Cette contribution n’est une réclame et encore moins un texte de propagande mais juste un constat que l’histoire du Sénégal refusera forcement d’omettre. Karim Wade est devenu incontournable dans le «who’s who» des personnalités les plus marquantes de la vie publique. Il charrie toutes les passions, qu’elles soient positives à son endroit, ou, au contraire, révélatrices d’un potentiel électoral qui fait peur.
Dans le premier cas, il engrange de bons points liés au fait qu’il symbolise la vision, l’énergie et les forces de proposition qui faisaient la marque de fabrique du régime de son père ; Il est aussi le prototype du présidentiable qui va bénéficier de la fameuse «prime au supplicié» que les électeurs sénégalais accordent systématiquement aux leaders poussés vers le bûcher par le régime en place. Les Sénégalais ont de la sympathie pour ceux qu’ils croient victime (s) d’une injustice.
Dans le second cas de figure, ses détracteurs recherchent chaque jour à convaincre de sa culpabilité. Ils se sont jetés sur l’affaire des «Panama papers» pour administrer à l’opinion du valium pour faire oublier la pré-condition à une condamnation: des preuves. Ils découvrent avec effarement que l’homme gagne en popularité, que des franges de plus en plus importantes de la population voient en lui une alternative crédible à ce qu’ils voient se dérouler sous leurs yeux mouillés par des larmes de déception et le cœur meurtri par la déception qui les habite.
Le Pds, principal parti de l’opposition, en a fait son candidat à la prochaine présidentielle ; les mouvements de soutien en sa faveur se multiplient, la moindre des audiences (pas visites car la nuance est importante) qu’il accorde à ses visiteurs fait les choux gras de la presse. Pas fous pour un sou, les éditeurs de presse ont si bien compris le sens du vent que les «unes» de leurs journaux ont installé une pavlovienne « karimania » dans l’esprit de leurs lecteurs. La moindre ampoule de lampe grillée dans sa cellule de Rebeuss fait l’objet de commentaires, sans oublier les arcs-en-ciel qui illuminent de temps à autre le ciel du «dossier Karim Wade», comme cette abracadabrantesque «médiation» du Qatar pour le libérer. Refus naturel du principal concerné, si l’on se fie aux commentateurs qui suivent son affaire comme, de l’autre côté, on reprend les mauvaises habitudes ! Bref, pire qu’un caillou dans la paire de babouches du premier d’entre nous, c’est une poutre dans l’œil des vainqueurs de mars 2012.
Trois années se sont écoulées depuis que Karim Wade purge stoïquement la peine qui lui a été infligée par une juridiction d’exception. Qu’on l’aime ou pas force est de reconnaitre, qu’au finish, Karim Meissa Wade a la baraka d’engranger de plus en plus de potentielles voix, sans bouger de sa prison. A qui la faute ? On a créé une bête politique, une machine électorale et un recours pour bon nombre de ses compatriotes désemparés par une conjoncture moribonde, des chiffres sur l’économie qui ne correspondent nullement au vécu des populations, l’absence de perspective, et la lenteur dans la prise de décision propre aux leaders qui peinent encore croire qu’ils sont au pouvoir. Ils sont dans la contemplation ; la jouissance des ors du pouvoir et l’obsession d’un second mandat.
Ce métis qui a connu une enfance et une jeunesse plutôt heureuse et dont les troubles souvenirs ont été effacés par la victoire historique du Président Wade en 2000, aura finalement connu tous les succès.
Unique fils de WADE…
Le président Wade, figure emblématique de la politique africaine est à jamais gravé dans les mémoires. Nonobstant d’être son fils, le célèbre détenu a la lourde charge d’assumer l’héritage politique.
PARCOURS FULGUREUX…
Il connaît le monde de la Finance, les arcanes des lieux de décision sur l’international, les affaires gouvernementales dans des domaines stratégiques. Il reçoit, sans distinction de rang ou d’origine et l’on vient d’apprendre qu’il converse avec ses hôtes dans un Wolof châtié, une ancienne tare qui figurait en bonne place dans le réquisitoire élaboré par ses adversaires pour le couper de ses bases affectives. Bref les faits sont constants : Karim Wade a percé !
