée nationale avait de nouveau légiféré. Elle avait voté la loi sur la déclaration de patrimoine enjoignant à une catégorie d’élus et de fonctionnaires de la République de porter à la connaissance de l’Etat, leur employeur, l’état de leurs biens personnels. Comme on le sait, cette nouvelle loi n’a pas échappé à la controverse et au scepticisme des uns et des autres, même si elle a fait le bonheur de quelques uns, notamment parmi les députés qui l’ont examiné et approuvé en l’état. C’est précisément la signification de ce clivage combinée à avec celle de la loi en question qui mérite de l’attention.

Par ailleurs, un principe élémentaire bien connu de la démocratie représentative commande la nécessite d’un certain équilibre ainsi qu’une mutualisation des responsabilités entre gouvernants et gouvernés. Faute de quoi, la confiance de ceux-ci envers ceux-là risque de faire défaut, lors même qu’il demeure le mécanisme d’exercice de la redevabilité et du contrôle de l’action publique. Il y a d’autant plus un risque que la confiance, condition de la mobilisation et de la loyauté des gouvernés, repose sur un probe accomplissement du contrat moral qui avait été implicitement établi dans la promesse d’une rupture gestionnaire faite pendant la dernière campagne électorale : la résorption de la demande de justice et de moralisation de la vie politique, en même temps que l’assainissement de la gouvernance sous toutes ses formes et à tous les niveaux de l’action politique (gouvernementale, législative, judiciaire et partisane).

Dès lors, il parait légitime de s’interroger sur la portée et l’efficience de cette loi, sachant en outre que les gouvernés n’ont aucune idée de l’état global du patrimoine public. Tant de scandales financiers, fonciers et gestionnaires ont sévèrement ravagé les biens publics, si bien qu’en prendre connaissance à travers un audit desdits secteurs aurait permis aux citoyens de mieux juger des patrimoines qui leur seront déclarés. Ce qui rendrait ipso facto la loi plus attrayante et la politique qui la sous-tend plus crédible. Cet aspect singulier de la dernière législation de l’Assemblée Nationale prend une importance plus considérable à la lumière des explications fournies sur la restriction de la force de la loi sur la déclaration de patrimoine.

Des objections au Parlement : « Nous avons aussi des « mains sales » parmi nous » !

La manière dont sont indexés les élus et certains corps de la fonction publique qui ont été soustraits à la force de cette loi ne manque pas de signes qui en disent plus long peut-être sur cette dernière qu’on peut le penser. Et de ce point de vue, les arguments mis en avant par le Ministre de la bonne gouvernance sur cette omission n’en sont pas moins à débattre. D’autant plus qu’elles sont destinées à justifier ce procédé lacunaire tout de même étrange, au moins sous deux angles. D’une part, le rôle des députés et de ces hauts fonctionnaires dans la machine infernale de la corruption pendant ces dernières années a été tel que c’est toute la République qui en a pris l’eau. D’autre part, afin de « renflouer » la République, ainsi que le prétendent l’exposé des motifs de cette loi et le discours officiel dont ils sont la concrétisation formelle, il parait important de responsabiliser les députés et les hauts fonctionnaires qui, quoi qu’on en dise, interviennent de près ou de loin, en amont ou en aval, dans la négociation, l’approbation, la mise en œuvre et l’évaluation des opérations d’accumulation et de redistribution de l’Etat.

Une poignée de députés, en l’occurrence Hélène Tine, Aïssatou Sabara, Me El Hadj Diouf et Djibo Leyti Kâ, entre autres, ont estimé que les élus du peuple auraient du être mis sous la rigueur de la loi. Ayant sans doute en mémoire et en secret les pratiques par lesquelles se sont enrichis, députés, chefs d’agence, et hauts commis de l’Etat sous le régime de Wade, ces élus sceptiques et expérimentés ne se sont pas permis de simples observations de routine, encore moins de la philanthropie de circonstance. Ils font plus que suggérer quasiment une aberration que celle d’affranchir de la sorte les élus, proches collaborateurs et agents de redistribution dans la politique clientéliste qui caractérise notre démocratie.

