Nous avons pu évaluer, à partir de notre accession à l’indépendance, les procédés politiques qui ont eu à caractériser le fonctionnement de l’Etat et le développement citoyen. N’aurait-on pas atteint un niveau citoyen qui nous permettrait de bien marcher, avec responsabilité vers la synthèse de l’Etat Nation au Sénégal et inaugurer l’étape de la construction de l’économique ? Ce qui permettrait aux populations de sentir, en effet, l’amorçage d’un social visible et lisible. Le soleil se lève, jusqu’ici, à l’est. Donc, les populations sont conscientes de la situation politique qui sévit au Sénégal et entendent, avec un patriotisme éclairé, réussir la continuité de l’Etat. Par ailleurs les populations sénégalaises ont démontré, à suffisance, leur capacité à observer une distance critique chaque fois que les hommes politiques ont voulu faire d’elles des moyens pour réaliser leurs ambitions sans vision. Ou se servir du pouvoir pour satisfaire des calculs qui n’ont, effectivement, aucun rapport avec le service public ou avec les intérêts de la Nation. Ce rappel est motivé par le fait que des consciences individuelles ont gagné en émancipation citoyenne, évolué en nationalisme et en patriotisme ouverts. Particulièrement en intelligence politique. Sans se départir, heureusement, de leur valeurs. Bien que les moralités soient victimes d’agressions incessantes qui les rendent variables.
Il est temps, de ce fait, que tous les acteurs politiques se ravisent et modifient leurs voies d’approche, réduisent leurs méthodes et épousent, avant qu’il ne soit trop tard, un nouveau système de pertinence politique très approprié, plus indiqué et moins démagogique. Gagner en croissance ou en émergence devient, devant l’escalade du sous-emploi et de l’accentuation de la faiblesse de l’offre d’emploi et de travail, le seul programme qui préoccupe les populations. Or les responsables politiques continuent en faisant fi, souvent, des réalités sociales avec lesquelles les citoyens sont confrontés. Un redressement du leadership politique, aux plans de son contenu et de son objectif, est désormais, une priorité. Car rétablir un début de symétrie entre le social et l’économique constitue, au demeurant, la seule ligne d’action qui vaille. C’est-à-dire une offre politique capable de contribuer, à moyen terme, à une réelle amélioration de l’accès aux services sociaux de base, à la promotion de l’entreprise nationale et, enfin, à l’amorçage de la modernisation nationale. Or les formations politiques nationales semblent ignorer, royalement, le but des enjeux de la pratique qui transcende la seule conquête du pouvoir ou son unique conservation. La principale raison du jeu politique ne devra plus se limiter, à l’enrichissement illicite, à l’accès aux positions de pouvoir et à la rente de situation. En ignorant délibérément le niveau social presque inexistant du peuple qui n’est pas indifférent mais, surtout, observe un repli ou garde une distance critique.
Après le parti unique c’est le recours aux coalitions qui a été, le mode qui a sous-tendu les systèmes de pertinence politique. Cela ayant été, particulièrement, déterminant dans les options, les projets politiques et les méthodes de gouvernance mis en opération jusqu’ici. Mais la pratique de la Coalition complique la marche de l’Etat de la République du Sénégal. Quitter le parti unique et tomber dans les coalitions n’a pu, absolument, améliorer, la pratique politique. Les fautes et les erreurs enregistrées quand le parti unique se pratiquait sont les mêmes qui sont commises par la pratique des coalitions.
Un tel atypisme ou une telle dérive, sans faire un traitement par analogie ou par comparaison, conduit à s’interroger sur l’utilité de cette pratique qui ne confère aucune légitimité politique réelle. Mais accentue, au contraire, la course vers les rentes de situation. Néglige l’intérêt public et ne favorise que le népotisme, l’enrichissement illicite et l’impunité.
Les circonstances confirment que le procédé afférent au parti unique rappelle l’image d’un roi sans cour. Quant à la coalition elle indique également, le cas d’une cour sans roi. Un tel état de fait devrait être évité pour que le Sénégal ne plonge dans une impasse dont les effets nuisibles entraineraient, malheureusement, des dégâts incalculables.
D’ailleurs une pathologie se développe et résulte, notamment, des systèmes de gestion de l’Etat du Sénégal qui ne sont, point, en adéquation avec les espérances et les espoirs des populations. La pratique du parti unique et le règne des coalitions ont débouché sur une pathologie à soigner pour un réel départ de la reconstruction du Sénégal.
Il s’y ajoute un autre facteur qui a contribué, de façon positive, à la sauvegarde de l’équilibre, perturbé, quelques fois par une effervescence politique engendrée par l’insatisfaction des populations devant le poids de la paupérisation, la férocité de la précarité et les effets très regrettables du sans emploi. La violence ou l’anarchosyndicalisme sont des recettes peu sénégalaises. Mais un tel état de fait ne traduit, certes, aucune passivité de la population et ne lui ôte, guère, son discernement.
Les acquis solides obtenus en démocratie participative et les avancées significatives en démocratie sociale expliquent, aussi, la nécessite de transcender, maintenant, le « suffragisme » ou l’électoralisme qui reste, selon toute vraisemblance, l’unique ligne d’horizon des formations politiques au Sénégal .L’électorat souhaite recevoir des offres politiques citoyennes au lieu de s‘abreuver, continuellement, de propagandisme, de populisme ou de politique spectacle.
Dans le cas d’espèce, évitons la polémique ou la conflictualité car le Sénégal évolue en refusant d’ériger en système de gouvernance la violence et ses succédanés. Cependant le contrepouvoir estime fonder son pré positionnement en ignorant que le degré atteint en démocratie par notre pays n’admet plus l’instabilité. Mais exige responsabilité ou patriotisme. Et interdit, compte tenu de l’état de sous développement que plus de 50 années d’indépendance n’ont point réduit, toute potentialisation menant vers une désagrégation de l’ordre social ou tout délitement de l’autorité du pouvoir d’Etat.
Le leadership construit sur la généralisation de l’agitation serait à combattre car certains extrémismes commandés par la conquête du pouvoir ou pour sa conservation sont, dans une totale mesure, à écourter. D’autant que le substrat humain du sénégalais rejette, avec discernement, toute offre fondée sur le recours à la violence. Sa croyance religieuse et son éducation lui interdisent l’excès.
L’arrogance révèle, d’ailleurs, sous toutes ses formes, l’immaturité et l’irresponsabilité. Et permet, à l’opinion nationale d’évaluer le niveau de conscience citoyenne des acteurs politiques qui affectionnent le verbe, le muscle et les pressions par média interposés. Sachons que la politique spectacle n’est plus de mise et rentre définitivement dans l’anachronisme et le conservatisme dégradant.
La charge politique résultant de l’exercice d’une fonction publique ou d’un mandat électif, dans un pays en construction, s’opère sur la base de l’éthique qui reste le ciment du nationalisme indispensable, en effet, au décollage d’un Etat. Vouloir, malheureusement, empêcher le décollage en question relèverait d’un crime de niveau inédit et bloquerait l’émancipation et l’évolution de toute une nation. Pourquoi l’agitation et la violence?
Il reste que le sous emploi frappe plus de 70% de la population active du Sénégal. L’offre de travail devenant presque inexistante. D’autant que le Sénégal n’a pas encore atteint 300000 travailleurs salariés. Enfin demain n’annonce aucune garantie et le Sénégal des profondeurs reste plongé dans une nuit noire sans aube. L’opinion nationale salue les efforts effectués en la mise en place de l’Etat Nation mais souhaite que des reformes hardies soient entreprises.
La pratique du jeu politique allonge, quelque part, le désespoir et la désespérance des populations qui estimaient, qu’avec l’indépendance et l’alternance, le Sénégal citoyen pourrait prétendre à un Sénégal économique. Ce qui déboucherait, naturellement, sur un Sénégal social.
Heureusement le Sénégal religieux reste, comme le Sénégal citoyen, un verrou solide qui préserve l’Etat, la République et la Nation d’un tremblement de terre politique. La potentialisation des risques pourrait, si des mesures pour une rectification n’étaient pas prises, atteindre un niveau réel, du reste, très dangereux pour la paix sociale et demain. Le contexte interpelle chaque citoyen.
Certaines problématiques nées de la situation institutionnelle très malmenée par les acteurs politiques méritent, d’ailleurs, une attention particulière. Car leur persistance n’est pas souhaitable et augure d’un avenir incertain. Bien que le Sénégal compte, surement, des remparts épais pouvant, certes, l’aider à échapper au chaos. Par contre évitons de déchirer le drap de telle sorte que stopper la déchirure s’avère impossible. Car, en réalité, certains faits sont des indicateurs éloquents devant le chaos que nulle conscience individuelle n’est arrivée à débrouiller.
Comment assurer la continuité du pouvoir, devant cet obstacle induit par le détournement des ressources institutionnelles de la nation?
D’une pathologie qui se signale à partir de signes prémonitoires visibles et lisibles voici les indices:
- La non représentativité, dans la mesure où seule la coalition reste la seule porte d’accès au suffrage.
- Le leadership devient de moins en moins évident alors qu’une pléthore de leaders envahit le marché politique.
- La médiatisation demeure une roue de secours devant l’absence de légitimité des leaders.
- La conquête du pouvoir et sa conservation sont les seuls éléments du système de pertinence des formations politiques au Sénégal.
- La patrimonialisation se substitue à la gouvernance et consolide la corruption.
- L’impunité devient une règle de gouvernance.
- Le mandat électif et la position de pouvoir sont des éléments de rapports ou de simples rentes de situation.
- Le mal vivre se développe et met en panne le futur.
- L’électoralisme remplace l’élection.
Ce tableau vient confirmer la nécessité d’une conversion citoyenne si le Sénégal entend négocier le virage sans aller dans le décor, sans tomber en panne, mieux, sans sortir de la route. Pessimisme, non, circonspection, oui. Car le pilotage à vue et l’aveuglement seraient à éviter si nous voulons ne point tomber dans une déconstruction de l’Etat et de la Nation.
Wagane FAYE
Professeur d’Anglais, e-mail : ngenbale@hotmail.fr