Senexalaat - Opinions, Idées et Débats des Sénégalais
Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Le Procès Du « prince Karim » : Et Si Wade était Le Vrai Coupable?

Le Procès Du « prince Karim » : Et Si Wade était Le Vrai Coupable?

Pour les inconditionnels du « Prince-Karim » et du « Pape du Sopi », la seule raison qui explique la détention arbitraire de leur héros déchu, c’est sa destinée présidentielle. Il serait alors « un redoutable adversaire politique » (ironie de l’histoire il a été  défait dans son propre bureau de vote lors des élections locales de 2009) victime d’un  pugilat politique  du Président Macky Sall  inquiet de  l’aura du fils de son ancien mentor politique et de son ascension inéluctable vers le pouvoir  du fait qu’il serait en pôle position pour briguer et rafler les suffrages des sénégalais en 2017. Cet argument simpliste érigé en ligne de défense serait sans doute recevable si on regardait les faits à travers un regard subjectif et en omettant l’histoire récente, mais on perd de vue les véritables causes de la chute  ou de l’emprisonnement de celui qui est surnommé par ses détracteurs le ‘’ Ministre du ciel et de la terre’’.

En effet, le seul et grand responsable de tous les malheurs qui accablent Karim Wade, c’est le président Wade lui-même qui, à force de baliser pour son ‘’fils exceptionnel’’  les allées épineuses et envoûtantes du pouvoir et en dépit de tous les principes démocratiques, de la contestation populaire sur sa candidature de trop et des avertissements de l’opinion publique,  s’était obstiné à imposer vaille que vaille son inconnu de progéniture avant son accession à la magistrature suprême qu’il a  sorti des méandres de ses désirs de ‘’monarque’’ désireux de voir ‘’son prince héritier’’ lui succéder. Longtemps déconnecté des réalités du pays, il a fallu attendre l’élection de son père à la présidence de la République pour le voir débarqué au Sénégal tel un météorite pour occuper le poste fourre-tout de « Conseiller » du Président. Gorgui, en bon tacticien politique et certainement en fidèle lecteur du Prince de Machiavel , avait beau nier qu’il n’avait aucune ambition présidentielle pour son fils, mais les actes qu’il posait étaient en décalage avec le discours démocrate et républicain qu’il servait au peuple sénégalais qu’il avait toujours cherché à manipuler.

Les premiers signes de cette transmission inélégante du pouvoir  ou « dévolution monarchique’’, apparurent très vite avec la diabolisation et la mise à mort politique de ses anciens dauphins et compagnons de parti  tels qu’Idrissa Seck, Macky Sall ,Pape Diop et Modou Diagne Fada , même si ce dernier pour ne pas subir les foudres de la seule’’ constante du PDS’’ s’était plié par la suite à sa volonté d’imposer son «  fils de sang » au détriment des ambitions légitimes de ‘’ses fils politiques’’.

Ensuite, l’occasion en or de montrer les capacités de travailleur infatigable et de gestionnaire hors-pair de son fils se présenta, avec la tenue du sommet de l’OCI(l’organisation de la conférence islamique), car les politologues, psychologues et les sociologues de la politique ont très tôt étudié et compris que les peuples et surtout ceux qui n’avaient pas une  conscience démocratique élevée  et un bon sens de discernement politique , étaient plus éblouis par des apparats ou des réalisations matérielles que par des considérations de bonne gouvernance. C’est donc, sans état d’âme que « Le plus diplômé du Cap au Caire» en ‘’vieux renard’’ de la politique et sans doute en fidèle lecteur du Prince de Machiavel, confia la gestion de l’ANOCI à celui qu’on va finir par surnommer « le leader de la génération du concret. »

La nomination de sa progéniture à ce poste d’administrateur ou d’organisateur du sommet de l’OCI n’aurait posé aucun problème si celui-ci était le seul à disposer de compétences requises ou d’expertises adéquates pour remplir cette importante mission qui engageait l’honneur et la crédibilité de toute une nation. D’ailleurs, les nombreux reports du sommet pour cause de travaux retardés et les   multiples couacs dans la préparation devaient attirer l’attention des citoyens sur  les lacunes managériales « du prince au destin présidentiel ». Sa seule expérience connue, c’était d’être courtier ou financier dans une banque londonienne méconnue du grand public et son seul mérite c’était d’être « fils du Président ». Karim Wade n’est pas plus diplômé ou compétent en la matière que n’importe quel titulaire d’un diplôme de finances, et même si c’était le cas son statut de fils du chef de l’État devrait le disqualifier à occuper de hautes responsabilités étatiques pour se conformer à la pudeur républicaine et pour ne pas être avantagé par rapport aux autres citoyens.

A LIRE  De la révocation de Ousmane Sono : L’abus de pouvoir l’a emporté sur le droit

Aucun moyen n’était suffisant pour forger une destinée présidentielle à son enfant, forcé de grandir très vite pour conjurer les démons de la perte du pouvoir qui se profilait de manière angoissante à l’horizon et surtout pour assurer ses arrières ,car sentant sa gouvernance calamiteuse et loin d’être vertueuse tout au moins d’un point de vue de la transparence. Les milliards pleuvaient comme un déluge tropical, les routes et chantiers poussèrent comme des champignons l’image de cette plante éphémère est éloquente pour qualifier les chantiers livrés, car ceux-ci sont beaux en apparence mais leurs durées de vie est précaire. Mais, partant du principe  machiavélique de la ’’Realpolitik’’ que la masse est toujours frappée « d’une cécité intellectuelle », la « girouette  politique » n’en a cure  des priorités en infrastructure à l’intérieur du pays , la seule chose qui importe c’est d’en mettre pleine la vue au peuple pour l’amener à acclamer et à aduler l’auteur de ces œuvres grandioses et à lui ouvrir les portes du Palais ou le mettre « en route vers le sommet ».

