Senexalaat - Opinions, Idées et Débats des Sénégalais
Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Le Sénégal, La République Des Marabouts

Le Sénégal est passé par plusieurs étapes, souvent très douloureuses, avant d’accéder à la souveraineté internationale en 1960. Précisément dans la nuit du 19 au 20 août 1960 avec l’éclatement de la Fédération du Mali.

Le chemin a été long et parsemé d’embuches avec son lot de morts, de déportés, d’exilés, de disparus, entre autres. Tels des damnés de la terre, notre peuple a vécu l’esclavage avec les arabes, la traite des noirs et la colonisation avec les occidentaux, la sécheresse et plus récemment les ajustements structurels et la dévaluation du Franc CFA.

Sans occulter la triste collaboration de certains chefs de Cantons. Mais quand ces derniers vont perdre leur popularité, les colons vont jeter leur dévolu sur les marabouts, qui avaient le contrôle du monde rural. On croyait alors sorti de l’ornière. Hélas ! Nous allons tomber du Charybde en Scylla.

Puisqu’à partir de 1946, avec l’extension du suffrage à toute la population sénégalaise, l’influence des marabouts va prendre une certaine ampleur. L’élargissement du droit de vote au monde rural mettra davantage en exergue leur rôle, qui se manifestera d’ailleurs dans l’opposition entre Léopold Sédar Senghor et Lamine Guèye.

D’aucuns se posent encore la question de savoir, comment Senghor, qui était perçu comme «l’homme de l’Eglise, l’apôtre du cléricalisme militant» a réussi à prendre le dessus sur Lamine Guèye, qui était pourtant présenté comme «un bon musulman préoccupé des intérêts de l’Islam».

Comme Senghor, Abdou Diouf bénéficiera à son tour de l’apport des marabouts.

Toutefois, l’ancien secrétaire général de la Francophonie, le dernier à avoir bénéficié d’un «Ndiguel» clairement déclaré, ne se laissera pas dominer par les guides religieux. Il a toujours tenu à la démarcation entre le temporel et le spirituel. Ce qui a entraîné souvent une séparation de corps entre les deux entités. Mais le divorce ne sera jamais prononcé.

A LIRE  La prison de Reubess : la faillite d’un système de répression

Au contraire ! Puisque sous Abdoulaye Wade, la République va complètement s’agenouiller. Machiavéliste dans tous ses faits et gestes, le pape du Sopi finira par installer des relations clientélistes jamais égalées dans notre pays.

Passeports diplomatiques, mallettes d’argent, exonérations, amnisties fiscales, vastes concessions de terres tirées souvent des forêts classées, des voitures, des villas etc.

Dans cet échange de bons procédés entre les politiciens et les marabouts, c’est un secret de polichinelle de voir ces derniers imposer des ministres dans le gouvernement, des directeurs généraux, ou des députés à l’Assemblée nationale, contre le vote des talibés et de leur mobilisation dans les tournées politiques.

Dès son accession à la magistrature suprême, le 25 mars 2012, Macky Sall va tenter de freiner l’hémorragie. En vain ! Il se fera vite rattraper par les tares léguées par ses prédécesseurs. De peur de passer comme l’ennemi des chefs religieux, le Président Sall invente le plan de modernisation des cités religieuses et déverse des milliards dans ces villes.

Mais au-delà des infrastructures (assainissement, eau, routes), les marabouts restent friands de visites privées ou publiques. Sans occulter les cérémonies officielles. C’est à ces occasions que l’argent des contribuables sénégalais va couler à flot pendant que les «Gorgorlu», eux, crèvent la dalle.

Il est d’ailleurs très fréquent que des gouverneurs (représentants de l’Exécutif au niveau local) soient éconduits, comme de vulgaires délinquants, par des chefs religieux, qui exigent la présence du ministre de l’intérieur, du Premier ministre, voire du président de la République dans la cérémonie officielle de leur «Ziarra», «Gamou» ou autre «Magal».

A LIRE  Tais-toi, petit Sonko ! (Par Samuel Sarr)

Pour beaucoup d’entre eux, ces moments sont devenus des traitres pour se remplir les coffres-forts. Tout ceci, dans une opacité totale. D’où la multiplication des cérémonies religieuses à une vitesse exponentielle.

Si l’année compte 365, ¼, il faudrait se demander s’il n’y aurait pas au Sénégal plus de 400 manifestations religieuses. Après les Chefs de Cantons, nous voilà dans la République des marabouts. Reste maintenant à savoir qui sera capable de mettre un terme à un de ses goulots qui étranglent le Sénégal.

 

Abdoulaye Thiam

 

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *