Pourquoi est-on tous excité par le sexe ? Je ne parle pas de l’organe bien sûr, je sais que ça c’est chimique. Je parle de l’idée du sexe, si on peut l’appeler ainsi, pourquoi est-on obsédé par elle ? L’homme, la bite (oups. Barrez ça!) la bête pensante, l’animal social, l’animal politique devenu animal sexuel dont l’imagination ne cesse de prouver sa fertilité sur ce sujet (et pas que l’imagination d’ailleurs). Pourquoi le plus puissant stimulus, celui qui est infaillible n’est autre que le sexe ? La question est difficile, aussi allons nous l’éviter, pas que revisiter les théories de la psychanalyse sur l’Eros ne soit pas tentant mais à ce qu’il parait nous pourrions alors prendre l’habitude de déféquer dans notre pantalon comme l’autre médecin viennois, obsédé sexuel de renom. Cela aurait été bien utile de nous y essayer cependant ; parce que une fois révélées toutes les raisons neurologiques, psychologiques ou peut-être même métaphysiques de cette tension sexuelle permanente, lire notre sujet devient presque dérisoire.
Quel est-il ? Vous êtes-vous seulement arrêté au titre ? Oui, bien sûr ? Sachez que nous parlons de la sexualité à l’Université Gaston Berger. Soit. Quel est le problème, me demandez-vous ? Qu’y a t-il à redire ? Rien. Des choses à dédire plutôt, et pas que deux ou trois, une pléthore de mensonges dont on nous a faussement abusée pour une ou deux vérités, déguisées en plus, qu’il faudra quand même éclaircir. Vous ne croyez pas ? D’ailleurs vous n’en voyez pas l’intérêt ? C’est que vous ne vous êtes pas penché sur le sujet comme nous vous y invitons. Suivez-moi, je parlerai, vous écouterez et nous verrons. Venez, offrons nous un panorama des annales libidinales des étudiants de Sanar comme d’autres, en ce moment même, s’offrent leur branlette quotidienne. Et si l’intérêt d’écrire n’est pas révélé à juste titre, au moins aurons-nous perdu notre temps délicieusement. Concrètement nous verrons que la sexualité dans le campus doit être écartée d’un certain nombre de mythes de sorte que la réalité devienne simplement compréhensible et par cette voie acceptable. Consentez seulement à réfléchir avec moi sans gravelure, sans grossièreté mais avec concentration et avec les seuls instruments qui peuvent nous apporter des éléments de réponse satisfaisants c’est-à-dire mon objectivité, l’assurance de la véracité de mes propos, et l’authenticité des sources que je convoquerai ici. Oui je sais, mais il faudra s’y faire. Les mythes d’abord.
Avant tout, je tiens à réaffirmer que je me méfie de toutes ces rumeurs fantastiques que l’on entend ça et là raconter autour d’une barada et de quelques verres de thé pour alimenter une discussion grivoise. Tout le monde sort des histoires pêle-mêle, et chacun raconte des anecdotes qu’il n’a personnellement ni vu, ni entendu lorsque exceptionnellement certains n’avouent pas tenir l’histoire d’un ami qui, lui même, le tient d’un ami qui l’aurait entendu dire quelque part.
C’est ainsi que, tout confus, j’ai ouï dire les histoires les plus folles, les scenarii les plus incroyables, vu prêter à des anonymes les crimes les plus honteux. Les coupables, éternelles légendes d’illustrations mythomaniaques, n’étaient jamais identifiés. Jamais on ne put me certifier que telle personne que je venais de voir était le héros d’une saga rocambolesque ou que telle autre, par ses preuves, était une enchanteresse digne de figurer dans un roman à l’eau de rose. Le pire c’est que sidéré par ces légendes lorsque j’étais bleu, j’apprenais à les démystifier à mesure que je me forgeais en ancien mais en parallèle voyais des amis de la même génération transmettre ces histoires comme une tradition, un héritage, tenez comme la bible de l’amour, avec à l’esprit –nous ne sommes pas dans les desseins de American Pie, on est d’accord- le même avertissement que M. Levenstein partageait avec Rob, Nathan et Lube: « Utilisez les pour le meilleur et non pour le pire ».
