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Comment Le Laxisme De L’État Sénégalais Plonge Les étudiants Et Travailleurs étrangers Dans L’illégalité Au Canada

Comment Le Laxisme De L’État Sénégalais Plonge Les étudiants Et Travailleurs étrangers Dans L’illégalité Au Canada

Étudier ou travailler au Canada, en tant que ressortissant étranger, est un processus ardu, jalonné par un renouvellement continu de documents officiels pour attester constamment un statut légal auprès des autorités québécoises et canadiennes. Les formulaires sont nombreux, longs, répétitifs avec un traitement coûteux, mais avec de la persévérance, les étrangers vivant au Canada y arrivent. Cette lourdeur bureaucratique, certes stressante, n’est nullement comparable à celle du système sénégalais incompétent dans l’accomplissement de ses obligations à l’égard de ses ressortissants. Pour l’illustrer, voici deux cas tirés d’une trentaine de témoignages semblables de Sénégalais qui ont perdu leur statut légal à cause de l’impossibilité d’obtenir le passeport numérisé sénégalais au Canada.

Lamine*, étudiant international, est sur le bord de finir son baccalauréat au Québec, il a entamé sa demande de résidence permanente, sa candidature est recevable. Il a déjà le certificat de sélection du Québec (CSQ). En plein cœur du processus, Lamine constate qu’il lui reste 4 mois sur son passeport. Il contacte l’ambassade du Sénégal à Ottawa, les fonctionnaires lui répondent qu’ils n’ont pas le matériel pour délivrer un passeport numérisé, la version moderne et obligatoire de celui-ci. Lamine n’a pas les moyens d’aller au Sénégal pour son renouvellement de passeport. Logiquement, pour amoindrir ses dépenses, il se tourne vers l’ambassade du Sénégal aux États-Unis. Nul n’ignore que, pour rentrer au pays de l’oncle Sam, il faut un passeport valide et un visa, pour un Sénégalais. Les autorités étasuniennes refusent sa demande de visa sous prétexte qu’il reste juste 4 mois avant la date d’échéance de son passeport, même s’il demande moins de 3 jours de séjours aux États-Unis. Le temps s’écoule et continue de s’écouler, le passeport tombe en expiration. Immigration Canada, sur le bord de délivrer la résidence permanente, contacte Lamine et lui demande de fournir une photocopie de son passeport sénégalais valide. Il n’en dispose pas, sa demande est suspendue. Qu’adviendra-t-il de celle-ci? Son permis de travail est expiré et ne se renouvelle pas sans passeport valide. Les derniers crédits du baccalauréat ne sont pas comptabilisés s’il ne fournit pas un certificat d’acceptation du Québec ( CAQ) et de permis d’études à temps. Lamine n’a plus de statut valide au Québec. Il refuse de travailler au noir, mais, avec cette descente aux enfers, saura-t-il résister aux barrières ardues de la légalité qui s’effondrent devant lui?

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Le cas de Boucar va toujours dans la même lancée d’inefficacité et d’incompétence de l’État sénégalais. Il est étudiant à l’Université de Montréal, son permis d’études était délivré en fonction de son passeport sénégalais qui était à deux ans de l’expiration à l’époque. Boucar poursuit ses études avec succès. À la veille de sa dernière session de son baccalauréat, il entame le renouvellement de son passeport dans le but de renouveler son CAQ et demander un nouveau permis d’études pour finir les études en beauté. Il contacte le bureau de l’ambassade du Sénégal à Ottawa. Le fonctionnaire sénégalais lui répète le même message affiché sur le site de ladite institution :

” L’Ambassade ne dispose malheureusement pas du matériel nécessaire au renouvellement des passeports numérisés. Des visites périodiques d’établissement de passeports, en relation avec les services du Ministère de l’Intérieur, sont organisées au Canada. Toute information relative à cela fera l’objet d’une large diffusion au sein de la communauté.”

Logiquement et rationnellement, il demande les dates de visites périodiques des autorités sénégalaises au Canada pour le renouvellement des passeports, mais le fonctionnaire est incapable de répondre à la question.

Boucar ne sait plus à quel saint se vouer. Il vit dans le stress et l’anxiété, sa copine québécoise, affectée par l’état émotionnel de son amoureux, décide d’appeler l’ambassade du Sénégal aux États-Unis afin de demander les dates de visites de la commission sénégalaise pour le renouvellement des passeports. Au bout de la ligne, une fonctionnaire sénégalaise lui dit :

-Tu n’es pas sénégalaise, avec ton accent, dis à ton mari sénégalais de nous contacter lui-même

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La copine est en état de choc d’une telle réponse impolie. Le lendemain, Boucar appelle et pose la même question que sa copine. La fonctionnaire lui répond : “je ne sais pas les dates de passage de la commission sénégalaise pour le renouvellement des passeports.”

Pourquoi cette fonctionnaire n’a-t-elle pas voulu dire la réponse déjà insensée à la copine de Boucar? Cette logique échappe à tout humain doté d’un bon sens.

En tant que travailleuse sociale au Québec, je ne pouvais passer sous silence la souffrance de mes compatriotes sénégalais. Ils vivent beaucoup de stress et d’anxiété à cause de l’administration sénégalaise. Ce sont des étrangers, par conséquent, ils n’ont accès aux services sociaux du Québec pour avoir du soutien psychosocial, à moins de payer un professionnel au privé. Pour avoir été étudiante étrangère avant d’être résidente permanente, puis citoyenne canadienne, je sais à quel point il est dur financièrement et psychologiquement d’être en règle et de préserver un statut légal pour répondre aux exigences de notre société d’accueil.

Pourquoi l’État sénégalais est rentré dans l’ère des passeports numérisés sans évaluer ses ressources à cet effet? Qu’est-ce qui empêche le retour aux passeports à l’ancienne pour mieux servir les ressortissants sénégalais?

Je ne suis pas la première à dénoncer le problème des passeports numérisés. L’État sénégalais est au courant du problème de ses ressortissants. Je lance un cri de cœur, d’intervenante psychosociale aux gouvernements du Québec et du Canada afin qu’une solution puisse être trouvée pour protéger l’avenir des Sénégalais et celui des candidats à la résidence permanente.

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Salimata Sall

Travailleuse sociale, Montréal

* Les noms sont fictifs pour préserver la confidentialité

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