L’âge d’or de l’information n’a jamais existé. Celui du journalisme non plus. Toutefois, il faut convenir depuis que l’information est devenue de la marchandise, on assiste à des dérives de plus en plus inquiétantes pour cette noble profession qu’est le journalisme. N’ayons pas peur de faire notre propre introspection. Entre les journalistes soixante-huitards ou/et post soixante-huitards et ceux de notre génération, le fossé est énorme.
On n’a pas fini de dénoncer certains débordements de nos médias gagnés de plus en plus par le sensationnalisme, l’exploitation des peurs, le stéréotype, l’émotion, la complaisance et le silence que d’autres tares viennent se greffer au tableau déjà noir de récriminations.
Notamment la multiplication des papiers sur commande, synonyme de séisme déontologique, jamais égalé. Sous l’ère wadienne, le régime avait favorisé la promotion de certains organes estampillés proche du Palais. Ils ont tous, ou presque disparu, après la perte du pouvoir des Libéraux, le 25 mars 2012.
Avec Macky Sall, la méthode est plus subtile. Plus efficace. Plus pernicieuse et dangereuse. Dans un article intitulé «l’Art de vaincre», nous écrivions que le Chef d’Etat n’avait plus besoin de s’encombrer de conseillers en communication. Encore moins d’un département de la communication. Il a su profiter de la vulnérabilité des médias et de son accaparement pas des hommes d’affaires, pour faire passer ses commandes, ses ballons de sonde. La connivence est telle, que les citoyens commencent désormais à douter de ce que les médias leur livrent chaque matin. Dans les journaux, les radios, les télévisions. Sans occulter les sites internet.
Le métier est devenu un hobby, les journalistes, eux, des carriéristes. Certains de nos patrons de presse, loin d’être des Patrick Dahi, Bouygues, Dassault, Lagardère, Bolloré, Rupert Mudoch, sont entretenus.
D’aucuns disposent même des indemnités au sein de certains départements ministériels, notamment à «Bercy». D’autres se transforment en renseignements généraux, livrant leur «UNE» à leur «employeur officieux». Sans occulter l’autocensure.
Autant d’agonies qui finiront par déclencher un infarctus qui sera fatal à notre profession.
Pourtant, une mutualisation des forces aurait permis à la presse sénégalaise de s’imposer en Afrique de l’Ouest, voire à l’échelle continentale.
Rien ne justifie la prolifération des organes de presse au Sénégal –plus de 15 quotidiens nationaux –alors que le marché publicitaire est complètement désorganisé. Sans occulter un taux d’analphabétisme qui frôle les 60 % de la population. Il est donc plus que légitime de se poser la question sur la viabilité de nos organes de presse. Surtout face à l’offensive de l’internet qui rend l’information encore plus mobile et encore plus nomade.
Au lieu de s’organiser en créant de puissants groupes de presse afin de s’affranchir de la tutelle des politiques et assurer au public, une information juste et vraie, chaque patron de presse s’arcboute sur 8, 12 voire 24 pages, sa boite à images et son émetteur.
Parce qu’au fond, beaucoup d’organes sénégalais ont la même fonction que des récépissés politiques. C’est juste un moyen de pression sur l’Etat pour entretenir le «géniteur».
Ayant compris le jeu et les enjeux, les tenants du pouvoir s’accommodent de la situation et laissent ce noble métier s’éteindre à petit feu. Ce qui porte un sacré coup au pluralisme et à la démocratie sénégalaise.
Abdoulaye THIAM
sudonline.sn