Beaucoup d’hommes politiques évoquent, parmi leurs plus grands regrets, le fait de n’avoir pas pu faire profiter leur succès à leurs parents directs. Ce ne fut pas le cas pour Karim à l’endroit de qui le président en exercice avait alors lancé : « je dirais à ta maman que tu as bien travaillé ! » Là se mêlent l’affection paternelle, les félicitations d’un chef à son subordonné et une certaine incitation à l’innovation et le succès dans les entreprises. Mais qui ne veut rien voir ne verra rien ! La haine voile les cœurs et annihile les esprits.
Il a été défendu par le président Abdou Diouf qui déclarait, que le portefeuille qu’il a eu à diriger en tant que ministre du Plan fut plus volumineux que le département du ministre d’Etat chargé des Infrastructures, de la Coopération internationale, des Transports aériens et de l’Energie. L’ancien président invitait même les Sénégalais à «relativiser» leurs critiques contre la taille du ministère de Karim Wade même si l’adversité entre l’ancien secrétaire général de l’Oif et le « Pape du Sopi » restera dans les annales.
KARIM LA SURPRISE !
Le samedi 30 juin 2012, contre toute attente, Karim Wade rentre au Sénégal et reçoit sa convocation par la section de recherche de la gendarmerie nationale. La suite est connue. Il en profitera pour se créer une virginité politique.
Celui qui avait du mal à rassembler le monde autour de lui devient le chouchou du peuple ; un bain de foule lui est réservé à chaque audition. L’opposant Karim Wade devient populaire d’avantage chaque jour d’avantage et, manifestement, il y prend gout ! Il a compris, comme disait l’autre, que la prison est un raccourci vers le pouvoir. Tout ce que ses précédentes positions dans le dispositif de son père ne lui avaient pas permis d’avoir, il l’obtient gratuitement, sans claquer les doigts !
Il n’est plus seulement le fils d’Abdoulaye Wade, mais l’espoir d’un peuple, n’en déplaise à ceux qui peuvent voir le soleil à midi, au cœur de la saison sèche.
Le 17 avril 2013 Karim Wade est incarcéré à la MAC de Rebeuss. Cette date est marquée dans l’histoire car elle est l’anniversaire de la rencontre entre Cheikh Bethio Thioune et Serigne Saliou Mbacké d’une part ; et la rencontre entre Karim Wade et Cheikh Bethio puisque ce dernier retrouve la chambre dans laquelle le guide des « Thiantacones » a séjourné quelques temps auparavant.
Le plus dur pour un prisonnier c’est de penser à sa famille ; quand il en a une, qu’il laisse dehors sans soutien, sans affection marqués physiquement
Encore une fois Karim le chanceux est épargné; son épouse est décédée, et ses enfants trop jeunes pour réellement comprendre ce qui se passe, sont entre les mains de leurs grands-parents. Alors que lui reste-t-il à faire ? Prier, lire, méditer et faire du sport ; Recevoir des cadeaux des autorités religieuses. Recevoir les visites du sénégalais lambda qui ne pouvait l’approcher naguère. Surtout, se préparer aux joutes électorales qui l’attendent.
Karim entreprend en prison un voyage qu’il n’a jamais eu les moyens de se payer. Un voyage à l’intérieur du Sénégal profond qui défile devant lui au gré du sablier, maître de la peine de six ans de prison
IL ASSUME ET ASSURE…
Le 23 Mars 2015, le verdict tombe, Karim Meissa Wade est condamné en compagnie de deux de ses co-inculpés qui ont eu le tort de compter parmi ses proches ! Sans lui jeter des fleurs, je ne connais pas beaucoup d’hommes qui, après un tel vécu, purgeraient leur peine avec autant de dignité et de réserve. Je suis de ceux qui pensaient qu’il aurait craqué ou bien utilisé les canaux sociaux traditionnels pour négocier une liberté provisoire. Mais non ! Toujours le même sourire aux lèvres et le même calme. Il a compris qu’il est devenu encombrant pour ses geôliers et ne fait rien pour leur faciliter la tâche car son absence physique de la scène politique est compensée par le halo médiatico-politique qui l’entoure maintenant.
Quel que soit le camp auquel on appartient, l’homme Karim Wade ne laisse plus indifférent. Sa bonne étoile a commencé à briller quand on s’est rendu compte que, finalement, le président Wade n’était qu’un prétexte au destin particulier de cet homme. L’avenir est tout tracé ; un avenir, si proche. Aux urnes, citoyens !
Gaspard Kamara