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L’oiseau Parlait Français

Nous sommes toujours à la Sicap Baobabs, où comme vous le savez maintenant, j’ai passé une partie de mon enfance. Dans les années 70, Baobabs était le dernier quartier avec les Liberté 1, 2 et 3 adossés au collège Sacré-Cœur, qui , je crois a été construit dans les années 60.

Il y avait là, où se trouve la permanence du PDS et la cité de l’Alternance, un petit camp militaire occupé par l’Armée Française qui s’appelait la pyrotechnie. Elle était nichée dans une petite forêt qui allait jusqu’à Ouakam, en passant par l’ancienne piste qu’on appelait ‘’Candavion’’. C’était une forêt giboyeuse. On y trouvait toutes sortes d’animaux. Des singes aux lapins, en passant par les oiseaux de toutes espèces. Y avait plein de serpents aussi, de toutes les tailles et couleurs. Je me rappelle que les singes envahissaient souvent nos écoles, Baobabs 1, l’école des filles, Baobabs 2 et 3 des mixtes. Certains jours, comme le samedi matin, il nous arrivait sincèrement de souhaiter l’invasion des singes. C’était sûr que les cours ne reprenaient pas et le week-end commençait plus tôt.

Il y avait dans cette forêt, des centaines d’arbres fruitiers, du jujubier, à l’anacardier, en passant par le baobab qui nous fournissait le pain de singe. D’arbres dont je ne connais pas le nom, qui nous donnaient des fruits succulents. On y trouvait même du miel sauvage.

Cette petite forêt – là, c’était la nôtre, on en connaissait les moindres recoins, et il nous arrivait de piquer quelques kilomètres pour aller visiter le dépotoir d’ordures de la base Française de Ouakam, communément appelé « Mbalittou Toubab ». On y ramassait du tout, des jouets aux repas conditionnés que nous mangions comme des trappeurs ou campeurs en pleine jungle.

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C’était aussi notre terrain de chasse. Munis de nos lance-pierres et gourdins, on progressait en silence pour surprendre les lièvres ou tirer sur les nombreux oiseaux.

Ce jour-là, nous étions trois à arpenter la brousse. Il y avait mon ami Bouba, et un grand à nous, plus âgé de 4 à 5 ans , qui s’appelait Jules et moi. Jules faisait un peu office de chef de groupe, il était costaud et très attentif, quand on traquait le gibier. A un moment donné, sous les ordres de notre chef du jour, on s’était planqué pas loin d’un grand arbre, un immense arbre qui trônait au milieu de la forêt (Je me demande vraiment ce qu’il est devenu). Nous étions là, planqués dans les herbes touffues, en fer-à-cheval, mettant entre nous cinq mètres à peu –près, en attente des grosses tourterelles qui étaient nos proies favorites. Nous étions là, à scruter l’arbre, quand une grande oie, sortie on ne sait d’où, se posa à moins d’un mètre de Bouba. En face de lui. C’était un gros volatile, et on sentait une certaine assurance à son regard. L’oie avait vu Bouba, mais ne semblait pas avoir peur de lui. On dirait même qu’elle le toisait. Je crois qu’elle fit même peur à celui-ci, qui interpella le grand jules « Julot, y a un ici « lui cria –t- il.

L’Oie fit un bond et s’envola d’un tire-d’aile. Le grand jules lui envoya un projectile de sa lance–pierres mais le manqua. Aussitôt, il se mit à crier sur Bouba « Pourquoi, as-tu crié ? ».

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Et Bouba de répliquer « Mais, j’ai parlé en Français ».

Jules, énervé, « Tu as crié, ça l’a fait fuir, je pouvais bien l’abattre »

Jules criait de plus en plus, Bouba était vraiment dans ses petits souliers. Je me mis tout de suite à le défendre « Si, mais, Jules, il a parlé en Français ».

Jules « Pourquoi l’oie a donc fui ? »

« Je sais pas, mais, il a bien parlé en Français »

Nous faisions face au grand Jules, qui, un peu désarçonné, concéda que Bouba avait bel et bien parlé en Français. Il faut dire que c’était pas trop une lumière. L’affaire se compliquait dans sa tête. Il évacua le tout, par un « C’est pas grave, on trouvera bien autre chose ».

Ce jour-là, en rentrant de la forêt, on avait tous en tête ce bel oiseau qui nous avait échappé, et pourtant Bouba avait bien appelé en Français le grand Jules.

Qu’est-ce qui l’avait fait fuir ?

Nous ne pouvions imaginer une oie qui comprenait Français. « Jules, y a un , ici « et elle fuit….

Si Bouba avait appelé le grand Jules en Wolof, on pourrait comprendre. Mais, bon..

Comme l’avait promis le grand Jules, on avait eu autre chose. Trois grands pigeons de brousse. Peut-être qu’eux, ne comprenaient pas le langage des lance-pierres.

Quelle malchance !

L’Oie, elle, comprenait Français, c’est ce qui l’a sauvé.

 

ALIOUNE NDAO

Alioune Ndao
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