Un Pouvoir néopatrimonial a besoin de « mains sales » pour se reproduire

Comme on le sait, on n’a pas encore une idée précise du nombre de ces élus et autorités qui ont acquis biens et privilèges durant le magistère festif d’Abdoulaye Wade, y compris des logements et des véhicules de fonction qu’ils auraient convertis en biens personnels après leur départ du pouvoir. Il faut savoir en effet que dans un régime présidentialiste tel que le nôtre, il existe une forte dépendance du chef de l’Exécutif envers les élus et les hauts commis de l’Etat. Ces derniers y servent de garants et d’agents reproducteurs et stabilisateurs du pouvoir du chef et de sa coalition : ils sont chargés essentiellement de recruter et de fidéliser au moyen de prébendes les courtisans, les grands électeurs, les directeurs de conscience, les lobbyistes, les courtiers de l’aide publique, les falsificateurs d’imaginaires, les gladiateurs, etc. En somme, une armée de souteneurs, d’inconditionnels et de complices à tous les niveaux de l’appareil d’Etat assoit et perpétue la domination du régime au pouvoir et des élites qui lui son loyales grâce aux rentes et aux prébendes.

Ce mode de structuration et de fonctionnement du pouvoir politique présidentialisé renseigne sur le caractère avisé des objections des députés sceptiques et, par conséquent, tout le sérieux qu’il faut leur accorder. En réalité, le scepticisme des députés objecteurs nous fait découvrir le talon d’Achille de la loi. En effet, il est permis de douter de la sincérité des législateurs approbateurs de cette loi, d’autant plus que la majorité des députés l’avait visiblement trouvé « impeccable », parfaite en l’état, c’est-à-dire sans aucune menace pour les équilibres et la survie de l’oligarchie bureaucratico-parlementaire. Aussi peut-on en toute légitimité douter de la force dissuasive et opératoire de cette loi. A telle enseigne qu’on peut se demander si c’est la même logique qui avait présidé l’année dernière aux réserves de nombreux députés à l’adoption de la loi portant création de l’Office Nationale de Lutte Anti-corruption (OFNAC)?

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À ce moment-là, beaucoup de députés voyaient dans l’OFNAC une impertinence étant donné, selon eux, l’existence du Ministère de la Bonne gouvernance et les autres organes de contrôle et de lutte pour la transparence, à savoir la Cour des Comptes, créée par la Loi N°014-2000/AN du 16 mai 2000, ou bien la Commission Nationale de Lutte contre la non transparence, la Corruption et la Concussion (CNLCC)créée par la Loi n° 2003-35 du 24 novembre 2003. La portée et l’efficacité de l’OFNAC elle-même est sujette à caution, du fait de la crédibilité de certains de ses membres qui ont été cités dans des affaires douteuses dont le traitement simplement administratif avait été trop expéditive. La présence de certains d’entre eux dans le jeu politique est également un facteur qui relativise l’espoir que cet organe est susceptible de provoquer chez les uns et les autres.

Non sans grande raison, la minorité de députés sceptiques a en outre estimé que les agents des régies financières de l’Etat devaient être concernés si la loi était appliquée aux députés. On pourrait y ajouter les directeurs des agences et des entreprises publiques, les hauts magistrats et les inspecteurs généraux de l’Etat. Eu égards aux résultats qu’ils ont fournis jusque-là, l’opération d’audit de la fonction publique ainsi que la traque des biens mal acquis qui ont été menées par le Pouvoir auraient quand bien même pu motiver une extension de la loi à ces catégories d’élus et d’agents publics qui ont été dispensés de l’obligation de s’épancher sur l’origine et le montant de leurs avoirs. Que dire de la Direction Générale des Impôts et Domaines (DGID) dont l’affaire Tahibou Ndiaye a permis, à travers les nombreux retournements qu’on y a vus, de voir l’étendue de la responsabilité des hauts fonctionnaires dans le pillage foncier de la dernière décennie ? Il en est de même des représentants de l’Etat dans les territoires dont on sait qu’ils ont été très souvent mêlés dans le brigandage foncier auquel s’étaient joyeusement consacrés les boursicoteurs de l’ancien régime.

La haute hiérarchie militaro-sécuritaire ne devrait pas être en reste si l’on se remémore les quelques affaires dans lesquelles la grande muette et la police nationale ont été directement ou indirectement empêtrées, il est vrai avec moins de dégâts pécuniaires. On ne saurait perdre de vue les élus du Conseil Economique, Social et de l’Environnement (CESE) dont le mode de désignation à lui tout seul révèle combien ils sont dépendants et redevables du mode de fonctionnement patrimonial du pouvoir présidentialiste, par conséquent, potentiellement réfractaires ou disconvenant aux instruments de contrôle de la gouvernance publique.

Connaissant ainsi le potentiel terrifiant des hauts fonctionnaires, des élus et des sénateurs pour la délinquance économique, en plus de leur rôle prépondérant dans la reproduction du système clientéliste, on obtient une explication de l’autocensure législative qui a marqué la conception de la loi sur la déclaration de patrimoine.

On peut observer au final que, du fait de sa structure et de son fonctionnement sous un mode prébendaliste et rentier, l’Etat ne peut se passer de la disponibilité et de l’activité de « mains sales ». D’autant plus que ces agents du néopatrimonialisme peuvent être payés très bon marché par le mécanisme de la transhumance qui sert, aujourd’hui plus que jamais, de levier de consolidation du pouvoir politique. C’est ainsi qu’il faut comprendre pourquoi ont été également soustraits à la force de la loi sur la déclaration de patrimoine les élus locaux (maires, Présidents de région et communauté rurales, conseillers régionaux et ruraux) dont le mandat ne compte que sur un budget en dessous du seuil du milliard de francs CFA.

Les prétextes du privilège de législation révélateurs de préalables ignorés

Amené à expliquer pourquoi les premiers concernés de la loi, les députés en principe, ont été tout simplement exemptés de l’obligation de déclarer leurs biens, le Ministre de la bonne gouvernance a plutôt invoqué des contraintes techniques :

« Si par exemple les représentants de l’Etat administrant avec un budget de 250 millions de francs CFA devaient déclarer leur patrimoine, le nombre d’assujettis serait d’environ 12.000, ce qui emmènerait les agents de l’Office Nationale de lutte contre la fraude Corruption (OFNAC) à devoir traiter 200 dossiers par jour, soit environ 8.000 dossiers dans l’année. L’OFNAC serait dans l’incapacité de procéder au traitement de tant de demandes. C’est la raison pour laquelle il a été prévu une population éligible de 3.000 personnes. Avec l’évolution, le président de la République pourra augmenter ce nombre par décret ».

Ces arguments d’ordre technique me paraissent peu suffisants pour expliquer le privilège généreusement fait aux députés, hauts fonctionnaires et autres élus. D’une part, il est assez curieux que l’on n’ait pas encore décidé de supprimer les causes politiques qui sont en vérité à l’origine des prétextes techniques qu’a invoqués si laborieusement le Ministre. En effet, la pléthore d’élus locaux et de députés, et même de hauts fonctionnaires, est un phénomène inhérent à la reproduction du pouvoir néopatrimonial. Face à la nécessité de contrôler les populations et de massifier sa base électorale, le régime de Wade avait émietté les circonscriptions administratives et territoriales par maintes pratiques contestables au regard des lois. Certains territoires se sont vus imposer des redécoupages et des délégations spéciales dont ils ne voyaient ni la légitimité ni l’opportunité politique, encore moins la justification technique. L’administration, elle aussi, avait été évincée et mise au pas grâce à la scission et ou la démultiplication d’agences gouvernementales. Non seulement il n’est pas encore sûr que le fameux Acte III de la décentralisation pourra apporter les corrections idoines à ce problème, mais la lutte contre la corruption ne se limite pas au blanchiment des « mains sales ». Il s’agit d’abord de rationnaliser la taille et le fonctionnement de l’Etat en lui débarrassant de ses tentacules budgétivores et incontrôlés. Mais, pour l’heure, les ambitions politiques et les recompositions présentes ou à venir, dans la perspective des prochaines élections locales du 29 juin 2014, semblent l’emporter sur cette exigence-là.

