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La Paix : Le Prix De Son Processus En Casamance ?

La Paix : Le Prix De Son Processus En Casamance ?

La planète se réchauffe, le désert avance, la mer monte, et nous restons manifestement impassibles. Nous allons même habiter des zones déclarées inondables, voire de plus en plus près de l’océan. De toute façon, la Communauté internationale avec notamment la Cop21 s’en préoccupe et s’en occupe, à notre place.

Ce sont là les actes I, II, III… d’une scène de théâtre dramatiquement prometteuse qui se jouent sous nos yeux, au cœur même de ce qui passe de plus en plus pour une nécropole à ciel ouvert.

Puis, tout à coup, un acte Nième s’invite comme par effraction au programme, avec au premier rôle, du reste unique, le président Yaya Jammeh, qui s’énerve, subitement ; il gronde, il est fâché, très fâché contre notre pays, dont il insulte au passage, copieusement, les dirigeants, et nous en rigolons, insoucieux. Pourtant, c’est grave, gravissime même.

En effet, le temps semble décidément définitivement révolu, où il avait plu au président Macky Sall d’extrader vers le Mali le « pestiféré de Banjul », Koukoy Samba Sagna. Il y croisa aussitôt la mort. Qui plus est, et peu après, d’autres « pestiférés de Banjul » sont repérés, ou simplement annoncés, à Dakar, qui vont ainsi provoquer, de par justement leur présence supposée dans la capitale sénégalaise, des « poussées de fièvre » doublées « d’urticaire » chez Yaya Jammeh. Meurtri, le président gambien se lâche :

« Je ne peux pas travailler avec Macky Sall. Il mord et réconforte en même temps. Il est le troisième président sénégalais avec lequel je ne peux pas collaborer. Personne ne peut me tromper… J’ai dit à Macky Sall de ne pas faire le fou pour fermer la frontière car nous n’avons peur d’aucune nation sur cette terre. Mais Macky Sall a fait le fou ignorant que celui qui fait le fou trouve toujours de vrais fous lorsqu’il arrive dans un asile… Du président Abdou Douf en passant par Abdoulaye Wade jusqu’à Macky Sall, tous m’ont combattu parce que je suis libre. Mais vous, sénégalais, vous n’avez pas de dirigeants. Macky Sall est une marionnette de la France. C’est François Hollande qui dirige le Sénégal… »

En fait, ce dernier coup de gueule du président Yaya Jammeh, à l’encontre de son homologue sénégalais, sonne et résonne comme le glas, comme pour annoncer la mort suivie de l’enterrement du processus de paix dit de Rome, où est impliqué, peut-être indûment à ses yeux, son protégé, du moins celui que d’aucuns lui prêtent, Salif Sadio, un des chefs de guerre du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC).

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Mais plus fondamentalement, ou plus prosaïquement, c’est selon, avec ce cri de détresse du président Yaya Jammeh, n’y a-t-il pas lieu de se demander si le Sénégal a jamais eu une politique « gambienne » et plus globalement une diplomatie de « proximité » avec ses voisins ? En tout cas, le conflit en Casamance ainsi que toute idée de sa résolution le recommandent, et même le commandent. D’autant que ce conflit tri-décennal participe avant tout d’une crise sénégalo-bissauguinéo-gambienne en Casamance, dont le coût, politique et diplomatique, doit être porté et supporté, au moins, nécessairement, par le Sénégal, la Guinée-Bissau et la Gambie. N’est-il donc pas légitime, du moins sous ce seul rapport, de se demander ce que peuvent bien faire à Rome, sous le couvert suspect du processus de paix dit de Rome, le Gouvernement sénégalais et une faction du MFDC, sans les Gouvernements bissau-guinéen et gambien voire les autres factions du MFDC ? Et ce, alors même que sur le terrain le jeu ou plutôt l’enjeu ne se joue plus à deux depuis bien longtemps, mais à quatre plus une « diplomatie (sous)régionale » bien empreinte de l’hypocrisie et une « société civile nationale et internationale » à la philanthropie douteuse, qui s’accommodent au gré des circonstances d’avec les desiderata respectifs des quatre protagonistes que sont : les Etats sénégalais, bissau-guinéen et gambien et le MFDC.

Il est certes une réalité de fait dans cette affaire, selon laquelle nous sommes en présence de deux belligérants : l’Etat sénégalais avec l’armée nationale d’une part, et de l’autre le MFDC avec sa branche armée Atika. Mais il est tout aussi vrai que le conflit en Casamance se nourrit constamment, quoique pour partie seulement, « d’effluves » sinon « d’effluences » bissau-guinéennes et gambiennes voire d’origine (sous)régionale ou internationale. Cela, tout le monde le sait ; et c’est un euphémisme que de suggérer que les Gouvernements successifs du Sénégal n’ont guère pu s’empêcher d’en redouter les conséquences. Mais, qu’ont-ils fait ? Que fait présentement le président Macky Sall avec son Gouvernement pour intégrer une telle donne dans ses présumées politiques « bissau-guinéenne » et « gambienne » ?

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A la vérité, le président Macky Sall, comme ses prédécesseurs, souffre du syndrome de suffisance voire de condescendance à l’égard de ses homologues bissau-guinéen et gambien, tandis que ces derniers décèleraient plutôt, dans leurs rapports avec le chef de l’Etat sénégalais, de l’arrogance doublée de mépris de sa part ; ce qui en l’espèce se paie cash. Il y a là, en effet, comme une force présomptive du Sénégal lancée en l’occurrence contre l’obstacle présumé que constituent la Guinée-Bissau et la Gambie. Mais une force qui revient toujours contre elle-même, et au bénéfice de l’obstacle.

Sur le plan de sa politique « domestique », et notamment dans son « volet casamançais », le président Macky Sall semble ne pas vraiment se résoudre à l’idée que la crise en Casamance puisse également avoir un coût institutionnel, si l’on sait qu’elle a particulièrement révélé au grand jour que la République, au Sénégal, était à refonder, et la Nation sénégalaise à recréer.

En définitive, la seule politique « développementaliste » du Gouvernement ne saurait suffire à régler le conflit en Casamance.

Dakar, le 4 décembre 2015.

Jean-Marie François BIAGUI

Président du Mouvement pour le Fédéralisme

et la Démocratie Constitutionnels (MFDC-fédéraliste)

Jean-Marie BIAGUI
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