Un débat fort intéressant mobilise depuis quelques jours les sénégalais. En reprenant les termes du débat, je dirais qu’il se résume en trois portes d’entrée complémentaires. Pourquoi Touba n’a pas présenté de liste non paritaire, conformément à la loi ? Quel statut pour cette ville sainte ? Comment, plus globalement, intégrer nos spécificités socioculturelles dans notre cadrage institutionnel ?
Je voudrais délibérément prendre le dernier questionnement qui me parait suffisamment représentatif des deux premières portes d’entrée.
Personnellement, je suis d’accord qu’il faut tenir compte des réalités socioculturelles dans l’élaboration des nos cadrages administratifs et culturels. Vaste formulation pour ne pas dire une approche trop générique qui cache parfois mal les complexités.
Si cette posture est validée, alors regardons comment appliquer nos lois aux villes saintes de Popenguine, de Médina Baye, de Ndiassane, de Cambérène, de Tivaoune, de Médina Gounass..Tout ceci n’es pas simple et nous avons sauté pieds joints cette étape d’une discussion nationale sur l’internalisation de nos spécificités dans notre droit positif.
Cette discussion doit s’appuyer sur des consensus forts et progressifs. Il est gênant qu’une partie de notre communauté nationale puisse à son corps défendant ou consciemment, s’approprier ce débat. Les consensus sur cette question délicate ne doivent pas être administratifs ou mécaniques. Mais ils doivent relever d’un processus venu à maturité parce que discutés, acceptés et appropriés par notre communauté nationale.
Ce débat n’est pas entre ceux qui sont pour ou contre Touba. Il n’est pas non plus un débat religieux. En revanche, il démontre les limites objectives de notre modernité institutionnelle face à des majorités sociologiques et religieuses constitutives de notre nation. Ces dernières ne peuvent en aucun cas nous soumettre ou soumettre la République sauf à considérer qu’elles bénéficient de statut particulier dans la limite des lois et règlements républicains.
Puis que nous y sommes, regardons bien par souci d’équité et de justice, comment intégrer les spécificités des majorités et minorités sociologiques de notre pays. Sous ce rapport majorité et minorités sont d’égale dignité morale même si elles ne sont pas d’égalité représentativité démographique.
Je crois sincèrement qu’il faut poser ce débat avec sérénité et éviter de classer les sénégalais entre ceux qui sont contre ou pour Touba. La complexité et les enjeux stratégiques du débat ainsi que le positionnement des différents acteurs montrent que nous avons tout intérêt à en débattre avec intelligence et tact.
A mon humble avis, ce dont il s’agit, c’est bien d’une refondation profonde de nos institutions pour aller au delà des conclusions minimalistes et consensuelles des assises nationales et de la CNRI. Ces enjeux là, nous devons les considérer comme des défis stratégiques à relever.
Abdou Ndukur Kacc Ndao
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