D’autre part, il existe bien des moyens techniques pour contourner les soi-disant obstacles à l’extension de la loi sur la déclaration de patrimoine aux privilégiés du régime. La sophistication et l’extension de l’informatisation de la gestion publique peuvent permettre de traiter des milliers de dossiers par jour. S’il ne s’agit que d’enregistrement et de fichage des dossiers et des pièces à conviction, il serait bien moins coûteux pour l’Etat de recruter des agents qualifiés et dévoués, loin du népotisme, que de financer à plus grands frais le négoce des transhumants et des courtiers politiques.

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Comme l’a expliqué le ministre de la bonne gouvernance, la pléthore d’élus est un obstacle à l’application extensive de la loi. Autrement dit, la réduction du nombre des collectivités locales, et donc de la population d’élus locaux, serait une manière efficiente de lever cet obstacle à la fois démographique et technique. Si la lutte contre la corruption ainsi que la moralisation de la vie publique et l’assainissement de la gestion dont elle ressortit sont des préoccupations authentiques pour le nouveau régime, cette voie de réforme administrative et politique aurait du être préalablement poursuivit. La nouvelle réforme des institutions prévoit-elle de corriger cette anomalie dont on ne sait que trop comment elle peut se révéler très néfaste pour le contrôle de la gestion du patrimoine national?

En effet, il est étrange que la mue réformiste soit orientée vers la mise en place de nouveaux organes de transparence et de discipline gestionnaire alors que les quelques offices nationaux consacrés à cette mission depuis des décennies soient laissées face à leurs obstacles. Pourtant ces difficultés qui ont été plusieurs fois précisées dans les rapports d’activités annuels et les ateliers de réflexions des organes concernés empêchent l’exécution efficace des missions de contrôle et de sanction. La Cour des Comptes, par exemple, n’a jamais cessé de réitérer dans ses rapports annuels la nécessité de venir à bout des défis auxquels elle est confrontée dans sa mission. Lesquels n’ont pas encore reçu de réponse adéquate.

Etant donné « l’absence au Sénégal d’un organe juridictionnel financier décentralisé, la cour des comptes juge l’ensemble des comptes des collectivités locales. Ce qui nécessite d’importants moyens matériels […] Il faut noter, par ailleurs, qu’en général, les juridictions financières nationales ne sont pas toujours dotées de moyens appropriés pour exécuter leurs missions. Elles n’ont pas toujours des locaux fonctionnels, un personnel suffisant et même si le personnel existe, sa qualification laisse parfois à désirer. Nous avons noté, au cours de nos missions et de nos évaluations, que la motivation de certaines catégories de personnel, l’insuffisance de moyens informatiques, l’insuffisance de la formation, sont des points qu’il convient de relever »[1].

Qu’en est-il des demandes faites par ses organes pour être dotés d’un pouvoir d’auto-saisine et de sanction ? Qu’en est-il des recommandations qu’ils n’ont jamais cessées de faire et des réformes qu’ils ont souvent proposées dans les procédures de gestion publique ?

Les raisons politiciennes ne manquent pas pour expliquer ce qui ressemble quelque peu à une absence de suivi et de vision globale, si ce n’est une manque de volonté politique, sur le problème de la mal gouvernance. Pendant que les organes de prévention et de contrôle de la délinquance gestionnaire se démènent face à ces défis structurels, la classe politique en général, le Pouvoir en particulier, n’ont pas encore mis fins aux pratiques largement récriminées jusqu’ici et dont les coûts financiers exorbitants peuvent permettre de se doter définitivement d’un système de gouvernance publique saine et efficace. En effet des transhumants et des clientèles politiques de toutes sortes—clubs de la diaspora, clans régionaux, mouvements de femmes, chefs coutumiers, patrons de presse, journalistes, entrepreneurs politiques, hommes d’affaires, etc.—sont toujours l’objet de marchandages au sommet de l’Etat. Au même moment l’Intranet gouvernemental que l’on s’est procuré à hauteur de plusieurs dizaines de milliards de francs CFA demeure peu utilisé, en partie du fait de la résistance impunie des pratiques nébuleuses qui n’échappent plus à l’e-management.

Ambition gouvernementale ou stratégie rentière?

Un atelier réunissant la CNLCC et son partenaire l’agence américaine pour le développement internationale (USAID) le 28 mars 2014 a révélé que beaucoup de rapports sur des cas de corruption que la commission a eu à traiter et transmis au Chef de l’Etat n’auraient pas encore connus la suite qu’ils méritent. La loi sur la déclaration de patrimoine a-t-elle été votée au nom d’une ambition nationale et d’une volonté politique souveraine d’assainir la gouvernance ou bien constitue-t-elle une stratégie de la part du pouvoir destinée tout simplement à satisfaire des bailleurs de plus en plus impatients et plus que jamais soucieux de sécuriser l’environnement des investissements étrangers ? On sait que les injonctions sont nombreuses et la pression forte de la part des institutions internationales comme les Nations Unies et le FMI ou de partenaires internationaux comme les USA dont l’USAID contribue depuis 2010 au financement du  Plan National de Lutte contre la Corruption (PNLCC) lié à la stratégie de Gouvernance du Programme National de Bonne gouvernance.

Par ailleurs, on doit se demander ce qu’il en est de la pléthore d’institutions de prévention et de contrôle en général, et de lutte contre la délinquance économique et financier en particulier. S’il importe que ces institutions disposent toutes de pouvoirs d’auto-saisine et de sanction, ce qui n’est pas toujours le cas, on ne sait pas dans quelle mesure les risques de redondance et de conflits de compétences entre elles ont été prévenus et éliminés. Enfin, le combat de la lutte contre la mal gouvernance et l’assainissement de la gestion publique est loin de pouvoir compter sur les quelques organes existants, encore moins sur la loi sur la déclaration de patrimoine. Les lieux de la corruption politique, de la délinquance économique et financière, du népotisme et d’autres espèces de crimes économiques sont aussi le financement des partis politiques, la fonction publique, le cumul de fonctions, le code pénal et son livret de procédures.

La modification du Code pénal dont j’avais déjà parlé ailleurs, n’augure rien de bon si désormais les délinquants économiques peuvent tranquillement laisser courir des organes de l’Etat qui devront prouver la culpabilité des mis en cause. Le principe du renversement de la charge à preuve a été aboli au détriment des agents et des organismes publics chargés de veiller sur le patrimoine national. Ce qui est tout de même étrange, connaissant l’importance capitale du Code pénal et de la procédure pénale dans la justice économique et financière. Alors que le Pouvoir est présentement accusé de verser des sommes indues aux leaders de partis de sa coalition, une pratique que la société civile dénonce depuis des décennies, on n’a pas encore vu l’Assemblée Nationale délibérer sur une loi réglementant et rendant transparent le financement des partis politiques.  Une loi qui devrait en principe compléter celle sur la déclaration de patrimoine pour une plus grande transparence dans la vie publique. Rien non plus sur le cumul des fonctions et les innombrables conflits d’intérêts qu’il induit inévitablement dans l’exercice des missions de prévention et de contrôle dans la gestion publique.

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Que reste-t-il dans le grenier ? Déclarer son patrimoine au peuple !

Un des proches de l’ancien Directeur du Cadastre Tahibou Ndiaye qui avait été mis en cause dans une affaire de rapine foncière avait fait allusion dans la presse à une parcelle de terrain que ce dernier aurait octroyé à un ancien Premier ministre 1200mà Yoff. Lequel ministre aurait en outre bénéficié d’autres parcelles dans la réserve foncière du Centre International de Commerce Extérieur du Sénégal (CICES), soit vingt (20) terrains de 150m2.

