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Du Hasard Saoudien Du Pouvoir Sénégalais : Peut-on Falsifier Serigne Touba Et Malick Sy ?

Du Hasard Saoudien Du Pouvoir Sénégalais : Peut-on Falsifier Serigne Touba Et Malick Sy ?

Dans une contribution intitulée « Serigne Touba aurait-il soutenu une guerre entre musulmans ? » et datant du 20 mai 2015, notre compatriote Abdou Aziz Mbacke Majâlis nous proposait une nouvelle lecture de l’aventure belliqueuse du Pouvoir sénégalais en Arabie Saoudite. Cette décision de participer à la guerre du Yémen en cours aurait été prise sous le prétexte, entre autres, de défendre les lieux saints de l’Islam. Sans cabotiner davantage sur la nature véritable de cette guerre que l’on sait évidemment nationale, notre compatriote revenait sur l’inconsistance des arguments brandis par le belligérant sénégalais pour justifier son expédition dans la péninsule arabique. Le problème majeur consiste dans la campagne autoritaire du Pouvoir sénégalais en la mobilisation d’arguments essentiellement religieux adossés à une instrumentalisation peu savante et frauduleuse des productions intellectuelles et de la biographie des illustres guides religieux. Plus préoccupant dans cette affaire est le soutien mercenaire apporté à cette falsification mémorielle et théologique par quelques franges de la classe de ce qu’on appelle communément les « chefs religieux ».

En sus du fait que ce titre est indistinctement et indélicatement octroyé au premier enturbanné qui sache faire prévaloir une filiation quelconque avec les familles soufies du pays et, par ce fait-là, demeure relativement insignifiant comme catégorie symbolique, il convient avant toute chose de douter du succès même de la stratégie du belligérant sénégalais. Ce, en ce sens que non seulement tous ceux qui sont déclarés avoir été consultés par le Pouvoir comme des « chefs religieux » ne l’étaient guère, mais aussi que la représentativité de ceux à qui ce titre fut frauduleusement reconnu aux fins de la propagande idéologique est inexistante au sein de leur communauté respectives et devant l’opinion publique nationale.

Nous convenons ici avec Abdou Aziz Mbacke Majâlis qu’il faille, d’une manière appuyée et étayée, à contre-courant de la réminiscence sélective de notre aventureux Gouvernement, mettre en doute l’idée que son égarement va-t-en-guerre ait été béni par la classe des « guides spirituels ». Comme si cette bénédiction, existerait-elle effectivement contre toute attente, empêcherait à qui s’en croirait fondé, de douter de la légitimité de cette ingérence indélicate. Nous nous permettons d’établir cette distinction entre le terme commun et accommodant de « chef religieux » et celui de « guide spirituel ». Laquelle prudence langagière n’est ni excessive, ni expéditive. Au contraire, on le verra, elle nous permet de mieux comprendre qu’en réalité, en dépit de l’illusionnisme  du pouvoir, la stratégie pour légitimer sa campagne illicite aux moyens de bricolages mémoriels et symboliques a lamentablement échoué. Ce n’est pas parce que la croyance au soutien mercenaire de quelques « chefs religieux » bien ameutés est répandue par une presse concupiscente et licencieuse que le Pouvoir est parvenu à désarmer l’indignation et le doute parmi l’opinion ordinaire. Sinon le « chef suprême des armées » ne serait pas réduit, dans une tentative plus désespérée que maladroite de doucher la controverse sur son engagement au Yémen, à se couvrir d’une anecdotique vocifération « un point un trait ».

Dans le cheminement de notre compatriote Abdou Aziz Mbacke Majâlis, nous voulons montrer que, effectivement, aussi bien les éléments de contexte historique que les productions théologiques et les matériaux biographiques des guides spirituels fondateurs disqualifient la stratégie sélective de colmatage symbolique de l’argumentaire en faveur d’une intervention pro-saoudite de la part du Gouvernement et de ses renforts circonstanciels. Néanmoins, nous estimons que c’est moins le contexte historique que l’option théologique des guides pionniers qui explique leur flexibilité et leur soutien à la campagne militaire des alliés durant la première guerre mondiale par exemple.

L’aventure belliqueuse du Pouvoir sénégalais : des prières sans bénédiction

Que s’est-il réellement passé depuis l’annonce de la décision controversée et autoritaire du Gouvernement d’envoyer l’armée combattre en Arabie saoudite—parce qu’étant un acte de guerre déclaré qui n’a jamais été soumis à la sanction avisée du Parlement—jusqu’à la sortie embarrassante du commandant en chef des armées nationales destinée, d’un « trait », à mépriser définitivement la protestation citoyenne ? C’est exactement le 8 mai 2015 que le Gouvernement a déclaré avoir récolté le soutien des « chefs religieux ». La raison de ce triomphalisme de l’Exécutif est à chercher à plusieurs lieux : d’abord, parce qu’il a fallu au Gouvernement une longue campagne de résistance à la clameur qu’a provoquée son mercenariat d’Etat au profit de la dynastie autoritaire saoudienne affaiblie par un règne de faste et un contexte géopolitique de plus en plus insoutenables. Face à la dissonance au sein du parti au pouvoir, aux dissidences parmi la coalition régnante, à l’indocilité des mouvements citoyens, le Gouvernement avait fini d’éprouver sa machine de propagande politico-militaire. Ensuite, non content d’avoir marchandé le consentement de la hiérarchie kaki peu avant sa sortie publique, le Pouvoir a dû envoyer le Ministre de l’Intérieur et quelques hommes de main en prêcheurs de sa guerre dans les cités religieuses afin de faire croire à l’adhésion des autorités spirituelles du pays à son hasard « saoudite ». Peu importait alors qu’au final le Gouvernement n’obtînt aucun soutien déclaré de quelque guide spirituel qu’il fût. Il lui suffisait au fil et au terme de ses incursions dans les concessions soufies de répandre l’idée que les guides spirituels, uniquement les khalifes des confréries musulmanes dans le cas d’espèce, « bénissaient » la volonté mal mesurée de l’Exécutif sénégalais de s’allier à l’Arabie saoudite, un pays musulman, contre le Yémen, un autre pays musulman.

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En dépit de ce stratagème pour le moins malsain et, disons-le, stratégiquement démodé, le Gouvernement a eu beaucoup de mal à désagréger la symphonie populaire contre sa guerre si chérie. En lieu et place des bénédictions et des recettes stratégiques annoncées dans une grande partie de la presse, la tournée de propagande du Ministre de l’Intérieur n’a rencontré que des prières pour les futurs combattants et pour un Sénégal plus songeur que laborieux. Ce n’était pas rien du tout, mais ce n’était pas non plus le saint graal pour le Gouvernement. C’est la raison pour laquelle, désespérant et contraint de constater l’échec de sa campagne de lobbying auprès des saints, le Gouvernement convoquait le jeudi 7 mai 2015, et dans le plus grand secret, une réunion de la dernière chance pour enfoncer ses clous dans son bois mort: des universitaires, des chefs de partis politiques, des chefs coutumiers, des maitres coraniques, des prêcheurs télévisuels, etc.—pour ainsi dire, un parterre de soutiens potentiels aux yeux du Gouvernement—pour donner un semblant de légitimité à une décision que l’Arabie saoudite s’impatientait de voir annoncée. Malheureusement, le maquillage ne prit jamais. L’empressement du Pouvoir rencontra le silence courtois et réfléchi de nombreux participants qui surent de la sorte s’extirper brillamment de la réquisition du Gouvernement. D’autres se permirent d’asséner des vérités habiles au Gouvernement, regrettant que sa décision n’eût pas été au préalable soumise à la sagesse honorable des guides spirituels. C’est dire qu’en toute vraisemblance ce fut la minorité des « invités » de circonstance, enchainés par des affinités de toutes sortes, qui se sentit libre de livrer carte blanche au Pouvoir. C’est seulement alors que les pans les plus incontrôlés de la presse furent incités à annoncer un « consensus » qui aurait dissipé les doutes et les réserves des uns et des autres. Cela n’a jamais été le cas, et ce ne le sera sans doute jamais.

Pour mieux comprendre cet échec gouvernemental pour le moins cuisant, ainsi largement reflété dans la prudence et la neutralité courtoise des khalifes confrériques, il faut en effet retourner examiner les modes de raisonnement des shaykhs fondateurs qui furent au soubassement de leur généreux soutien au Gouvernement colonial français durant les différentes guerres mondiales. Dans cet esprit, afin de souligner la justesse de la démarche théologico-historique d’Abdou Aziz Mbacke Majâlis, nous évoquerons des contre-exemples à ceux fournis par lui. Il nous parait utile de rappeler auparavant les questions importantes formulées par notre devancier Majâlis. Etant donné que « Cheikh A. Bamba lui-même, et d’autres grands chefs religieux du pays, avaient accepté en leurs temps, sur demande de l’Etat français, de participer à l’effort de guerre du premier conflit mondial (14-18) », Abdou Aziz Mbacke Majâlis pose la question de savoir « Qu’est-ce qui peut expliquer cette étrange posture « collaborationniste » des chefs religieux dans la première guerre mondiale, au regard surtout de leur aura populaire de « résistants » à la colonisation ? Ont-ils réellement pris la bonne décision en ces temps-là ? »

Nous tenterons autant que faire se peut d’apporter des éléments de réponse à cette question au fur et à mesure que nous avançons dans les exemples d’Ahmadou Bamba, d’Al-Hajji Malick Sy et de leurs khalifes successifs. Comme nous l’annoncions plus haut, notre démonstration sera précisément basée sur les biographies, les écrits et les éléments de contextes de ces singuliers protagonistes.

Ahmadou Bamba et Malick Sy dans la guerre 14-18 : des références infalsifiables

« Ij’al rujû’î ila qawmî sa’adatanâ fal takfinâ yawma jam’i khalqi nirânâ » (Fais que mon retour vers ma nation soit une félicité pour tous. Épargnes-nous du jour où tu réunis les gens pour les conduire en enfer.) (Wa Laqad Karramnâ Banni Âdama: V. 63). Ce vers d’un des khassâid les plus connus de Ahmadou Bamba composé sur le chemin de son retour d’exil par le vénéré saint constitue un acte fondateur de l’abolition de l’inimitié érigée par la modernité entre les peuples au nom des différences confessionnelles et culturelles. A condition de demeurer dans le cadre de l’interprétation herméneutique et constructiviste qu’appelle ensemble la théologie mystique et le contexte historique du shaykh, il ne serait guère difficile de voir que jamais le discours et la pratique de l’Islam soufi des saints pionniers ne pourrait fournir le cadre de légitimation d’une confrontation violente opposant différentes communautés spirituelles, encore moins une guerre entre sunnites et chiites ou entre nations musulmanes.

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L’on ne saurait mieux ressortir le caractère fondateur et la portée révolutionnaire de la théologie humaniste d’Ahmadou Bamba qu’une voix plus autorisée que celle d’un informateur, en l’occurrence un shaykh soufi et petit-fils de Ibra Fati (Mame Thierno Birahim Mbacke), dans l’entendement le plus approprié qu’il convient de se faire du vers de Ahmadou Bamba : « Il (Ahmadou Bamba) a dit « qawmî » qui veut dire « nation » en arabe. Il aurait pu dire « murîd » (mourides) ou bien « ummatî » (peuple) ou encore « mu’minîna » (croyants) ; mais il a dit « qawmî ». Cela signifie que Serigne Touba a prié le Tout-Puissant pour les musulmans, les chrétiens, les animistes et même les athées et chaque membre de la société sénégalaise de l’époque. » En effet, on avait toute cette myriade de citoyens et de spiritualités au Sénégal à l’époque de Serigne Touba. Ajoutons que le terme qawmi est parfois inclusif d’entités analogues auxquelles la nation est souvent réduites, telles que banu (tribu), ’achîra (clan) ou ahl (peuple, groupe). Pas plus avec les notions de « Dawla » (Etat) et « Bilâd » (pays) qui connotent les éléments institutionnels et territoriaux de la nation. Ce qui écarte davantage toute possibilité d’extension approximative de l’interprétation la plus exacte de la pensée d’Ahmadou Bamba. Sur la base de cette compréhension précise du vers du khassîda de Ahmadou Bamba, l’on aura beaucoup de mal à diverger avec Abdou Aziz Mbacke Majâlis sur l’idée que le vénéré shaykh n’aurait sans doute pas agréé une guerre comme celle à laquelle le Sénégal se glorifie de prendre part.

Mettant en exergue l’option du shaykh pour la non-violence sous quelque prétexte qui soit, ce vers fait écho à sa théologie du pacifisme intégral enracinée dans une longue tradition soufie. Lequel pacifisme intégral, à son tour, trouve sa justification dans la rupture théologique que les maîtres soufis ont opérée par rapport au jihad. En effet, par le rejet du jihad armé au profit de l’Ijtihâd ou jihad intellectuel et moral consistant à l’effort sur soi par la science, la méditation, le souvenir (dhikr) et le service (khidma) à Dieu et à ses créatures, cette théologie mystique rend inopportune toute doctrine de la guerre politique, l’absence de laquelle rend impossible la violence armée. La tradition islamique dans la perspective soufie sanctionne l’usage de la violence sous toutes ses formes quelle que puisse en être la cause. L’on ne parviendra pas à comprendre ce pacifisme intégral sans aller au bout de la rupture théologique vis-à-vis du jihad. La conséquence doctrinale et pratique de ce renoncement à la violence armée, y compris pour une cause religieuse, est l’éloignement des shaykhs fondateurs vis-à-vis du pouvoir politique qui est le lieu par excellence de l’autorité et de l’exercice de la violence légale et armée.

En effet, interpellés par le Gouvernement colonial sur leur activisme spirituel, Ahmadou Bamba et Malick Sy révélèrent le fondement théologique de leur vision pacifiste de l’ordre social de la manière suivante : Ahmadou Bamba de répondre que « Ku xam foo nekk moolay noonoo. Ki xam fiŋa nekk bay ñëw ci yow dima kalaamé mooy sa noon » (C’est celui qui nourrit de l’intérêt envers vous qui peut vous éprouver de l’inimitié. Vous trouverez votre ennemi en celui qui est venu jusqu’à vous pour me calomnier). La réplique de Malick Sy ne fut pas moins allégorique et subtile : « Sama kuruss gii ak sama sijaada gii doyna ñu ma ay ŋannay » (Mon chapelet et ma natte de prière me suffisent pour défenses). Non pas seulement ou d’abord que ces deux éléments de l’attirail cultuel du shaykh et du musulman servent d’armes contre le colon, mais surtout et fondamentalement que la seule guerre qui vaille d’être menée et dont les seules bonnes armes sont les moyens cultuels est l’effort sur soi et l’adoration de Dieu. Aux yeux de Bamba et de Maodo, le colon était donc trop insignifiant comme ennemi et préoccupation, pas plus que ne l’était son pouvoir et son autorité, comparé à Satan et au nafs.

L’on retrouve nettement dans ces deux répartis subtiles à la fois le dédain du pouvoir temporel et sa castration subséquente ainsi que la démystification de la prétention de l’autorité temporelle à une quelconque destinée. Qui plus, est dans un contexte de domination coloniale et surtout de pluralisme confessionnel de fait. Suffisant pour douter du fait que les paternels d’une telle vision de l’ordre social et de la pratique spirituelle et cultuelle de l’Islam, puissent servir d’icones intellectuelles et de mandataires mémorielles à des arguments allant dans le sens de légitimer une quelconque guerre au nom d’idéaux et d’enjeux spirituels ? Surtout lorsque l’on sait que l’Islam n’ordonne pas la défense des lieux saints musulmans seulement, ce que ne sauraient guère ignorer les descendants et successeurs de Bamba et Maodo, même si les clercs d’une croisade punitive anti-yéménite veulent laisser croire le contraire au nom de leur Islam à eux.

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Penchons-nous à présent sur le soutien du shaykh au Gouvernement colonial français pendant la guerre 1914-1918. A la demande du gouvernement français, Cheikh Ahmadou Bamba confie à son frère Ibra Faati (plus connu sous le nom de Mame Thierno Birahim) la mission de coordonner son soutien aux troupes françaises durant la première guerre mondiale. Des combattants et des denrées alimentaires furent levés dans ce sens. Les premiers combattants à être rassemblés furent tirés de la famille de Serigne Touba et de leur disciples tandis que les denrées alimentaires—arachide et céréales—provinrent des champs des shaykhs eux-mêmes. Des sommes d’argent importantes furent mobilisées pour réunir les quantités en baril de ces denrées-là. Dépositaire de la tradition orale et intégré à cette biographie, un autre informateur petit-fils d’Ibra Fati nous fait un commentaire de cet événement majeur de la praxis de Bamba : « Cela fut un service éminent à la paix et à la nation sénégalaise. Serigne Touba a fait cela. Son raisonnement était assez simple bien que renfermant une sagesse inaccessible à un esprit ordinaire. Il croyait qu’il était impossible pour lui de laisser le pays dans lequel il vivait avec ses disciples qui s’étaient entièrement abandonnés à lui tomber pour de bon. Dans son jugement éclairé, Serigne Touba savait que si les allemands avaient gagné la guerre ils auraient de facto conquis le Sénégal, ses peuples et ses croyances avec. Il était informé du fait que les allemands nourrissaient l’intention de récupérer la totalité de l’empire colonial français. Et la chute de Paris entre les mains des allemands fut une preuve éloquente de la prémonition de Bamba. » Il suffit de mettre ce commentaire en relation avec les vers cités plus haut du célèbre khassîda d’Ahmadou Bamba pour se rendre compte du fait que le traitement qu’Ahmadou Bamba avait réservé à la requête solennelle du gouvernement colonial vient à son tour appuyer l’idée que les guides spirituels, pour peu que leurs œuvres biographiques et intellectuelles ne soient pas rudoyées en dehors de leur contexte historique et culturel, ne sauraient servir de mentors, aux partisans de l’alliance sénégalo-saoudienne, fut-ce à titre posthume.

Le raisonnement d’Ahmadou Bamba ressemblait trop à celui de Malick Sy, si bien qu’on pourrait croire qu’ils avaient probablement accordé leurs jugements. Pourtant on sait que tel n’a pas été le cas sur cet événement précis. A ses illustres et dévoués muqaddam qui se plaignaient auprès de lui du fait qu’il accordait une suite favorable à la requête du gouvernement colonial à propos de la guerre, Malick Sy donnait la réponse suivante : « Kula boot di bëre, gnaanal mu baña daanu jaaxaan ! » (Littéralement, « Si quelqu’un te porte sur son dos au combat, pries pour qu’il ne tombe pas de dos »). Très laconique, cette formule illustre de manière éloquente la rencontre de l’humilité avec la sagesse, mais surtout la tension entre le spirituel et le temporel, entre la liberté et l’obéissance. Non seulement ses grands disciples se rendirent compte qu’ils étaient interdépendants du gouvernement colonial comme tous les peuples colonisés de l’époque, mais ils comprirent que leur vénéré guide s’engageait moins pour la France que pour son peuple, moins pour les us et coutumes de la France que pour l’Islam.

L’Etat du Sénégal peut-il donc légitimement se référer aujourd’hui à ces exemples historiques pour « bénir » son engagement au coté de l’Arabie Saoudite ? Non bien sûr Majâlis ! Tant il est clair que jamais on ne pourra falsifier Serigne Touba et Malick Sy. A condition que cela n’ait jamais lieu impunément et que l’intelligentsia confrérique ne manque une seule fois de faire prévaloir ses compétences et de s’acquitter de ses devoirs de veille mémorielle et de résistance intellectuelle. Car, il convient de s’en rappeler, l’opinion publique et le talibat ne seront jamais diplômés en théologie et en histoire tandis qu’ils seront toujours exposés aux alchimies fatales de la politique.

 

Aboubakr Tandia

Aboubakr TANDIA

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