Car souvent le narrateur accompagnait son récit de quelque leçon de morale qui révélait sa sagesse, et commentait aux plus jeunes comment la sexualité se vivait au campus, comment elle se vivait tout court. Je me laisserai recourir à votre bon sens pour démasquer ces inepties. Pour vous donner de la matière, plusieurs rumeurs affreusement bêtes viennent à mon esprit. Je vous en conterai trois.
Celle qui me semble la plus fabuleuse est l’histoire de cette fille, une voilée, que l’on aurait surprise sur une terrasse du village M, ou un autre local du village M (je ne sais plus vraiment tellement on en sert différentes versions) livrant sans commisération Sodome aux assauts infernaux d’un jeune hardi. Je ne doute pas que sous le feu du désir, l’on perde l’esprit et que l’on s’abandonne à des turpitudes que l’on aura tôt fait de regretter une fois le désir assouvi et la raison revenue. Mais une voilée? Sur une terrasse? Pas n’importe laquelle, une où on ne peut nullement espérer une intimité trop longue. Cela ne me convient pas. J’accepterai la réalité de l’événement uniquement si l’on m’assure que l’homme n’est pas un franc bagarreur, qu’il perd sa vigueur en moins de rien et que le couple avait compté sur ce facteur pour pouvoir s’éclipser presto. Et puis je me demande comment le témoin de cet engagement, d’une distance qui ne devait pas être commode, avait pu distinguer Sodome de Gomorrhe. La morale qui est en tout cas véhiculée serait que toute voilée n’est pas nécessairement immaculée et qu’il y a des filles qui, bien souvent pour tromper sur leur pureté, ne rechignent pas contre une feuille de rose par exemple. Vrai ou pas vrai, cette histoire est très amusante.
Qui n’eut vent de cette autre histoire où la bonne âme, une voilée aussi, avait pour elle de s’adonner à l’onanisme. L’on disait même qu’elle habitait au village B. Son excuse (qu’on trouvera légitime ou pas) serait d’avoir une voisine avec une vie sexuelle particulièrement active, qui avec cela n’avait pas peur de ramener son amant chez elle. Un soir donc, ne pouvant résister plus longtemps à l’écho des longs gémissements et à l’ambiance grisante de la pièce (je le suppose) et malgré une timidité démesurée, elle se laissa aller. Ses mains ne pouvant élever son corps à la tension qu’elle devinait de l’autre côté de la cloison, et par souci d’efficacité (ce que je suppose encore une fois), elle décida alors de décrocher l’ampoule (par contre ça, ça serait vrai). -Après maintes investigations des plus sérieuses, personne ne put me révéler s’il s’agissait d’un néon ou d’une watt. Alors qu’en principe, la première option devrait emporter notre choix, question de forme, des soucis de vraisemblance nous poussent à nous orienter vers la seconde option car rappelez vous, elle est supposée habiter au village B. Difficile de s’y retrouver !- Pour en revenir à la concernée, elle n’avait pas pris en compte… disons les problèmes techniques. Mal lui en prit. Ce qui devait arriver, arriva : elle apprit que son orifice n’était pas blindé. On appela l’ambulance en plein milieu de la nuit, et le bruit fit le tour du campus. Encore une fois, on s’occupait de commenter cette affaire. Et cela prouvait que les filles s’adonnaient toutes autant que les garçons aux plaisirs solitaires, mais plus, cela montrait comment on pouvait finir lorsqu’on prenait l’habitude d’éconduire les beaux princes qui vous chantent leur flamme à longueur de journée, surtout lorsque ceux-ci, sans hésiter, dévoueraient indéfiniment leurs puissantes épées à votre secrète cause. Cependant, malgré le fait que cette histoire soit récente (toujours selon les dires), personne, jusqu’à présent, ne m’a confirmé l’identité de la fille (morte de honte, elle serait partie loin s’abriter du regard de Saint-Louis) ou seulement si on la connaissait, ou si on connaissait quelqu’un qui connaissait quelqu’un qui connaissait quelqu’un (etc.) qui connaissait la fille.