Les ingénieurs ,les experts en passation  de marchés publics ont beau dénoncer la surfacturation et la piètre qualité de certains ouvrages , l’Assemblée nationale avait beau demander à auditionner Karim sur  sa gestion nébuleuse des travaux de l’ANOCI suite à un bilan financier douteux, mais Wade-pére faisant la sourde oreille et aveuglé par l’idée d’offrir le pouvoir à son fils sur un plateau d’argent, le Président Wade se permit de remercier et de féliciter en public et en direct son protégé en proférant une phrase qui sonne mal à l’entendement d’un républicain et démocrate « Karim, je dirais à ta mère que tu as bien travaillé » et de limogé le Président des représentants du peuple d’alors l’actuel Président de la République Macky Sall. Pour quelqu’un qui peut lire entre les paroles rusées et calculatrices, ces propos ‘ »de l’homme politique à l’égo surdimensionné » s’adressaient moins à la mère de Karim qu’au peuple, car ils avaient pour finalité de préparer l’opinion à adopter « le prince charmant » qui tout d’un coup s’était mis dans la peau  de son président de père au point d’imiter son accoutrement et apparaître au devant de la scène médiatique et politique. Puis ‘’maître Wade’’ passa à l’étape supérieure en investissant son fils sur les listes du PDS dans le cadre des élections municipales et locales en 2009, dans l’espoir de le voir devenir Maire de Dakar  ce qui constituerait un formidable raccourci vers le Palais. Mais le coup de poker politique fut un échec cuisant, car la charge était trop lourde pour   ce néophyte  politique comparé à son géant politique de père, en effet il  n’avait même pas pu relever le défi politique et engranger suffisamment de voix dans le bureau où il avait voté, la barre était très haute malgré les coups de pouces déloyaux  de son père.

A LIRE  Nous sommes tous morts avant l’heure !

Qu’à cela ne tienne il fallait coûte que coûte projeter Karim au devant de la scène politique et attirer l’attention des médias sur lui quitte à mettre en place des mouvements de soutien opportunistes, des laudateurs véreux, des structures de communication partisanes, pour vanter les mérites de l’enfant prodige.  Ayant goûté aux délices ou aux délires du pouvoir, enivré par les bains de foule,  flatté par ses courtisans et ses thuriféraires, le président Wade avait porté  les  habits d’un monarque même s’il parlait comme un démocrate. C’est en faisant écho à cette tendance que le pouvoir a d’amener  ceux qui l’exercent à perdre le bon sens ou la raison  que Jacques Atalli disait que

‘’ l’exercice du pouvoir grossit   les caractères des êtres comme la loupe  ceux de l’imprimerie. Il est une drogue qui rend fou quiconque s’y complait. Aveuglée  par les phares de la renommée, les chenilles  dévouées  ont tôt fait de se métamorphoser en vaniteux papillon.’’

C’est ainsi qu’on lui tailla un ministère sur mesure à la hauteur de ses ambitions présidentielles, et on le nomma  ministre d’État, ministre de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Transports aériens et des Infrastructures. On mit à sa disposition tous ces pouvoirs immenses, toutes ces prérogatives excessives avec pour corollaire des moyens financiers colossaux pour forcer son destin présidentiel que le peuple commençait à deviner et à contester farouchement grâce l’éclairage de la société civile et à l’alerte de l’opposition apeurée par la  stratégie’’ galgaliste’’  ou de tactiques politiciennes.

L’erreur ou du moins le défaut de jugement  fatale qui va sonner le glas des ambitions présidentielles de Wade-père pour son « fils exceptionnel » était de vouloir faire imposer l’adoption par une Assemblée Nationale lamentable de la loi dite du « ticket présidentiel » instituant la fonction de vice-présidence que les observateurs avérés avaient alloué à son sosie de fils que le peuple avait refuser d’adopter malgré ses supercheries et combines politiciennes .Ce jour du 23 juin 2011 , les espoirs du vieux s’étaient écroulés comme un château de cartes, car son jeu politicien était démasqué et sanctionné par un peuple réveillé par la pilule anticonstitutionnelle et anti-démocratique qu’il avait du mal à avaler.

A LIRE  Les bonnes leçons d’un référendum

Pire la chute du vieux avait fini par condamner son fils. Mais en  bon ‘’ renard de la politique’’, le maître tacticien  avait perdu une manche, une bataille politique, mais il  ne s’avouait pas vaincu. Il a plus d’un tour dans sa besace de 27 ans d’opposant et 12 ans de présidence. Il va essayer de transformer les déboires de son fils en gains politiques en attirant les projecteurs des médias, en le  présentant comme un adversaire politique à abattre par le nouveau régime avide de vengeance, en profitant de la sympathie des sénégalais pour les victimes, en écartant tous les  barrons de son pari de la course au pouvoir  en les poussant à l’anonymat grâce à la popularité acquise durant son emprisonnement et son procès ‘’politique’’. Toute la question est de savoir si le peuple sera à nouveau capable de déjouer les pièges machiavéliques du fin tacticien politique qu’est le bien nommé « maître Wade »que le Président Senghor avait surnommé en toute connaissance de cause « Laye niombor ».

On ne peut pas non plus parler du cas Karim Wade sans penser au phénomène Aliou Sall, le maire de Guédiawaye et frère  du président Macky Sall  qui, même s’il a une trajectoire différente  d’un point de vue politique, semble se diriger vers le sommet de l’État  ou  les abysses de la décadence car il est déjà cité dans des scandales financiers. L’avenir nous édifiera.

 

Ciré Aw

Ciré AW

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *