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La Violente Et Assassine Arène Prend En Otage Le Sénégal

Il faut dépassionner et humaniser cette lutte.

Nous avons tous aimé la lutte. Nous avons suivi des combats de lutte purs, forts disputés sur le plan technique et culturel. Cette lutte était une des locomotives importantes de notre culture. Qui ne se rappelle pas des spectaculaires Backs d’un Mama Gorgui Ndiaye ? Qui ne se rappelle pas des envolées lyriques d’une Khar Mbay Madiaga ou d’une Khady Diouf ? Nous en étions tous fiers. Le spectacle, la culture, la lutte pure et l’élégance l’emportaient sur tout le reste.

Aujourd’hui, les grappes de beaux pagnes autour de la taille des beaux lutteurs au corps tout à fait naturel ont fait place aux blousons sous le dictat des sponsors qui tiennent en respect les promoteurs et les lutteurs. L’enjeu financier a fini de tuer le jeu. Quand au profit, il a fini de réduire à néant l’aspect HUMAIN de la lutte. L’argent pleut sur l’arène et attire les vautours, les corbeaux et les charognards. Tout autour de l’arène, rodent des hyènes, des chacals.

Aujourd’hui, la violence s’est emparée de l’arène. Tout est violent. Les noms des lutteurs : Fegg le, Buldozer, Ni ko rell, tonnerre, door dooraat etc. Pendant ce temps, les reporters se délectent des coups qui pleuvent sur l’un des gladiateurs : door na ko, jel na uppercut, door na ko ci suuf, nacc na, dem na Ardo. On va jusqu’à s’affronter sur un plateau de télé.

Dans les cérémonies de face à face, on instrumentalise les lutteurs qu’on ne respecte pas. Tiens toi ici, parle à ton protagoniste. Défi le. Qu’est ce que tu vas lui faire ? Et quand les lutteurs se déchainent aucun, mot n’est de trop dans le jargon de la violence : Je vais te briser. Je vais te battre par KO. Tu iras chez Ardo.

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Les supporters ne sont pas en reste. Pour un rien, ils sont prêts à brûler tout et détruire tout ce qui tourne autour d’eux. A la fin des combats, c’est le sauve qui peut autour des arènes. Les agressions se comptent a la pelle. Dans les réseaux sociaux, les expressions, les unes plus violents que les autres tombent de minute en minute.

Nous avons regardé Mbaye Guéye (le tigre de Fass), Robert Diouf, Boy Bamabara, Mame Gorgui Ndiaye, Double Less. Nous les adorions mais nous avions d’autres comme référence. Ils s’appelaient Dabakh Malick, Serigne Falou, Senghor, Cheikh Anta Diop, Abdoulaye Diaw, Camara Laye, Bara Mboup, Lamine Diack, Iba Der Thiam, Aimé Césair, Abdou Diouf, Cheikh Hamidou Kane, Mawade Wade, Amadou Hampâté Ba, Amadou Makhatar Mbow et autres.

Il me vient alors à l’esprit cet enfant à qui les parents, hauts fonctionnaires, avaient donné un verre de lait. Il n’a rien trouvé de mieux que de se retirer dans la chambre pour y sortir avec la tète complètement couverte de lait, exactement comme le font certains lutteurs. Aujourd’hui, ces derniers trônent au sommet de la société et font rêver nos enfants qui aspirent à ces bagnoles que l’on gagne au bout seulement de quelques balancements de bras. Le savoir n’est plus utile parce qu’il n’apporte aucune richesse visible. Sur les couvertures des cahiers s’affichent majestueusement les lutteurs. Beaucoup parmi ces enfants s’identifient à eux aujourd’hui et rêvent de devenir comme eux.

L’ors des combats de lutte, les publicités souvent mensongères et dangereuses inondent les écrans de tété que suivent des millions de personnes et ôtent tout sens aux spectacles. Ce qui importe ici ce n’est pas la manière dont le combat s’est déroulé ou sa finalité mais comment peut on faire pour ramasser le maximum d’argent avant, pendant et après le choc. Notre société parraine ainsi la folle course vers le gain massif, rapide et facile de l’argent. Celle qui mène au savoir est close. Quatre voies semblent mener vers cet avoir tant rêvé : la lutte, la politique, la musique ou l’émigration. Comment un pays qui se respecte pourra se développer comme ça ? On pousse le bouchon jusqu’à se rendre simultanément au domicile des deux lutteurs avec des caméras pour faire monter la passion notamment chez les jeunes et femmes. Chez le vaincu, ces derniers, sous l’œil des caméras ouverts sur le monde, s’effondrent comme des mouches. Et cela n’émeut personne. Résultat des courses : Il ne se passe plus un seul grand combat de lutte sans qu’on nous parle de mort d’homme. Mais le plus insupportable c’est comme si c’était normal.

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Falilou Cissé

Conseiller en développement communautaire

77 689 79 44.

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