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Notre Perception De La Crise Universitaire

Notre Perception De La Crise Universitaire

Il est toujours redoutable d’écrire, d’émettre son opinion à l’appréciation d’un public. C’est un risque et j’en suis conscient au plus profond de moi. Néanmoins, mieux vaut dire les choses telles qu’elles sont pour une fois, ou se taire à jamais.

Depuis quelques mois, je continue mon cycle universitaire entamé à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de Dakar depuis la première année, dans une université de l’Hexagone. J’avoue que ce qui m’a le plus poussé à écrire ces lignes, c’est le comportement parfois incompréhensible, insoutenable, de certains professeurs du Sénégal en général et ceux de Dakar particulièrement ; lequel comportement frise à la limite un manque de considération notoire, à l’égard des étudiants, il faut oser le dire. Je dis bien « certains », parce que l’Université de Dakar regorge de talentueux professeurs dont les mérites dépassent largement les frontières du Sénégal et de L’Afrique. Moi-même j’y ai connu ma référence et mon idole.

Pourtant la plupart de nos professeurs, ont été formés dans de bonnes écoles. C’est ainsi que pour la plupart d’entre eux, une fois leurs thèses soutenues, choisissent de rentrer au pays afin de participer à la formation de cette jeunesse, levier de développement. Mais chose bizarre, une fois au Sénégal, debout au milieu des amphithéâtres Madiakhaté Kala, ou Ameth Baba, certains de nos chers professeurs se transforment en conférenciers éternels, analystes sempiternels, frisant l’image d’un « pigeon voyageur ». A cela, s’ajoute le comble: absentéisme chronique, sans aucune forme de justification.

A cet instant, me revint à l’esprit mes 6 heures de cours effectuées sur un semestre, en deuxième année, à la place des 30 heures ou même 36 heures de cours qui étaient prévues. Pourtant elles étaient destinées à une matière fondamentale, mais hélas, notre cher professeur était injoignable. De même pour paraphraser un autre, il nous affirmait qu’il lui était impossible de se réveiller à huit heures pour venir faire cours (chose qu’il respecta à la lettre, et que dire de nous qui venions de Fonguélémi pour faire cours ?).

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Ces exemples et tant d’autres font que notre système universitaire s’enlise de plus en plus dans le gouffre depuis quelques années.

Certainement les esprits éclairés s’interrogeront ainsi: après tout pourquoi attendre maintenant pour le dénoncer ? Qu’aviez-vous fait à ce moment-là? Pourquoi n’aviez-vous pas réagi quand vous étiez là ? Quoi de plus normal de s’interroger de la sorte.

C’est juste qu’au Sénégal, nous ne mesurions pas l’ampleur des dégâts, ou du reste peut être que n’en étions-nous point conscients ? Certainement, croyant que malgré tous les remous de notre université, nous continuons de nous baigner dans une sphère d’excellence, c’est-à-dire dans une des meilleures facultés de Science politique et de droit de l’Afrique de l’Ouest.

La réalité est tout autre et je m’en suis rendu compte. Naturellement, la différence pédagogique qui prévaut ici, accentua ce déclic. A Dakar, nous avions l’habitude de dire que les études dans les autres contrées, particulièrement en France sont très faciles.

Hélas, je vais vous dire la réalité, afin que nous sachions qu’au Sénégal et particulièrement à Dakar, il est plus que nécessaire, que nos autorités, professeurs, et corps administratifs travaillent encore plus sérieusement afin de retrouver le standard adéquat, au risque de pénaliser et de sacrifier les ambitions des étudiants encore une fois par le recours à ces absurdités de sessions uniques. Une mesure qui lèse ces étudiants courageux, vaillants, qui viennent aussi bien de Dakar qu’à l’intérieur du pays et qui ne demandent qu’une seule chose : étudier.

Je fus donc frappé par la rigueur de l’enseignement d’ici. J’avoue que je n’ai pas de répit, et vous ne l’aurez pas, si vous venez ici chers frères et sœurs. D’abord vous avez 255 à 261h/semestre, en raison 36h de cours ou 40h/matière, 10 séances de TD/semestre (au cours desquelles, vous rendez obligatoirement des devoirs), sachant que chaque semestre dure 3 mois.

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La ponctualité et l’assiduité des professeurs, sont des principes sacrés. Pour éviter des absences dues à des éventuelles conférences et autres, ces dernières sont organisées tout le temps après les cours à 18h. C’est ainsi que pour chaque absence, le professeur doit obligatoirement rattraper le cours manqué, et il le fait sans concession.

Ensuite, le calendrier universitaire est respecté à la lettre: les résultats sortent au jour et à l’heure déclarés (notes anonymes parce que relevant du droit de l’étudiant, réception de tes résultats dans ton compte personnel de l’université) etc.

Enfin, vous vous retrouvez à la fin de chaque semestre avec plus de 120 pages de cours/matière. Ayant personnellement 6 matières pour le 1er semestre, je me suis retrouvé avec plus de 600 pages pour toutes les matières confondues. Cette situation s’explique par le simple fait qu’ici, les professeurs respectent à la lettre le quantum horaire pour leur matière respective, à cela s’ajoute un fait assez anodin. Ils vont très vite quand ils dictent (impossible de suivre alors avec un cahier et un stylo). La coutume voudrait que tu aies un ordinateur par devers soi, afin de bien suivre le professeur, bref c’est la modernité.

Pour le résumer en Wolof: « lu prof bi bax si gaaw dictée’ (suivez donc mon regard). Je me suis donc dit que notre Cher Paul Ngom se sentirait véritablement à l’aise ici. C’est toutes ces raisons qui font que vous n’aurez pas de répit ici. Mais malgré tout, les étudiants sénégalais s’affirment aisément.

Cette évolution que j’ai sentie ici doit, à mon humble avis, nous caractériser. Il ne s’agit nullement pas ici, d’une plaidoirie sous tendue par un quelconque complexe d’infériorité, mais plutôt d’une plaidoirie informant sur ce qui se passe sur « l’échiquier international », si je peux m’exprimer de la sorte. Afin que vous sachiez toute la réalité sur les études à l’extérieur du Sénégal.

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On peine à avoir un calendrier normal, avec comme corollaire des années qui se chevauchent interminablement. L’année universitaire démarre à Dakar pendant qu’il me reste presque 6 semaines de cours pour finir la mienne. Pourtant, la plupart de ceux-là qui dirigent notre système universitaire ont été ici, ou du reste savent que ces situations factuelles, relèvent d’un manque de dévouement et de sérieux dans le travail. Il y a problème!!!

Notre enseignement universitaire souffre, et les étudiants payent toujours des bouteilles de vin, qu’ils n’ont pas cassées. Il est impératif d’éradiquer le mal à la racine. Une telle panacée ne peut se faire, tant qu’il n’y aura pas d’entité capable de veiller sur le travail stricte du corps administratif et de nos chers professeurs. Qui plus est, tant que ces derniers tarderont à comprendre que le seul but pour lequel ils sont recrutés c’est d’enseigner et d’inculquer des connaissances, nous nous enliserons davantage dans les abysses de l’attardement. Fussent-ils des conférenciers, analystes sempiternels, c’est à titre accessoire.

Une pause, afin de regarder ailleurs et de sélectionner les bonnes options, s’impose. Il nous faut copier les bonnes graines des autres contrées géographiques et de les semer chez nous, en espérant de récolter des « fruits » dignes et capables de hisser notre nation au sommet du développement.

Bien à vous, qu’Allah répande la Baraka sur chacun d’entre nous !!!

 

Bocar FOFANA

Etudiant en Science POLITIQUE au Collège de droit et de science politique de l’Université de Bordeaux

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