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Ces NÉo-politiciens Qui Mettent La Pression Aux Professionnels

Le 24 février 2019, la confrontation entre les cinq candidats retenus par la Cour constitutionnelle ne se fera pas seulement au niveau des programmes, elle se fera certainement sur le terrain de la conception de faire la politique qui aura le mieux séduit au point d’emporter le vote des électeurs.

Une nouvelle manière de faire la politique ?

Il faut dire que dans l’esprit du public, Ousmane Sonko et El Hadj Issa Sall qui viennent de débarquer dans l’arène politique sont perçus comme des novices contrairement à leurs trois autres concurrents, qui ont plutôt l’image de politiciens professionnels forts des postes ministériels qu’ils ont occupés dans différents cabinets, et même de la présidence de l’Assemblée nationale et de la magistrature suprême pour le cas de Macky Sall.

Le Pr Issa Sall, docteur en informatique et président de l’université du Sahel, et Ousmane Sonko, inspecteur des impôts récemment radié et depuis député, n’ont en effet intégré le champ politique que très récemment.

Ces néo-politiciens, comme on les appelle au Sénégal, prônent une nouvelle manière de faire de la politique. Ils appellent à la rupture et à un changement fondamental dans la manière de conduire les affaires de la cité.

Haro sur les pratiques d’avant

Jusqu’ici en effet, les acteurs de la scène politique sénégalaise étaient tous issus de trois ou quatre courants politiques : celui des socialistes, celui des libéraux et ceux de la gauche communiste.

Par des jeux d’alliances et d’ententes nouées à travers des coalitions, ils ont trusté le pouvoir politique pendant des décennies. Concrètement, il s’est agi d’un partage des privilèges entre cette classe politique et une minorité de la population. Pour les néo-politiciens, ces pratiques doivent être révolues.

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Sortir de la zone CFA

Ousmane Sonko est par exemple partisan d’une renégociation des accords que l’actuel gouvernement a passés avec certaines entreprises pétrolières. Le leader du parti dit Pastef-Les patriotes veut aussi que le Sénégal quitte la zone du franc CFA. À noter que jusqu’à présent, aucun autre candidat avant lui n’avait osé faire une telle déclaration. En réalité, il s’agit d’une remise en question des fondements mêmes de la relation que le Sénégal entretient avec la France, plus que jamais regardée comme l’ancienne puissance coloniale.

Séparer les pouvoirs

Pour ce qui est d’El Hadji Issa Sall, candidat du Parti de l’unité et du rassemblement (PUR), il importe de penser autrement le statut du président de la République. Une fois élu président, il promet de faire voter une loi qui établira clairement une frontière entre les trois pouvoirs que sont l’exécutif, le législatif et le judiciaire. En vérité, ce qu’il dénonce par là, c’est le fait que les pouvoirs importants que la loi actuelle accorde au président de la République lui donnent la possibilité de faire passer à l’Assemblée nationale toutes les lois qu’il veut. Il en est de même dans le fonctionnement de la justice. Les pouvoirs dont dispose le président de la République lui donnent la possibilité d’influer sur le fonctionnement de celle-ci.

Se rassurer sur l’indépendance de la justice

Le traitement réservé aux deux candidats, potentiels rivaux de taille du président Macky Sall à cette élection présidentielle, en l’occurrence Karim Wade et Khalifa Sall, a laissé planer le doute sur l’indépendance des magistrats qui ont eu en charge leurs dossiers. En bout de course, El Hadji Issa Sall promet aussi, s’il est élu, de mettre fin à la possibilité donnée au président de la République de pouvoir aussi être président de son parti.

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Ces réformes qui sont prônées par ces néo-politiciens ne sont pas en réalité nouvelles. Elles sont bien inscrites dans les conclusions des Assises nationales que l’actuelle majorité présidentielle avait organisées avant l’élection présidentielle de février 2012.

Des approches différentes semées aux législatives

Il y a donc là deux visions de la façon dont on doit exercer le pouvoir politique dans ces joutes électorales. La bataille a commencé depuis les élections législatives de juillet 2017. Elle est devenue cependant beaucoup plus visible après l’étape de la validation des candidatures par le Conseil constitutionnel.

Au sortir de ce choix, en effet, les choses sont devenues claires. Les deux camps se distinguent carrément. Tous les candidats considérés comme des politiciens professionnels recalés au niveau du parrainage sont allés rejoindre, soit Macky Sall ou Idrissa Seck, les deux autres candidats bénéficiant du soutien des autres recalés et considérés comme des néo-politiciens. Ainsi, l’architecte Pierre Goudiaby Atepa a décidé d’apporter son soutien à Ousmane Sonko, de même que l’ancien directeur général des douanes, Boubacar Camara.

Une campagne électorale d’un nouveau type

La campagne électorale actuelle va donc au-delà de la bataille pour une troisième alternance ou bien une victoire au premier tour du candidat de la majorité présidentielle. Elle est le champ d’une bataille entre les partisans de la continuité dans la manière dont on fait de la politique depuis les indépendances et une rupture totale avec des réformes fortes surtout dans le mode de gouvernance. Dans cette confrontation sans doute très difficile pour les néo-politiciens, parce que minoritaires dans le landerneau politique, ceux-ci pourront compter sur une population largement déçue par les politiciens professionnels. Le tollé constaté sur les réseaux sociaux à la suite de la décision prise par Aissata Tall Sall, une forte figure de l’opposition, de rejoindre la majorité présidentielle, après avoir été recalé par le Conseil constitutionnel, est sans doute une parfaite illustration de ce dépit. Cela dit, au-delà de ces considérations, la question est de savoir si les populations adhéreront suffisamment aux thèses des néo-politiciens pour leur prmettre de faire mouche. Premier (et dernier ?) épisode : le 24 février, au premier tour de la présidentielle.

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