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Le Temps Des Incertitudes

Le feuilleton du parrainage est loin de connaître son épilogue. La majorité présidentielle a certes remporté la mise en réussissant, sans coup férir ou presque, à faire passer la loi à l’Assemblée nationale, sans débat de fond, grâce à sa puissance mécanique et numérique. Mais l’opposition, certes disparates, tente de se mettre en ordre de bataille, en promettant le pire à la majorité et à son président. 

Après les principes constitutionnels, la loi a été traduite matériellement dans le code électoral, à la suite un débat houleux et déroutant, à l’issue duquel, une fois encore, la loi du nombre a tranché. Cette mise en cohérence juridictionnelle et législative complète le dispositif, au grand dam des opposants. Désormais, pour toute élection, les candidats des partis ou coalition de partis devront satisfaire aux mêmes conditions de présentation à partir du parrainage citoyen. L’égalité  entre les compétiteurs voulue par la majorité est donc acquise. Et c’est probablement que se situe le talon d’Achille de la  loi. Pour avoir confondu égalité et équité, le législateur a mélangé les vessies et les lanternes, certains diront, vulgairement, (pardon) les torchons et les serviettes. 

Il est un principe élémentaire que le droit a vocation à assurer l’égalité devant la loi. Mais pour que l’égalité ne soit pas parfaite (ce qui serait un pléonasme), il ne faut pas qu’elle soit absolue. Le statut, le contexte, la différence des situations respectives des uns et des autres, font que la considération et le traitement attendus sont forcément modulés en fonction des réalités objectives. 

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A partir de ce postulat, on comprendrait que la démocratie se fonde sur l’équité, le mérite, l’inclusion, le bien commun, le groupe au détriment de l’individualité. C’est précisément pourquoi la démocratie accorde aux partis politiques, une prééminence dans l’action et l’animation politiques, la formation, l’encadrement  et l’élévation consciente. Un parti politique est comme une boutique à idées partagées, une entreprise incubatrice, s’il joue véritablement son rôle. Le candidat indépendant souvent issu de la classe politique ou de la société civile, du monde des entreprises, met en avant, sa quête d’incarnation personnelle, sa vision spécifique, son agenda personnel, son avenir rêvé. C’est en cela qu’il est virtuel, souvent furtif et évanescent dès le premier échec. Le parti s’ajuste dans la pérennité, car il doit survivre au factuel et aux contingences circonstancielles. Les mettre sur le même pied, c’est ignorer le principe de base de la démocratie, l’équité. C’est accorder la même considération au marchand ambulant et à la multinationale.

Certes, cette description du rôle des partis peut paraître idéaliste voire idyllique. La réalité est toute autre. Personne ne peut, la main sur le cœur, jurer que les 300 partis au Sénégal sont dans la diagonale de leur mission proclamée. Bien au contraire ! La tentation de faire constat amer que nombre de ces formations n’existe que de nom, doit-elle, cependant, pousser le politique et le législateur à privilégier les corrections erronées, voire inconstitutionnelles, en faisant fi des mesures administratives et réglementaires relatives aux conditions de création et d’existence des partis politiques ? L’argument de la nécessité de rationaliser la classe politique, après le choc traumatique des dernières législatives (dont l’ancien ministre de l’Intérieur est responsable) ne tient pas la route. 

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La régulation souhaitée aurait pu s’effectuer bien avant cette échéance, en donnant corps aux propositions sur le financement des partis, qui ne profiteraient aux formations respectant  la réglementation en matière de création et de fonctionnement des partis. Pourquoi créer de nouvelles lois alors que celles présentes ne sont pas appliquées ? Pourquoi, ne pas proposer un parrainage citoyen comme préalable à la délivrance de récépissé, autrement dit mettre le verrou en amont plutôt qu’en aval ?

En vérité plusieurs solutions sont imaginables. Celle qui a été retenue est non seulement difficilement applicable techniquement, mais peut susciter de légitimes motifs d’iniquité, d’insécurité des données personnelles. Les opposants franchissent le cap par l’accusation la prévalence vraie ou fausse, d’une volonté de manipulation du scrutin par l’isolement de candidats potentiellement gênants. Mystère et boule gomme !  

Notre conviction que le parrainage peut favoriser le réflexe de vote utile en faveur des candidats de l’opposition. Ce qui pourrait imposer de fait un second, souvent fatal au candidat sortant. Qui plus est, il n’est pas évident que les candidats indépendants tirent tout l’usufruit de cette égalisation avec les formations politiques classes. Ils ne disposent d’une machine électorale capable de moissonner toutes les signatures requises (entre 0,8 et 1%) des inscrits au fichier électoral. Fort heureusement, des mesures correctives, certes de portée cosmétique, ont été apportées au texte initial. Elles portent essentiellement sur la caution baissée de moitié et les sanctions destinées aux auteurs de signatures multiples, entre autres. L’élimination des candidatures incriminées est remplacée par des sanctions pénales et financières aux contrevenants.

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On aurait pu s’attendre à d’autres concessions, voire le retrait du texte. Mais l’opposition a dû déchanter. Elle ne comptera que sur la mobilisation du 13 juillet, une vague de dénonciations locales et internationales, le recours devant le Conseil Constitutionnel, la Cour Suprême, la Cour de justice de la Justice de la CEDEAO, la Commission des droits de l’homme de l’ONU et autres juridictions internationales.

Il lui faudra beaucoup de souffle pour réussir ce marathon, sans que les garanties de succès soient réelles. Dès le verrou suspensif sera levé et la loi s’imposera à tous. Que fera alors l’opposition ? Se résigner à aller aux élections la tête dans le sac en plastique ? Boycotter le scrutin en réinstallant dès le premier tour, le Président Sall ? Et sans doute en attendant que la seconde partie du jeu s’effectue sur le terrain politique. L’esprit du 23 juin reste prégnant. Mais si tant est que les situations respectives sociales et politiques sont semblables (difficile à démontrer), les mêmes causes, produisent-elles, les mêmes effets. Une seule certitude : l’été politique sera chaud.  

mndiaye@

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