Je fais partie de ceux qui ne comprennent pas, jusqu’ici, l’urgence qui a présidé à la précipitation à convoquer un référendum au 20 mars. L’importance des questions soumises à la révision, dont certaines vont relever un caractère » intangible », mérite une adhésion populaire et sociale non entachée d’enjeux politiciens ou autres agendas cachés.
Et à cet égard je pose, en profane, la question de la Constitutionnalité de la notion d’intangibilité. Il est tout de même étonnant d’user d’une faculté (la révision ) pour s’arroger le droit de dénier cette capacité à ses successeurs! L’intangibilité étant la qualité d’une loi que l’on ne peut changer, le point 15 de la révision propose:
» L’intangibilité des dispositions relatives à la forme républicaine, à la laïcité, au caractère indivisible, démocratique et décentralisé́ de l’Etat, au mode d’élection, à la durée et au nombre de mandats consécutifs du Président de la République.
Au nom de quel principe éthique, philosophique, moral, religieux ou tout simplement de bon sens, des humains, par définition mortels, peuvent-ils prétendre édicter des lois frappées du sceau de » l’intangibilité » ? Toutes les dispositions visées par ce point de la révision sont des mécanismes ou principes institutionnels datés dans l’Histoire. Ils se sont substitués, à un moment ou à un autre, à d’autres mécanismes et principes. Ainsi va la vie des États, des Institutions et des humains qui naissent, grandissent et…périssent. Au demeurant, la notion même de désuétude vient, naturellement, à bout de dispositions que leurs initiateurs croyaient inscrites dans la pierre. La Constitution, œuvre humaine, est perfectible à l’infini. Ses fondements mêmes peuvent être ébranlés : La France, notre modèle, était un Royaume. Elle est devenue République. Qui sait ce qu’il en sera dans cent ans? Et nous? Republique depuis soixante ans à peine! Qui peut avoir la prétention d’empêcher les générations à venir de se doter d’une autre forme institutionnelle? Avec des mécanismes nouveaux? Des valeurs en conformité avec leur temps?
Je pose humblement, mais solennellement, ces questions aux membres du Conseil Constitutionnel du Sénégal. Au nom du droit de réponse dû aux citoyens en doute.
A moins d’une réponse claire, je resterai convaincu qu’il est anticonstitutionnel sinon amoral, de poser un verrou juridique sur l’avenir de notre Peuple car, les prochaines générations peuvent souhaiter gouverner AUTREMENT ce pays dont nous ne sommes, quant au fond, que les usufruitiers.
Amadou Tidiane WONE
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