La troisième victime est un homme. Victime du hasard, victime de la curiosité, victime de sa faiblesse aussi. Il surprit, au campus II nous dit l’histoire, des dames se concentrer sur un film dans le genre qu’on avait l’habitude de garder des personnes de tendre âge. Médusées, ces dernières n’en perdirent pas leur sang-froid pour autant. C’est comme les hébreux recevant miraculeusement la manne, elles se ruèrent sur le pauvre homme et lui forcèrent la chose ie « niu défal ko bagass », bien bon même. Je soupçonne ici la narration d’un vieux fantasme du genre masculin et non, comme on le prétend, la preuve de la profonde insatisfaction sexuelle des étudiantes.
J’ai longtemps hésité, pour vous convaincre entièrement de sacrifier ces histoires à l’oubli, à faire une étude de cas sur ce que le campus nous a offert de plus grotesque l’an dernier, cette émission télévisée qui avait fait beaucoup jaser, en m’attardant notamment sur cette histoire selon laquelle un homme s’étant tardivement réveillé dans la couche de sa compagne et pris de panique, avait automatiquement pris la fuite sans prendre le temps de mettre sur lui sa chemise, ni son pantalon d’ailleurs. Mais nous n’avons pas le temps et il n’y a plus rien à ajouter à la bêtise de ces jeunes gens. Le fait est donc là chers amis. Parmi tant d’autres, voilà des histoires créées par l’imaginative hautement fantaisiste et psychotique d’étudiants pervers qui se perpétuent faussement dans les mémoires de l’UGB. Et tout cela est révélateur, je le crois, de quelque chose. De quoi? Je ne sais pas. Je lis Freud; je ne le suis pas.
Cela dit, tous ces écueils détournés, rien ne doit plus nous retenir, aucun voile ne doit non plus nous aveugler face à ce qu’est le sexe au campus. La sexualité des étudiants n’est pas que légendes, contes et fables, et très souvent le laïus du renard attend une récompense autrement plus voluptueuse que ne saurait l’être un simple fromage.
On est loin de l’euphorie charnelle de la puberté, des attouchements timides des premières rencontres ; la réalité, parce que nous en sommes là, est que les étudiants sont des êtres extrêmement actifs sexuellement. La réalité donc.
Elle ne choque personne. Pas vous, pas moi, pas même le PATS. Une femme racontait à une tante, alors qu’elle ne savait pas que je me trouvais à portée de voix, qu’elle était choquée par la lasciveté des étudiants : « Lorsque je fais le ménage chaque matin dans mon secteur » lui disait-elle, « le nombre de préservatifs que je ramasse me donne des haut-le-cœur. Je me demande même s’ils les utilisent vraiment, s’ils ne s’en servent pas pour souffler comme dans des ballons et les jettent à la poubelle après. Tu sais ces enfants n’apprennent pas tout à l’école ». Aussi naïve que j’ai pu trouver l’excuse de cette femme, son témoignage ne me surprenait pas plus que la vérité qu’il dévoilait: l’étudiant bande, fout et jouit, autant l’homme que la femme, et Dieu merci nous serions malheureux d’être mis à l’écart sur ce point là. Vous êtes d’accord ? Vous l’avez toujours été ? Que je vous en dise plus ? J’y viens : pratiquer la chose n’est pas un crime, il ne le devient que lorsqu’il est accompagné d’une perniciosité qui le guide vers le libertinage ou pire vers le scandale c’est à dire exactement ce qu’on remarque à l’UGB. Exact, c’est là où je voulais atterrir. Vous l’aviez deviné et je félicite votre perspicacité. Mais soyons clair.
