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Relisons Le Professeur Sangharé Sans Passion

Relisons Le Professeur Sangharé Sans Passion

La polémique m’a trouvé à l’Université François Rabelais de Tours où j’étais membre d’un Jury de Thèse de Doctorat sur la littérature africaine.

Mais j’y ai lu avec intérêt la presse sénégalaise en ligne et constaté que mon cher collègue, l’éminent Professeur Sangharé, recevait des flèches de partout. D’une part, de dignitaires religieux respectés et respectables. Mais, aussi hélas, de faux dévots en quête de respectabilité à jamais entachée par des casseroles encore bien bruyantes.

A ces faux dévots, je dirai tout simplement que le Professeur Sangharé n’a jamais été convoqué à la Police pour des histoires d’escroquerie ! Qu’il ne paierait pas non plus un salaire de misère à ses travailleurs, s’il possédait une entreprise ! Que défendre une religion est certes noble, mais être droit parmi ses semblables et défendre les faibles, est encore mieux ! Car pour le cas précis de l’Islam, Allah, nous l’a déjà dit haut et fort : c’est LUI qui l’a créé et c’est LUI qui le défend ! Mais les pauvres employés, qui les défend contre les employeurs véreux ? Et les candidats à l’émigration, qui les protège contre les escrocs ! Ce sont ces catégories sociales vulnérables qui ont le plus besoin de protection ! L’Islam n’en a pas besoin ! Parce qu’il a un Protecteur Tout-Puissant : Allah !

Je dois avouer que j’ai eu beaucoup peine pour cet homme que je connais personnellement. Que j’estime beaucoup. Que je respecte profondément. Pour sa simplicité, son affabilité, son humilité exceptionnelle pour un érudit de son rang. Qui taquine tout le monde et qui est l’ami de tout le monde à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines.

En présentant le Professeur Sangharé comme un homme à la solde de lobbys antimusulmans occidentaux, les faux dévots visent plus haut ! Leur calcul est bien clair : c’est toute l’élite universitaire sénégalaise qui est visée ! Se sentant, à tort ou à raison, marginalisés, ces aigris qui se trompent d’adversaires, cherchent à discréditer ceux qu’ils prennent pour des « empêcheurs de tourner en rond ». Mais je leur rappelle seulement ceci : que les universitaires « formés à l’école occidentale » n’étaient pas là quand Faidherbe « pacifiait » le Sénégal. Qu’eux, non plus, n’étaient pas là quand les Almoravides s’emparaient de Koumbi Saleh ! Que le combat est donc ailleurs ! Que personne ne peut nous empêcher de faire le boulot pour lequel nous sommes payés !

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Au fond, je n’ai que mépris pour les faux dévots et ces mots crus pour eux : passez votre chemin! Par contre, je voudrais solennellement adresser deux mots aux respectables et respectés dignitaires religieux des grandes confréries de ce pays. Je leur dis que les Universitaires de ce pays sont des défenseurs de l’Islam, de Ahmadou Bamba, de Maodo Malick, de Baay Niasse, de Limamoulaye, entre autres figures marquantes de l’Islam au Sénégal. Ils s’efforcent, à travers des articles, des conférences, des colloques, à préserver l’autorité des confréries, parce que convaincus qu’elles contribuent, de façon indéniable et irremplaçable, à la stabilité du pays et à la préservation de l’esprit de tolérance qui constitue le socle sur lequel repose cette spécificité bien sénégalaise. Un esprit de tolérance bien Islamique, mais aussi bien négro-africain ! Les intellectuels sénégalais qui déstabilisent l’Islam et les confréries, il faut aller les chercher loin des Universités sénégalaises ! Chez ceux qui ont fait leurs humanités ailleurs et qui sont financés à coups de pétrodollars par des lobbys extrémistes pour monter toutes sortes de structures subversives chez nous et en Afrique.

