Senexalaat - Opinions, Idées et Débats des Sénégalais
Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Discours De Fin D’année : Le Temps Des Généralités Pontifiées

Discours De Fin D’année : Le Temps Des Généralités Pontifiées

Le temps des généralités pontifiées

Quoi de neuf dans le discours de fin d’année du Président de la république ? Lorsque l’on se focalise sur les 15 éléments devant constituer le bloc dit de révision constitutionnelle, on est frappé par le caractère général de certaines dispositions retenues. Entre autres, «la modernisation du rôle des partis politiques dans le système démocratique» (1), et «le renforcement des droits de l’opposition et de son chef» (7). Deux gros serpents de mer dont on se demande comment ils pourraient être acceptés et mis en œuvre dans le délétère environnement politique actuel. Une telle mesure n’a de sens et ne peut être prise au sérieux que dans un cadre politique apaisé où les règles du jeu, connues de tous, sont respectées.

Chef d’opposition, le capharnaüm

A quoi peuvent-elles servir, ces deux mesures, lorsque le palais de la république instrumentalise gravement sa majorité parlementaire qui, à son tour, infiltre le seul groupe d’opposition qui disposait d’un groupe parlementaire pour le casser et le « confier » à une dissidence collaboratrice ? Quel sens peut-on donner à ces dispositions lorsque la transhumance politique visant des forces d’opposition chargées d’animer le jeu politique est érigée en programme officieux d’Etat au profit du pouvoir politique aux commandes de l’Etat ?

A quoi peut renvoyer une telle initiative, pourtant séduisante dans une démocratie forte comme la nôtre ne l’est pas vraiment, quand le corset de l’interdiction systématique de manifester frappe tous les secteurs d’opposition au pouvoir sous le prétexte fallacieux de sauvegarder l’ordre public ? Quelle crédibilité accorder à cet effet d’annonce présidentiel quand (quasiment) aucun des 250 (et plus) partis politiques légalement constitués dans notre pays n’est en règle au regard des lois établies en matière de création et d’administration de partis politiques ?

A LIRE  Autoroute Ila Touba: Un Magal 2018 spécial, pour l’honneur et la gloire de Serigne Touba

Au lendemain de la chute du Parti socialiste en 2000, Abdoulaye Wade s’était aventuré dans ce capharnaüm avant de s’y casser les dents. Il souffrait alors des fortes rivalités irriguant les relations entre un Moustapha Niasse président de l’assemblée nationale (tiens !) et un Ousmane Tanor Dieng qui, lui, prenait ses marques dans l’opposition. Quinze ans plus tard, il n’y a pas de raison que Macky Sall fasse mieux, et en plus dans un contexte autrement plus vicié. A moins qu’il attribue d’office le maroquin au «leader d’opposition» qu’il se sera choisi.

Développement local, l’overdose

A la veille de son discours de fin d’année, le chef de l’Etat avait élevé Djibo Leyti Ka au rang de président de la Commission nationale du dialogue des territoires (CNDT). Un nouveau machin dont on ignore tout jusqu‘à présent, directement copié de son jeune ancêtre français, «L’Instance nationale de dialogue des territoires», mise en place le 10 février 2015 ! La CNDT va ainsi cohabiter avec un Haut conseil des collectivités locales (HCCL) et le Conseil national de développement des collectivités locales (CNDCL).

La crédibilité dont peut jouir ce nouveau truc ne va pas de soi, et le profil de celui qui a été porté à sa tête, un politicien professionnel qui vit aux crochets des contribuables depuis presque un demi-siècle, ne rassure pas. Ensuite, en faisant de la petite politique politicienne autour de l’acte 3 de la décentralisation, installant un grand nombre de collectivités locales dans la dèche permanente, le pouvoir a immanquablement prêté le flanc aux critiques contre un texte majeur qui devait donner du sens au principe de la décentralisation.

A LIRE  ATÉPA VEUT CASSER MON IMMEUBLE

Les autres annonces du Président de la république ne font pas forcément rêver tant, également, leur caractère général est frappant. Ce sont celles liées au renforcement de la citoyenneté, à la représentation des Sénégalais de l’extérieur par des députés, à l’élargissement des compétences de l’assemblée nationale, au Conseil constitutionnel, etc.

Bien sûr, la levée des interdictions qui frappaient jusqu’ici les candidatures individuelles à certains scrutins est à saluer en tant que vieille revendication des organisations de la société civile, mais aussi comme principe d’équité entre les citoyens. De même que le caractère d’intangibilité qui va accompagner certaines dispositions constitutionnelles. Mais au total, cela donne quoi ?

De vraies réformes sont possibles

Macky Sall, après avoir signé (c’est-à-dire accepté) les conclusions des Assises nationales en tant que candidat à la présidentielle 2012, enterre définitivement les conclusions de la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) qu’il avait pourtant mise sur pied en accédant au pouvoir. A sa décharge, il est important de noter que les préconisations de la CNRI ne pourront être mises en œuvre que par un véritable Homme d’Etat, une de ces perles rares qui n’aura pas les yeux rivés sur des échéances électorales et des contingences politiciennes. Il faudra donc attendre !

Attendre et espérer qu’un homme politique de dimension simplement normale offre à la démocratie sénégalaise des textes révolutionnaires. Du genre : un Président de la république garant de notre sort à tous ne peut être chef d’un parti politique ; une magistrature déconnectée de la tyrannie du pouvoir exécutif ; des juges qui s’autosaisissent sur des sujets d’intérêt général et national comme l’affaire Lamine Diack ; une assemblée nationale qui reprend sa dignité car n’ayant plus de raison de craindre le palais ; etc. Autant de «cadeaux» qui nous échappent en cette fin d’année 2015 parce que notre Président de la république et «cher compatriote» ne l’a pas voulu ainsi. Le fin mot de l’histoire, c’est qu’il ne fallait pas rêver.

A LIRE  ÉMIGRATION CLANDESTINE

Quand le premier magistrat du pays, gardien de la Constitution et de l’application des lois, soutient bruyamment un ministre de l’Education nationale qui n’a pas eu le courage de payer par sa démission l’incompétence de ses propres services, quand le premier d’entre les Sénégalais donne ainsi un coup de poignard à la juridiction suprême de la République, il y a de quoi avoir peur ! Chez certains, bon sens et sincérité ont encore du chemin à faire.

Du fond du cœur, je vous souhaite une excellente et pétillante année 2016.

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *