Les économistes, unanimement, s’accordent sur la nécessité d’un équilibrage des agrégats macroéconomiques de tout Etat. Le Fond Monétaire International (FMI), dans son rapport de mai 2016, vient de citer le Sénégal en exemple. Le taux de croissance de 6,3% et la gestion maîtrisée des finances publiques semblent lui donner une grande satisfaction. Ce résultat se justifierait, pour lui en grande partie de la mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent (PSE), avec l’adoption de réformes institutionnelles qui garantissent la stabilité. Un examen beaucoup plus approfondi de la situation aboutirait à des conclusions tout autres.
halo de la croissance économique
Le taux de croissance économique du Sénégal est estimé à 6,3% lors de ce premier trimestre 2016. Ce taux mesure l’augmentation du niveau de production. Il est boosté en grande partie par le secteur tertiaire et le secteur secondaire. Tous les bons économistes s’accordent pour reconnaître les limites du taux de croissance économique. Il ne constitue pas un bon indicateur de mesure de l’activité économique en ce qu’il n’intègre pas plusieurs aspects tels que la dégradation de l’environnement par exemple. L’émission de CO2 au Sénégal est estimée à 0,6 tonnes métriques par habitant. Récemment, la capitale (Dakar) a été citée comme la deuxième capitale d’Afrique la plus polluée. L’OMS fixe la norme à 20 microgrammes. La capitale est actuellement à 141 microgrammes. La prise en compte réelle de ce seul facteur impacterait de façon négative la croissance économique. Le fait de se préoccuper de la qualité de l’environnement a une influence certaine sur le rythme de la croissance économique. Il est possible pour les décideurs publics de concevoir des politiques qui améliorent l’efficacité économique, et stimulent la croissance économique, tout en limitant les effets néfastes de celle-ci sur l’environnement.
Il existe une panoplie de politiques ou instruments susceptibles d’être adoptés. On peut citer la redéfinition des droits de propriétés (R. Coase), les taxes et les subventions (A. C. Pigou) et la solution du permis négociable. Ce dernier semble être préféré par la majeure partie des économistes de l’environnement, puisque n’entrainant pas des coûts de transaction.
Détresse des conditions de vie des ménages
Le rapport du FMI montre que la plupart des ménages ont accès à l’eau (95,8%) et à l’électricité (96,4). La situation actuelle des ces deux secteurs clés ne permet pas de se réjouir de ces pourcentages. En prenant le secteur de l’eau par exemple des rationnements en quantité et en qualité sont notés partout à Dakar. On note une eau boueuse, colorée et dès fois peu limpide. Des quartiers qui sont situés en hauteur ne reçoivent l’or bleu que pour une durée de trois heures par jour. Il me semble important de mener des recherches sur l’impact des rationnements quantitatifs de l’eau et de l’électricité sur le revenu des ménages. On verrait que les pertes sont énormes. Il n’ya ainsi rien à se réjouir de ces taux d’accès car ils cachent de fortes disparités entre urbains et ruraux, mais aussi au sein même des ménages urbains.
Une grande partie de la population du Sénégal vit dans les zones rurales et exerce une activité agricole fortement dépendante de la pluviométrie. La pauvreté et les conditions de vie déplorables sont telles qu’il y’a aucune raison d’espérer un avenir proche radieux. Le taux de pauvreté se situe à un niveau très élevé, il est estimé à 46,7% (Banque Mondiale, 2015). L’espérance de vie à la naissance est à 66 ans (OMS, 2015). La faiblesse du niveau d’investissement nécessaire pour faire face à ces défis se justifie par une forte présence d’institutions financières étrangères. Ces dernières ne se soucient guère de la prospérité de la nation car uniquement motivées par la rentabilité (Amadou Ali Dieng, 1971). Il urge pour l’Etat de favoriser et de développer les banques nationales. En prenant l’exemple de la Corée, il a été développé des banques de développement pour la promotion des investissements à long terme dans les secteurs comme la construction, l’industrie chimique. Ce cas pourrait servir d’exemple au Sénégal, notamment pour les secteurs les plus porteurs de croissance, respectant la biodiversité et pourvoyeurs d’emplois.
Des déficits pas trop préoccupant comme on le pense
Le FMI est le grand défenseur du libéralisme économique. A ce titre, il salut les performances du Sénégal dans la gestion de ses finances publiques. Un plafond annuel de 372,4 milliards de déficit est arrêté dans le cadrage macroéconomique. Le fait de magnifier la limitation du déficit s’explique par la théorie économique de l’équivalence ricardienne (R. Barro). Celui-ci fait remarquer que si l’Etat baisse les impôts et crée un déficit, il devra emprunter pour financer ses dépenses. Il faudra donc augmenter les impôts dans le futur pour rembourser la dette contractée. Une anticipation parfaite de la hausse des impôts afin de rembourser la dette pousse les ménages à accroitre leur épargne.
La plupart des économistes estiment que les faits ne vérifient pas la proposition théorique de l’équivalence ricardienne. Pendant les années 1980 et au début des années 1990, périodes où les déficits budgétaires étaient trop élevés, l’épargne privée n’avait pas augmentée.
La mise en œuvre de politiques favorisant la limitation des déficits publics ne se justifie pas dans un contexte de faiblesse des infrastructures publiques. J’emprunte cette expression utilisée par le célèbre et brillant économiste Paul Krugman (Nobel, 2009 et Professeur au MIT) qualifiant de suicide économique la politique d’un Etat dont le seul objectif consiste à adopter des politiques d’austérité. Dans un pays où tout est faire, l’Etat peut s’endetter en recourant à l’épargne nationale où au niveau des marchés financiers africains à des taux faibles. Il s’agira d’utiliser de façon efficace ces ressources issues de la dette. Une proposition chère à certains économistes est l’adoption d’une règle d’or des finances publiques. Il s’agit d’autorisé un déficit à l’Etat au niveau des critères de convergence de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africain (UEMOA), lorsqu’il s’agit de financer des infrastructures publiques. Un travail de recherche que j’ai effectué montre un seuil du taux d’endettement de 80% du PIB.
Dr Cheikh Tidiane NDOUR