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C’est Aux Enseignants D’inverser La Fatalité Nommée «année Blanche»

C’est Aux Enseignants D’inverser La Fatalité Nommée «année Blanche»

Débrayages, grèves et retentions de notes, ces expressions sont comme un leitmotiv dans le  vocable actuel des syndicats d’enseignants réunis autour du Grand Cadre.

Ces enseignants disent qu’ils exigent en plus de l’application du protocole d’accord signé avec le gouvernement le 14 février 2014, d’autres points comme le respect du principe de la gestion démocratique, la fin de toutes les lenteurs administratives, l’augmentation substantielle de toutes les indemnités, etc.

A un ami enseignant, je demandais son avis sincère sur cette crise qui pourrait mener vers une année blanche. «C’est une situation gênante, très gênante», m’avait-il répondu.

A voir aujourd’hui l’attitude «jusqu’au-boutiste» de certains syndicalistes du Grand Cadre, c’est comme si l’Etat n’a rien fait. Bien au contraire, sur beaucoup de points de revendications, il y a eu des progrès que beaucoup d’enseignants  reconnaissent en sourdine. Sur la question, par exemple, de la validation des années de volontariat, de vacation et de contractualisation, la loi 63-33 modifiée a été votée ce mois-ci pour corriger ce fait hérité de l’ancien régime.

Le vote de cette loi va permettre, entre autres, un reclassement comme fonctionnaire des agents concernés. La solution à cette question aurait au moins pu sonner la fin de la crise en attendant une mise en œuvre imminente.

Concernant les lenteurs dans la délivrance des actes administratifs, de la  mise en solde et du paiement des rappels, le gouvernement nous apprend qu’à la date du 31 mars 2015, pas moins de 3 515 projets de reclassement ou d’intégration dans la fonction publique avaient été traités sur les 27 mille 549 actes individuels d’enseignants concernés.

Sur ce point précis, la solution numérique est en cours et devrait être réglée dans le courant de l’année 2015 pour une issue définitive permettant aux concernés de gérer cet aspect à distance sans être obligés de venir à Dakar.

Pour ce qui est de la formation  des enseignants, le ministre de l’Education nous apprend que l’Etat a dégagé une enveloppe de 200 millions de francs cette année pour prendre en charge la formation diplômante de 248 vacataires et quelque 21 mille instituteurs adjoints.

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Cette volonté manifeste de l’Etat aurait pu servir de gage pour une nouvelle convergence dynamique. Sur la question de l’habitat social, l’Etat est dans une solution globale nationale structurante dans le cadre, par exemple, du pôle urbain de Diamniadio.

La part des enseignants dans les projets immobiliers est assez importante avec un accompagnement des coopératives par le gouvernement. Bref, sur beaucoup de points essentiels, il y a eu des avancées.

Cependant, la doléance qui semble la plus difficile est sans doute la question de la répartition de l’indemnité de logement. Vu le nombre d’enseignants au Sénégal, cette question ne saurait être traitée tout de suite par l’Etat sans étude générale sur le système de rémunération et de motivation des fonctionnaires, notamment sur l’impact budgétaire d’une mesure générale.

En semblant mettre en avant la question de l’augmentation des indemnités de logement, c’est comme si le Grand Cadre voulait mettre sous le boisseau les avancées cruciales apportées au protocole de février 2014. C’est aussi comme si on voulait tordre le bras à l’Etat dans une sorte de surenchère comparative avec, par exemple, les indemnités des autres fonctionnaires dont le nombre est epsilon par rapport aux enseignants.

En vérité, la priorité de l’Etat est à l’investissement structurant pour rendre attractif et plus utile l’enseignement public national au moment où le réflexe collectif est à l’inscription de nos enfants dans le privé. Le peuple est en phase avec cette vision du Président Macky qui est pour un enseignement public de qualité.

Dans la frénésie de leurs revendications, les grévistes, déblayeurs et autres rétenteurs de notes semblent aussi vouloir ignorer les mesures sociales hardies prises par le Président Macky Sall depuis 2012. D’un point de vue globale, la baisse de l’impôt sur les salaires, survenue en 2013 avait permis à tous les fonctionnaires (dont les enseignants) de voir leur salaire net sensiblement augmenter dans des fourchettes comprises entre 15 mille et 60 mille Fcfa par mois, voire plus.

