Après l’accueil « triomphal » de l’ancien chef de l’Etat par la FOULE sénégalaise après deux ans d’absence, nous avons entendu certains leaders de son parti pavoiser et même défier ouvertement le président de la république, que le PEUPLE sénégalais a plébiscité en mars 2012 avec 65,80% des suffrages. Cette réaction peut se comprendre, en partie, parce que, comme le dit le principal concerné, son retour est « hautement politique ». Donc tous les prétextes et arguments sont bons pour démontrer le dynamisme du parti dont la défaite est toujours perçue comme une humiliation. Pour plusieurs raisons…
Mais tout ce beau monde pourrait déchanter. Car, premièrement, il sera bientôt confronté à la dure réalité du moment: le contexte politique a terriblement changé en sa défaveur… « L’ordre et la discipline seront respectés », avertit le Premier ministre. Et ces mots ne sont pas sortis de la bouche de Mame Madior Boye ; mais bien de celle d’Aminata Touré, sur instruction de Macky. Qui n’est pas Diouf… Deuxièmement, il y a une certaine ironie dramatique que vivent presque tous les hommes politiques sénégalais: ils semblent ne pas avoir compris les Sénégalais qu’ils pratiquent politiquement depuis des décennies.
Il faut dire que la plupart des hommes politiques sénégalais ont une lecture émotionnelle, non rationnelle, mais très suicidaire, des contingences de la vie qui les frappent, mais aussi et surtout de la FOULE sénégalaise qu’ils prennent pour une panacée… En effet, leur unique grille de lecture de leur popularité, et partant de leur puissance face à l’adversité, se trouve être la FOULE sénégalaise, alors que celle-ci est très loin d’être fiable et déterminante!
Il est essentiel de savoir que la foule est différente du peuple, et qu’elle n’a ni la même valeur sémantique, ni la même portée sociopolitique dans toutes les sociétés humaines. Dans les pays développés et individualistes où la société civile est une réalité, où les convictions sociales sont bien assimilées et vécues, où le temps est précieux, et où le climat est inclément, la foule a une signifiance idéologique beaucoup plus importante que la foule dans certains pays sous-développés et communalistes où versatilité et frilosité caractérisent les convictions idéologiques et les mentalités. Dans ces pays, comme le nôtre, le désœuvrement, la curiosité et l’émotivité excessives, les tickets de transport et les repas gratuits, les per-diem, le manque de maîtrise des théories sociales, la clémence du climat pendant toute l’année, entre autres, sont autant de facteurs qui poussent les populations à sortir plus facilement. Sans aucune conviction idéologique ou partisane…
C’est pourquoi la FOULE sénégalaise n’a pas une grande compacité idéologique ; elle est hétéroclite, poreuse, et sans grands effets sur le terrain politique. Exception faite de la foule (non ! du PEUPLE) du 23 juin 2011 et des autres qui se sont formées à la Place de l’Obélisque et à la Place de l’Indépendance entre juin 2011 et mars 2012, pour défendre la République et la Démocratie…
Il est grand temps que les politiciens sénégalais comprennent que c’est le PEUPLE discret, anonyme, effacé, moins bruyant, mais hautement déterminé, qui décide de l’issue des élections, et du destin du Sénégal, d’une manière générale. Et non pas les FOULES que peuvent drainer les partis politiques et leurs leaders. Ceux qui comptent exclusivement sur la FOULE, se trompent lourdement ! Le peuple sera toujours là debout, le moment opportun, comme toujours, pour balayer la FOULE et défendre la République !
L’histoire politique du Sénégal a (dé)montré, à plusieurs reprises (2000 (Foules de Diouf) et 2012 (Trois millions de la VDN), que la FOULE sénégalaise est un thermomètre qui indique très, très rarement la bonne température ! Avec un tel thermomètre, on peut porter des habits chauds dans sa chambre, pour ensuite se retrouver, dehors, sous un soleil chaud!
Pr. Gorgui DIENG
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