Du président Abdoulaye Diack, on peut dire qu’il est passé en quelques jours du Capitole à la Roche Tarpéienne. Des lumières aveuglantes des spots aux ténèbres du déshonneur. De la grandeur à la décadence. En avouant crument qu’il a passé un « deal » avec des milieux russes pour couvrir des cas de dopage d’athlètes qui ont pu participer tranquillement aux JO de Londres alors qu’il ne devraient pas — en échange du financement de la campagne électorale de l’opposition sénégalaise d’alors —, M. Diack se couvre d’infamie.
Ainsi, celui que ses thuriféraires présentaient jusque-là comme un parangon de vertu et comme l’éthique faite homme, n’est rien d’autre qu’un vulgaire corrompu. Qui réclame de l’argent au nom de son pays et de son peuple, qui plus est. On connaissait Arsène Lupin, le gentleman cambrioleur, le Sénégal tient désormais son gentleman corrompu mais corrompu pour la « bonne cause », celle de la libération de son peuple du joug d’un tyran qui voulait promouvoir une succession dynastique !
Au nom de cette lutte, l’ancien président de l’IAAF a pris de l’argent qu’il prétend avoir distribué à des partis politiques, mouvements de la société civile et associations de jeunes. Pauvre jeunesse sénégalaise, ce qu’en ton nom on encaisse des financements glauques ! Pauvre peuple sénégalais, également, au nom duquel des candidats prétendant le libérer sillonnent le monde pour lever des fonds. Seulement, ici, il ne s’agit pas de n’importe quel escroc qui va user de manœuvres pour s’enrichir au nom du Sénégal. Il s’agit de M. Lamine Diack que l’on a failli nous donner comme président de la République et qui exigeait de la classe politique sénégalaise qu’elle réalise au préalable un consensus autour de son auguste nom avant qu’il ne condescende à présider aux destinées de notre pauvre pays.
Autrement dit, tous les hommes politiques devaient se mettre à la queue leu leu et le supplier, à genoux, d’accepter d’être le président de la République du Sénégal en lieu et place de Me Abdoulaye Wade. On le présentait comme un preux chevalier vêtu de probité candide et de lin blanc, on découvre sur la ligne d’arrivée un Parrain à la tête d’une sorte de Camorra sénégalaise. Le sport, croyions-nous, était le lieu par excellence où devait s’exprimer l’éthique, un monde de pureté d’où étaient bannis la triche, la magouille et… le dopage, justement ! Un milieu où ne devaient régner que les performances physiques, le culte de l’effort, le don de soi, le dépassement. Un lieu où, dans l’athlétisme surtout, tout le monde devait s’efforcer d’aller plus haut, plus loin et plus fort.
Altius, citius, fortius, comme disaient les Romains. Et voilà qu’on découvre que des compétiteurs ont recours à des substances qui augmentent artificiellement leurs performances, faussant ainsi les règles d’un jeu qui n’aurait jamais dû cesser d’être chevaleresque. Et qui devait rester le champ clos d’une saine rivalité. Lamine Diack était à la tête d’un organisme qui était chargé, globalement, de gérer l’athlétisme mondial et, notamment, de réprimer sévèrement toute entorse à l’éthique dont le dopage est sans doute la forme la plus répréhensible.
Hélas, c’est ce « Monsieur Propre » de l’athlétisme qui se permettait, moyennant des valises de dollars ou d’euros, de mettre sous le coude les dossiers d’athlètes convaincus de dopage ! Mais le plus scandaleux dans cette gravissime affaire de corruption, c’est que le baron Lamine Diack prenait de l’argent « pour la bonne cause » au prétexte de libérer le peuple sénégalais d’on ne sait quelle effroyable dictature !
Ce chef d’une association familiale de malfaiteurs composée, outre le Patriarche, des deux fils, Massata et Khalil, faisait des « deals » avec des Russes dont il prenait l’argent pour couvrir leurs athlètes convaincus de dopage, tout en leur faisant croire que leurs fonds allaient servir à « libérer » son peuple. On sait malheureusement qu’une grande partie de cet argent prenait la direction de Singapour et atterrissait dans un compte bancaire ouvert par ses enfants au nom d’une société dénommée « Black Tides ».
Et c’est là qu’il convient de s’intéresser à la générosité supposée du « mécène » ou « sponsor » politique Lamine Diack. L’argent qu’il a pris aux Russes est-il réellement parvenu à sa destination initiale, c’est-à-dire le « peuple sénégalais » à travers ses partis politiques, ses associations de jeunesse et ses mouvements de la société civile ? Il est permis d’en douter ! Ou alors, seule une infime partie aurait été utilisée à cette fin.
Sans doute le président Lamine Diack et ses fils ont-ils convoqué deux pelés et trois tondus auxquels ils ont remis des miettes, histoire de faire croire à leurs parrains russes que l’argent a été utilisé à bon escient et a eu les résultats escomptés étant donné que le fils du tyran a échoué dans sa tentative de prendre la mairie de Dakar et que le Tyran lui-même a été emporté. Sans dire que c’est avant tout la détermination des Dakarois et celle des Sénégalais qui ont eu raison de M. Karim Wade et de son père. Et que, franchement, l’argent de Lamine Diack, si argent il y a eu, n’a guère contribué au succès des ces luttes.
Toutes choses qui nous font douter que des partis ou candidats sénégalais, et certainement pas M. Macky Sall, aient reçu des financements russes — à part peut-être des miettes — via le Parrain Lamine Diack. Le plus vraisemblable c’est que l’association familiale de malfaiteurs des Diack s’est enrichie au nom des Sénégalais qui ont décidément bon dos. Peut-on salir d’honnêtes citoyens sur la base des seules accusations d’un vulgaire corrompu qui, en plus, joue les balances ? Assurément, non. Pauvres Sénégalais qui, après les bandits qui se battent au moment du partage du butin, après les hommes politiques qui estiment leurs soucis d’argent terminés parce qu’ils ont accédé au pouvoir, ont failli avoir pour Président un Parrain sponsorisé par la mafia russe !