Il y a eu aussi les mesures prises par le Président Macky Sall sur le coût de la vie avec l’homologation des prix des denrées de première nécessité et la baisse des prix des loyers. Ces mesures de portée générale ont été bénéfiques pour les enseignants et l’ensemble des travailleurs qui ont tous vu leur pouvoir d’achat s’améliorer dans une proportion raisonnable.

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Dans certains pays, des mesures aussi importantes auraient pu conduire à une sorte de pacte de stabilité sociale sur au moins quelques années sans que cela n’entache la volonté revendicative normale des uns et des autres.

L’élégance syndicale aurait voulu, face aux efforts du gouvernement, que la forme de revendication soit moins jusqu’au-boutiste. Je ne causerai pas le tort de croire que la grève du Grand Cadre a des motivations politiques.

Cependant, force est de reconnaître sans parti pris que le citoyen sénégalais, face aux efforts du gouvernement, est en droit de se poser des questions sur les véritables enjeux de cette grève du Grand Cadre.

Pourquoi ce jusqu’au-boutisme ? Pourquoi persister dans une forme «Débrayage-grève-rétention» pouvant mener vers une année blanche, quand on sait qu’en face le gouvernement est sur la bonne voie d’une reprise en main du système d’enseignement public national dans sa globalité ?

Ce qui est regrettable, c’est qu’au moment où certains veulent aller à l’année blanche, le Président Macky va réceptionner avant fin 2016 deux universités construites sur fonds propres pour absorber 60 mille nouveaux étudiants. Les grévistes, qui sont des patriotes, n’auraient sans doute pas voulu d’une autre allocation de ces ressources.

Le chef de l’Etat est en train de lancer la construction pour chaque région d’un Institut supérieur d’enseignement professionnel (Isep) pour garantir une meilleure adéquation formation-emploi. Il va lancer le programme de modernisation des Daara sans compter le programme de mise à niveau des infrastructures scolaires.

Ces allocations-là, le peuple (y compris certainement les grévistes du Grand Cadre) les aurait préférées à toute autre chose, parce que c’est là où se trouve la révolution silencieuse de l’Ecole et des universités sénégalaises !

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Révolution, le mot est lâché ! C’est un concept qui exige des sacrifices de part et d’autre.  Devant une telle ambition pour l’enseignement public, exercer le chantage syndical menant vers le chaos d’une année blanche est une lourde responsabilité éthique et morale que la majorité des enseignants sénégalais ne portent pas dans leur cœur. Ils ne doivent pas le porter dans leurs actes, parce qu’ils sont des modèles pour tous.

Au-delà des leaders syndicaux qui souvent sont les otages de considérations qui les dépassent, il est de la responsabilité de chaque enseignant de regarder ses propres enfants en face et de se demander s’il a le droit de boucher leur horizon.

Cette question n’est pas gênante, comme le pense sans doute mon ami enseignant. Elle est capitale, cette question, pour l’avenir de centaines de milliers d’apprenants du système public qui observent ceux du privé étudier dans le même pays, comme dans un système à deux vitesses.

Le Président Macky Sall, qui est un produit du système d’enseignement public, en est le premier défenseur dans les limites du financièrement soutenable en fonction de toutes les priorités nationales. Le gouvernement doit faire des efforts dans le respect des engagements.

Ceux de février 2014 avaient la nouveauté de la mise en place du comité de suivi. Il faut évaluer les engagements et aller vers une reprise des enseignements dans un climat de confiance réciproque en continuant la discussion.

Cette situation de crise scolaire est gênante  parce qu’elle interpelle la conscience de chacun. Une conscience non agissante est mère des regrets. Nous devons agir avant qu’il ne soit trop tard, mais c’est aux enseignants d’abord d’inverser la fatalité nommée «année blanche».

Inverser veut dire prendre le gouvernail et retourner à l’école. Ce sera la meilleure preuve pour dire que cette crise n’a pas de motivations occultes. Le temps est compté et perdu, il ne se rattrape pas du tout. C’est aux enseignants d’abord d’inverser la fatalité nommée «année blanche».

 

Mamadou NDIONE

Economiste Ecrivain. Cadre Apr DIASS

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