Le deuxième mot, c’est celui-ci : le Professeur Sangharé est un enseignant-chercheur, non un prêcheur. Il est dans son rôle à lui dévolu par la société, et pour lequel il est payé par le contribuable sénégalais. Un enseignant-chercheur qui ne fait qu’enseigner, est un escroc ! Le Professeur Sangharé ne voulant pas escroquer son employeur, le peuple, fait de la recherche, en plus de ses taches d’enseignement. Et comme c’est un spécialiste des Etudes gréco-latines, il ne peut pas faire de la recherche en dehors de son domaine. Il faut alors mettre son livre dans ce cadre-là ! Pas ailleurs !

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Les résultats des recherches menées par le Professeur Sangharé sont contestables. Contestables pour lui-même qui les a avancés, parce qu’un chercheur de son rang ne prétend jamais dire une vérité absolue ! Sinon il sortirait du cercle des chercheurs dont la marque distinctive première doit être l’humilité, l’autocritique ! Contestables aussi pour tout autre chercheur dans son domaine ou dans un domaine connexe! Seulement la réplique qui sied de la part de ses collègues chercheurs, c’est la convocation d’éléments scientifiques pour réfuter les arguments qu’il avance. Mais pour un religieux, la réplique devrait être la convocation de Dieu, le maître des choses et des êtres.

Ainsi, par exemple, lorsque le Professeur Sangharé affirme que la culture grecque a influencé la culture islamique, la réplique simple d’un religieux pourrait être la suivante : « Dieu étant le Créateur de tout, y compris les civilisations, et toutes les civilisations : égyptienne, grecque, islamique, africaine, c’est tout à fait normal de trouver dans l’Islam des aspects de la culture hellénique. Il n’y a rien de blasphématoire à dire cela ! Bien au contraire ! C’est reconnaître à Dieu, Allah, son omniprésence absolue (Il est présent au sein de toutes les sphères géoculturelles) et son omniscience (Il sait tout ce qui se passe et tout ce qui s’est passé) dans ces sphères. En d’autres termes, Dieu sait ce qui s’est passé en Grèce antique, IL sait ce qui s’est passé en Egypte ancienne, Il sait ce qui s’est passé dans les cultures traditionnelles yoruba, ibo, seerer, gikuyu. Parce qu’Il les a façonnées à des périodes de l’histoire commune, mais fragmentée, de l’Humanité. Réduire Dieu à l’arabité, n’en fait pas un Dieu universel. Allah est un Dieu transculturel et multidimensionnel. »

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Lorsque le Professeur Sangharé, en tant que chercheur, suggère que Muhamed (PSSL), l’Envoyé d’Allah, savait lire et écrire, un religieux aurait pu lui répliquer facilement, avec douceur : « Non, cher ami, vous vous trompez ! Il était analphabète, c’est ce que le Coran nous enseigne. Et les enseignements du Coran sont intangibles ! Cependant, je peux vous concéder ceci : lorsque Dieu a choisi Muhamed et en a fait le Sceau des Prophètes et la somme de toutes les cultures humaines (orales comme écrites), il est devenu alors un être différent, sublime, exceptionnel : l’incarnation de l’humanité orale comme écrite… »

Et je suis sûr que le Professeur, qui est un éminent chercheur, mais aussi un homme fait de bonté naturelle, aurait été ravi d’entendre ces deux réponses, car c’est bien là le sens de son propos dans son livre… Et il aurait ajouté, avec humour, la marque la plus élevée de l’intelligence humaine : « Vous avez raison ! Vous avez parfaitement raison… Je suis d’accord avec vous : Muhamed (PSSL) ne savait ni lire ni écrire, mais Allah, Omnipotent (capable de tout), en a fait ce qu’Il a voulu qu’Il soit: la somme de tous les héritages de l’espèce humaine ! Un illettré, mais un illettré qui maîtrisait tout. »

Ma profonde conviction est que le Professeur Sangharé est un chercheur incompris ! Qu’il faut relire et interroger. Avec moins de passion…

 

Pr. Gorgui DIENG

Pr Gorgui DIENG

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