La démocratie sénégalaise est une chorégraphie. Chacun y danse selon ses humeurs et les clameurs publiques. Son espace d’expression est composite et elle se caractérise par l’hégémonie de politiciens professionnels et l’irruption d’amateurs favorisés par une assise sociale, ou par l’acclamation de ruffians spécialistes de la flagornerie.
C’est d’ailleurs la raison de la pléthore de partis et de l’excédent de politiciens qui ne fonctionnent que par la combine et la combinaison. Entre 2012 et 2016, que de partis sont nés ! Et ces partis sont presque tous crées par des vétérans de la politique ou des doyens du public dont l’ambition est de se positionner en épiant le pouvoir et son avoir. Certains sont de simples partis de règlements de comptes. Abdoul Mbaye est bien de ceux-là.
Ce n’est qu’après son limogeage de la primature où il a fait un bref passage qu’il découvre que le Sénégal va mal ! Et en créant un parti, ACT, avec un jeu de calembour pour suggérer des actes à poser, il entre en politicien amateur dans une arène imbibée de politiciens professionnels auxquels il ne veut pas s’identifier.
C’est bien. Mais il ignore que le professionnalisme, même en politique, est plus concluant que l’amateurisme. Et puis, le Sénégal n’est pas en crise, comme il le dit. C’est cette classe politique qu’il rejoint qui est en crise et c’est ce sentiment de crise qui constitue la crise elle-même. Aucun parti politique ne s’est encore montré capable d’apporter les réponses aux problèmes de notre temps.
La démocratie au Sénégal n’a point permis d’atteindre un niveau de développement national à l’honneur des acteurs politiques. Et Abdoul Mbaye les regagne. Mais arrivera-t-il à répondre à la question de notre vie ou de notre mort en faisant plus qu’eux ? C’est à voir. De son parti, en tout cas, comme des autres partis, n’émane aucun grand dessein ni aucun projet d’avenir à l’échelle de notre temps.
Tous ces politiciens ne font que fulminer, attendant des élections qui obéissent à la loi marécageuse de l’entropie politique pour jouir d’une sinécure et ou jeter du sable sur le couscous du vainqueur. Abdoul Mbaye a été présenté son ACT dans une salle hôtelière hélas archi-vide où il a plus formulé de diatribes que de propositions. Sans le savoir, il vient s’inscrire dans la faillite du système partisan sénégalais. Et pour cause ! Senghor créait un État avant de le céder à Diouf qui ne faisait que l’administrer.
Wade s’érigeait en bâtisseur doublé de prédateur. Macky maintient cette continuité avec un triomphalisme solitaire. Tous ces quatre Présidents contrastent avec la prise de conscience des Sénégalais de l’absurdité du jeu politique où aucun parti n’a le génie de prendre en main le destin national par une autodétermination des fins et une autogestion des moyens.
Avant Abdoul Mbaye, d’autres politiciens, amateurs comme lui ou professionnels comme les condottieri qui valsent d’une prairie à une autre, ont annoncé un Grand Soir. Mais ils finissent tous vers le chaos du reniement, de l’abdication et du viol de serment. Et cela n’arrive toujours aux politiciens amateurs qui se voient obligés de rejoindre des politiciens professionnels par l’incontournable nécessité des alliances ou des coalitions. Et ils prétendent être différents d’eux. En politique, le Messie n’a vraiment donc pas encore émergé au Sénégal.
Le Piroguier