Quand le mensonge et la duplicité sont exaltés et idéalisés dans une société, il n’y a plus de raison d’espérer une quelconque avancée pour cette société. La vérité n’est pas seulement une norme du discours, ni même une simple exigence morale : elle est la valeur cardinale qui rend possibles toutes les autres valeurs, l’exigence fondamentale pour toute entreprise rationnelle, pour tout acte posé par un être rationnel ; bref la vérité est le fondement de toute vie sociale viable.
Un homme a fait une promesse historique qu’il a répétée et psalmodiée sur tous les toits du monde, il y a tiré le maximum de profit et de gloire personnelle : à l’arrivée il s’est débiné de façon absolument astucieuse. Macky Sall a fait un jeu de dupes et il a été dupé par le Sénégalais. En organisant ce référendum de façon si brutale et si précipitée, il a voulu faire oublier sa forfaiture. Il voulait que les citoyens ne délibèrent plus sur son «wax waxeet» (reniement) parce qu’ils devraient désormais être occupés par un débat stérile sur des articles ambigus ou sans portée démocratique.
Les grands manipulateurs excellent dans la stratégie de déplacement de la problématique : ce à quoi s’attendaient les autorités par un référendum aussi absurde n’est ni plus ni moins qu’un déplacement de la problématique. Macky Sall a fait des Sénégalais des instruments et de notre démocratie un marketing politique international. Il a voulu vendre notre vitalité démocratique pour se payer une aura mondiale, mais ses intrigues ont été débusquées. Rien que la faiblesse extrême du taux de participation malgré l’engagement personnel du Président et l’achat ostensible des consciences érigé en mode de gouvernance, le référendum a échoué en tant que référendum. Dans un pays qui se nomme Sénégal, une forfaiture pareille ne pouvait pas rester impunie : nous héritiers de Lat Dior Diop, de Aline Sitoé et des autres martyrs de la liberté, avions le droit de dire Non à la félonie.
Nous ne pouvions pas souiller la mémoire de nos aïeux, déchoir la dignité pour des raisons pécuniaires, abdiquer de notre statut de souverain inaliénable et indivisible, engager notre descendance dans l’ambiguïté de combines politiques dont les ficelles sont en partie tirées de l’étranger. L’imposture a des limites, même si elle peut prospérer un temps relativement long dans les consciences. Il faut toujours du temps à la vérité pour s’imposer, car son temps n’est pas celui des intérêts et passions. Les passions sont les bras de l’histoire, mais elles n’en sont pas le cerveau : c’est ce qui fait qu’elles sont généralement usurpées par les causes sournoises. Les révolutions sont souvent parasitées par ce genre de virus que sont les causes sournoises : il faut toujours du temps à toute révolution pour épurer les parasites. Les Français hier, les Egyptiens aujourd’hui ont été obligés d’extirper le virus de l’imposture dans le corps de la vraie révolution. C’est ce qui fait que toutes les révolutions ont donné l’impression de bégayer : c’est parce que le but de la révolution est parfois dévoyé ou noyé dans des combines impopulaires. Quelque chose a été enclenché au Sénégal il y a 4 ans, mais détourné par des entrepreneurs politiques : il est temps que le Peuple reconquière sa souveraineté et réoriente sa révolution.
Macky a perdu le référendum même si les chiffres sont en faveur du Oui et il le sait. Il sait que sans l’argent et la corruption de certaines, les Sénégalais se détourneraient de ses pseudo-réformes. Il sait que le Peuple ne lui fait plus confiance, car si en quatre ans seulement, il est contraint de débourser autant d’argent pour remporter un référendum, il n’est plus légitime. Il sait que les Sénégalais ont compris sa forfaiture et qu’il est le Président sénégalais le plus impopulaire en l’espace de quatre ans seulement. Gouverner les hommes malgré eux a un nom : c’est la tyrannie. Qu’elle passe par l’intimidation, l’achat des consciences ou la persécution des opposants, c’est toujours de la tyrannie.
Alassane K. KITANE
Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès
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