En attendant que la justice donne suite aux enquêtes tenues dans le plus grand secret sur cette affaire parmi tant d’autres, semble t-il, par une unité spéciale de la Gendarmerie nationale, nous pensons qu’il est temps que l’Etat fasse la lumière sur tout au moyen d’un audit exhaustif de la totalité du patrimoine national de l’Etat dans les domaines du foncier, de la gestion des ressources naturelles, du sol et du sous-sol, du trésor public, des agences et entreprises publiques, des administrations. À l’image de l’audit de la fonction publique qui avait été récemment effectué avec un succès relativement intéressant, cette opération serait tout à fait légitime.

En effet, il importe également pour les citoyens de savoir l’état de leur patrimoine commun et comment il est géré par ceux à qui ils l’ont confié. Cette revue générale du patrimoine commun s’avère indispensable dans la mesure où aucune politique de relance économique et d’assainissement de la gouvernance publique n’est viable sans une vue globale et précise sur la comptabilité du grenier public. On sait par exemple que l’un des facteurs de la cherté du coût de la vie est celui de l’absence de contrôle et de visibilité sur les réseaux de distribution du commerce. On peut en dire de même des impairs récurrents dans les politiques agricoles à propos des réseaux de mise en circulation des semences, des fertilisants et des matériels agricoles. En outre, une appréciation globale et transparente sur le patrimoine national consoliderait davantage les efforts et les engagements des institutions publiques et privées dans la mise en œuvre de la redevabilité publique.

Au demeurant, il ne devrait pas s’agir d’une simple affaire de bonne gouvernance. Il s’agit avant tout de justice politique légitime, une condition sine qua non pour rassurer et mobiliser le peuple autour des chantiers de la restauration de la République. En effet, les citoyens à qui le Pouvoir actuel, le Président de la République en premier, ont proposé un nouveau contrat moral ont le droit d’être édifiés sur tout ce qu’il en fut, ce qu’il en est, des vastes entreprises de pillage organisées dans tous les domaines par l’ancien régime. On attend encore que justice soit faite sur le foncier, comme à Sangalkam, Mbane, Diakhaye, Saly Portudal, Diamniadio, La Corniche ouest, la réserve du CICES, la réserve de l’aéroport Léopold Sedar Senghor, etc. Dans le domaine minier et des ressources halieutiques, on attend d’en savoir plus sur l’exploitation des minerais de la région de Kédougou, les raisons du vote du code minier permissif en 2003, parmi d’autres affaires qui ont douloureusement assailli notre pays. Dans le domaine financier et économique, on est en droit de se demander pourquoi certaines agences ont disparu des yeux et des oreilles de plus d’uns alors qu’elles existent encore. Pourquoi d’autres agences ont été dissoutes, regroupées ou rattachées à des ministères sans que les fautes de gestion qu’on y a dénoncées ne soient préalablement traitées à l’attention des citoyens ? Que sont devenus les biens mobiliers de l’Etat accaparés par ses anciens serviteurs suite à la seconde alternance de mars 2012.

Sur tout cela, il faut reconnaitre qu’il n’y a rien de clair et de définitif pour les honnêtes gens qui attendent la « rupture » tant promise. Les différents réseaux et mouvements de la société civile n’en sont pas moins responsables et redevables du peuple. Ils ont choisi d’endosser ce combat pour et au nom du peuple, certains d’entre eux ont rejoint les rangs du pouvoir, se donnant ainsi l’opportunité de mieux représenter les citoyens, ou bien de trahir à jamais le rôle que l’ouverture démocratique leur a fait progressivement. Quoi qu’il en soit, leur conduite est surveillée de très prêt, ainsi qu’elle sera sanctionnée au coté de celle du nouveau régime.

 

Aboubakr Tandia

 

 

[1] Ousmane Sow, Le contrôle juridictionnel des comptes des collectivités locales, Mémoire de Maitrise, Saint-Louis : Université Gaston Berger Sénégal, 2008.

Aboubakr TANDIA

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