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Précisions Sur L’affaire Bictogo

Précisions Sur L’affaire Bictogo

J’ai été particulièrement outré par des propos qui auraient été tenus par Adama BICTOGO, non démentis à ce jour, et rapportés par l’Observateur dans sa livraison du 25 mai 2016, et par lesquels il déclare que le Premier Ministre de l’époque, moi en l’occurrence, aurait acquiescé à toutes les étapes du processus de signature du contrat passé entre sa société et l’État du Sénégal relatif aux visas d’entrée au Sénégal.

Les vraies questions que se posent les Sénégalais suite au scandale de l’indemnisation de sa société sont éludées, et il cherche ainsi à créer un amalgame visant d’une part à m’associer étroitement au choix de sa société comme concessionnaire, et d’autre part à me présenter comme ayant décidé des modalités de mise en œuvre de son contrat.

Rappelons donc les faits à sa mémoire.

1-Je n’ai reçu Mr BICTOGO seul en audience qu’une seule fois, à sa demande, le 23 novembre 2012. J’étais Premier ministre de la République du Sénégal. La qualité d’ancien ministre ivoirien qu’il avait annoncée l’a dispensé de préciser l’objet de sa demande d’audience auprès de mon secrétariat. Au terme de notre entretien qui fut fort bref, je n’ai retenu que son souci de me faire savoir qu’il était un ami très proche de Monsieur le Président de la République Macky SALL. Nous n’avons pas abordé ce jour là la question de visas à instaurer conditionnant l’entrée sur le territoire sénégalais. Quelque peu surpris par le personnage, et m’étant ensuite renseigné sur les raisons de son départ du Gouvernement de la Côte d’Ivoire, je ne le reverrai plus jamais seul. Nous nous retrouverons par contre une seule autre fois en réunion de travail élargie le 28 juin 2013.

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2- C’est Monsieur le Président de la République qui m’a fait part de sa décision d’instaurer un visa à l’entrée du Sénégal pour des raisons de sécurité. Il était dans son rôle. Le nôtre était de faire en sorte que les procédures soient respectées et que le secteur du tourisme soit le moins atteint par cette mesure.

3- A la suite de cette décision de l’Autorité, j’ai immédiatement convoqué une réunion technique interministérielle à l’issue de laquelle un groupe de travail technique placé sous la présidence de mon directeur de cabinet eut la charge de faire des propositions urgentes consistant à faire délivrer un visa peu coûteux et par une procédure la plus simplifiée possible. Le souci consistait à ne pas compromettre l’entrée de touristes au Sénégal, alors que la stratégie de relance de l’économie de notre pays reposait principalement sur celle du tourisme, après la recherche d’une résilience agricole.

4- Ce groupe de travail attira l’attention sur les dispositions légales à réaménager, et proposa un visa coûtant 625 fcfa (moins d’un euro) sous la forme d’un autocollant sécurisé à apposer sur une page de passeport présenté à l’entrée sur le territoire sénégalais. Le prix du visa, avec en sus une marge modeste sur son coût, pouvait donc être fixé à un niveau raisonnable d’une part, et la procédure de son octroi à l’entrée du territoire n’avait pas un caractère dissuasif. Ces propositions furent présentées à l’Autorité sans suite.

5- Un contrat dit de « concession » fut ensuite signé avec la société SNEDAI par une autorité ministérielle sans avoir reçu au préalable l’approbation du Premier ministre. La procédure de délivrance du visa était particulièrement complexe. Son coût était particulièrement élevé puisque s’établissant à 50 euros prélevés par la société SNEDAI, charge à elle d’en reverser 25 à l’État du Sénégal.

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6- Le contrat déjà signé, et constatant que des engagements avaient déjà été pris avec des tours operators pour la saison touristique à venir excluant cette donnée financière nouvelle, j’ai reçu instruction d’organiser une séance de travail avec les Ministres concernés et Mr BICTOGO. Cette réunion qui eut lieu le 28 juin 2013 a abouti à un réaménagement qui permit de dispenser du paiement des frais de visa les clients des tours operators pour la saison touristique déjà engagée, et d’éviter la catastrophe immédiate d’annulation de réservations pour la saison 2013-2014. Par ce réaménagement, le manque à gagner justifié par les visas effectivement délivrés à titre gracieux devait être compensé, mais seulement à l’échéance du contrat et non par sa prolongation comme il l’affirme.

J’ai alors demandé au Ministre en charge du tourisme d’assurer le suivi de l’évolution des entrées et de la fréquentation hôtelière. Il était important pour moi de disposer des arguments statistiques certains qui pourraient, si nécessaire, faire remettre en cause objectivement cette décision d’instauration de visas et surtout les modalités de sa mise en œuvre.

7-En Août 2013, je reçus un contrat dont la signature m’était demandée dans le cadre d’une procédure dite de « gré à gré », dérogatoire à la réglementation portant passation de marchés publics. Ce marché dispensait la société SNEDAI du reversement des 25 euros dus à l’Etat du Sénégal par la société SNEDAI avec pour contrepartie la construction et la réhabilitation de préfectures et de gouvernances sans autre précision. J’ai bien entendu renvoyé le contrat au Ministre initiateur en lui demandant de faire préciser le nombre de bâtiments concernés, leur localisation, de livrer tous les plans requis, les cahiers de prescription technique, etc.

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Il fut mis fin à mes fonctions quelques jours plus tard…

Tels sont les faits.

Mais puisque Adama BICTOGO semble si disposé à parler, qu’il réponde aux Sénégalais sur l’essentiel, et donc aux questions simples qui sont les suivantes :

Qui a signé le contrat SNEDAI / République du Sénégal portant « concession » d’un système de visa, et en vertu de quelles dispositions légales et règlementaires autorisant une telle signature?

A-t-il oui ou non reversé au Trésor public du Sénégal la contrepartie « contractuelle » des 25 euros par visa ? Si oui, jusqu’à quelle date et sur la base de quels justificatifs? Si non, pourquoi ?

Comment a-t-il déterminé l’assiette de son indemnisation réclamée à l’État du Sénégal ?

Quels sont les arguments présentés par l’État du Sénégal qui ont permis de limiter l’indemnisation à 12 milliards fcfa ?

Sénégalaises et Sénégalais, et en particulier chers journalistes, intéressons-nous à l’essentiel, et posez donc ces vraies questions.

 

Le 26 mai 2016

Abdoul MBAYE

Ancien Premier Ministre de la République du Sénégal

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