« Une loi n’est pas toujours obligatoire; elle peut toujours être changée par une autre loi : contrairement à cela, la morale est permanente; elle a sa force en elle-même, parce qu’elle vient de l’ordre immuable; elle seule peut donc donner la durée ». Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, t. II, p. 209.
Monsieur le Président de la République,
Il me plait d’aborder, pour la onzième fois, la réforme des Institutions en m’entretenant avec son Excellence Monsieur le Président de la République dans les mêmes formes que celles du 1er février 2013.
Il y a trois ans, je vous demandais de soumettre au peuple, par la voie du référendum, votre projet de révision constitutionnelle. Mais, aujourd’hui, je vous supplie de surseoir à la consultation parce que les préliminaires sont faussés et la quintessence est perdue.
Excellence, la révision constitutionnelle que vous avez annoncée le 31 décembre 2015 et déclinée en quinze (15) propositions ne permettra pas de traduire votre engagement, maintes fois réitéré, de réduire la durée du mandat du Président de la République, votre mandat en cours.
La voie empruntée, celle prévue par l’article 51 de la Loi fondamentale, vous obligeait, ne serait-ce que par élégance républicaine, à respecter l’autorité morale que renferme l’avis du Conseil constitutionnelle. Pourtant, d’éminents juristes, parmi lesquels le Professeur Babacar Guèye, vous avaient suggéré de passer par l’article 103, spécialement dédié à la révision constitutionnelle, pour contourner la difficulté.
Excellence, le 16 février 2016, vous avez bien voulu vous adresser, encore une fois, à vos compatriotes, pour les tenir informés de l’évolution de la procédure.
Ainsi avons-nous retenu que les juges du Conseil constitutionnel, dans leur délibéré, ont émis des réserves notamment à l’application de la réduction du mandat en cours du Président de la République, au motif que le libellé de l’article 27 nouveau contenu dans votre projet de révision constitutionnelle n’est conforme ni à l’esprit de la Constitution, ni à la pratique constitutionnelle.
En conséquence, vous avez choisi de vous aligner sur la « décision » des cinq Sages en retirant la disposition susvisée du projet initial même si un décret vous aurait permis de convoquer le référendum en contournant en toute légalité leur avis. Tout citoyen animé de bonne foi devrait admettre cette posture légale et conforme à l’exigence de la crédibilité de nos institutions, gage de la préservation de la démocratie et de l’Etat de droit.
Cependant, Excellence, vous en conviendrez, il s’avère toujours que votre mandat en cours ne saurait être comptabilisé dans les deux mandats consécutifs de cinq (5) ans auxquels vous aurez droit après l’adoption du texte soumis au référendum à condition que vous insériez, dans les dispositions transitoires, une clause qui inclue le premier mandat de sept (7) ans. Or, par ce procédé, vous ne respecteriez pas le principe de la non-rétroactivité, lequel vous a été signifié, en l’espèce, par le Conseil constitutionnel.
Dès lors, admettons la complexité de l’équation posée et qu’il vous reviendra de surmonter dans le respect des critères de normativité d’une loi, bien connus des légistes : validité, légitimité, efficacité, efficience.
Monsieur le Président, une limitation du nombre de mandats consécutifs qui renferme le septennat en cours serait-elle conforme au 26e considérant du Conseil constitutionnel – (Décision n°1/C/2016 du 12 février 2016) « que, pour la sauvegarde de la sécurité juridique et la préservation de la stabilité des institutions, le droit applicable à une situation doit être connu au moment où celle-ci prend naissance » ?
Après avoir prêté serment sur la Constitution, ce principe de sécurité juridique vous a-t-il empêché de supprimer le Sénat du même texte constitutionnel causant ainsi un préjudice aux membres de cette institution ?
Auriez-vous envisagé, entre-temps, d’introduire l’applicabilité immédiate de la réduction à cinq (5) ans du mandat présidentiel dans les dispositions transitoires, en même temps que la limitation du nombre de mandats consécutifs qui tienne compte du septennat en cours ?
Monsieur le Président de la République, au vu de ces considérations et par la nécessité de préserver l’honneur de la République, la cohésion nationale ainsi que la stabilité sociale et politique de notre cher pays, il me semble plus judicieux de bien vouloir accepter de reprendre la procédure de révision constitutionnelle et d’engager de larges concertations avec la classe politique et toutes les forces vives de la nation afin d’arriver aux consensus nécessaires sur la démarche et le contenu du projet de réforme constitutionnelle.
Sachez, Excellence, que vous ne devez engager seul, avec vos partisans, cette phase de prolongation ; le peuple souverain, disposé à vous y accompagner afin que le Sénégal remporte le tournoi de la démocratie, serait votre meilleur allié. Et les forces vives qui vous adjurent de les écouter réclament aussi que vous les associiez aux préliminaires !
Souvenez-vous du tourbillon de 1969 en France déclenché lors du référendum initié par le Général De Gaulle. Aussi auriez-vous retenu la belle leçon d’histoire politique : perdre le pari politique et préserver son honneur et sa dignité.
Voilà l’histoire des grands hommes ! Le rendez-vous du 3 avril 2016, nous édifiera.
Je prie vous prie d’agréer, Excellence, Monsieur le Président de la République, l’assurance de ma très haute considération et mes salutations les plus patriotiques.
Sénégal, le 23 février 2016
Ndiaga SYLLA, Membre du GRADEC, codelectoral@gmail.com
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