Lorsque je parle de libertinage, je n’entends pas développer ici tous les vices attentatoires aux mœurs auxquels un esprit dévergondé s’adonne (le temps et l’expertise nous manqueraient), j’aimerai tout simplement me limiter à celui qui est le plus dénoncé et qui ne l’est pas moins à l’UGB: la prostitution. Certaines âmes bien intentionnées se défendront de leurs forfaits en expliquant que la gent féminine a reçu des penchants bien plus violents que nous aux plaisirs de la luxure et, ne refusant point le sort de la nature, qu’il faut y succomber de la plus délicieuse des manières. D’autres, moins enclins à la philosophie, invoqueront avec une pareille légitimité des raisons économiques : je vous rappelle cette histoire récente dans laquelle une femme avouait, sur quelques affiches collées sur les murs des allées du campus pédagogique, avoir prétendument fait le trottoir parce que la bourse ne couvrait pas ses besoins. J’avoue que contre ces gens j’ai tellement peu d’arguments à leur opposer que je ne m’aventurerai même pas dans cette direction, moi-même étant un grand prostitué. Je vais juste me résumer au fait, unique chose qui nous importe actuellement: l’on se prostitue à l’UGB, et cela fait partie des manières de vivre sa sexualité au campus.
Pour le second point, c’est-à-dire les scandales sexuels, je ne vais pas faire un long étalage. On se souvient encore fraîchement du dernier en date : un pauvre homme, inconnu un jour, se retrouve le lendemain star malheureuse de « film rose ». L’événement fait couler des salives, mais pas seulement, on en parle, on s’en offusque, on s’en branle, on s’y branle. Les commentaires s’envolent et les avis sont partagés : audace gargantuesque d’un tombeur ou folie absurde d’un délinquant sexuel, peu reconnaissent le potentiel de Marc Dorcel parce qu’après tout, un homme en bonne compagnie ce n’est pas extraordinaire, l’exhibitionnisme ce n’est pas notre truc, les scandales de ce genre encore moins.
Voilà où on en est. Il faut s’égarer dans cette discussion entre pratique sexuelle et lubricité dans le campus pour comprendre que le sexe dans le campus n’est pas effronté mais a quand même ses travers. C’est ce qu’on a fait, n’était ce pas excitant? Je ne parle pas dans ce sens là, pervers. Ressaisissez-vous. Voyez la chose à l’envers. La question qu’on a été finalement amené à dévoiler subrepticement est de savoir en réalité comment vivre notre liberté à l’université. Une fois le mensonge et les mythes écartés, quand l’appétit sexuel des étudiants devenait-il coupable ? Il fallait dégager les mauvaises herbes afin de découvrir comment éclore magnifiquement dans un jardin sans y gâcher l’harmonie, s’épanouir sexuellement sans cultiver ronces et broussailles. Et s’il me faut encore tailler quelques épines, s’il faut, pour conclure, que je porte un dernier jugement de valeur sur la sexualité des étudiants, j’indexerai ces derniers et dénoncerai avec une impassibilité réelle leur hypocrisie. L’on s’offusquait, hier encore, qu’il y ait 250 cas de MST dans le campus. La très ardente Zarai Sambou avait clairement révélé que plusieurs facteurs pouvaient justifier ces chiffres, mais il faut à un moment donné expliquer aux étudiants que si nous sommes des milliers à jouer à zizi-panpan, il est on ne peut plus évident que des dizaines d’entre nous chopent la gonococcie, la syphilis ou je ne sais quel autre connerie. Ce qui suit est pure spéculation mais je parierai que nous découvririons des statistiques plus inquiétantes pour un peu que l’on s’intéressât à la masturbation, à l’impuissance, à l’homosexualité ou alors à l’avortement. Ainsi se clôt discrètement notre chapitre. Sur ce, autorisons nous à baiser en paix selon le seul principe qui fonde notre droit: « Fii kène momou fi kène » ! Au surplus, je ne suis pas le premier à dire que « tout le temps qui n’est pas consacré à l’amour est perdu ».
Robert Waly