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Justice Sénégalaise : Le Dernier Rempart Vacille

Depuis un certain temps, on assiste, au Sénégal, à des pratiques attentatoires aux principes sacro-saints de séparation des pouvoirs et d’indépendance de la justice considérée sous le double rapport de dernier rempart des citoyens et de garante de l’Etat de droit.

L’ingérence intempestive de l’Exécutif dans le fonctionnement interne du pouvoir judiciaire procède, désormais d’un simple secret de polichinelle.

En maintes circonstances, le chef de l’Etat, garant du bon fonctionnement des institutions, a été pris en flagrant délit d’immixtion dans des décisions de justice qui revêtent l’autorité de la chose déjà jugée.

Dans l’affaire Hissein Habré, le président de la République a déclaré, en France, que la peine infligée à l’ancien dictateur de N’djamena est particulièrement excessive alors que le verdict du procès de l’Imam «djihadiste» lui paraissait clément rapporté à la gravité du délit dont il est accusé.

Au cours de l’un de ses déplacements aux Etats-Unis, le président de la République avait déclaré : «La traque des biens mal acquis pourrait se corser davantage, s’il n’avait pas mis le coude sur un certain nombre de dossiers». Une telle annonce procède d’une incongruité de la part du chef de l’Etat qui avait déclaré, tout au début, qu’il ne protégerait personne.

Ces dérives culminent avec la sortie, pour le moins, maladroite et hasardeuse du Président du groupe parlementaire de l’Apr qui s’est attaqué, frontalement et sans la moindre précaution de style, aux hauts magistrats du Conseil constitutionnel traités de courtiers par Moustapha Diakhaté himself.

A la suite de l’honorable parlementaire, le ministre Moustapha Diop s’en est pris, de façon véhémente, aux juges de la Cour des comptes qu’il a assimilés à des «petits magistrats» au contrôle desquels il refuse de se soumettre.

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Cet affront est resté, comme un os, au travers de la gorge des juges financiers qui concourent au contrôle et à la vérification des comptes des établissements publics.

L’ancien président de l’Ums, Aliou Niane avait, à l’époque, sonné le tocsin, au détour d’une interview accordée à Tfm : «Sous Senghor et Diouf, le ministre de la Micro-Finance serait déchu de ses fonctions sans autre forme de procès.»

L’arrêt de la Cour suprême, dans l’affaire de la radiation des 600 élèves-maîtres, a provoqué, de la part de l’Exécutif comme du Législatif, une levée de boucliers contre ladite décision de justice.

Le chef de l’Exécutif, en la personne du président de la République, y est allé de son propre commentaire en exprimant son soutien indéfectible au ministre de l’Education.

Lui emboîtant le pas, l’Assemblée nationale avait voté une motion de soutien en faveur de Serigne Mbaye Thiam.

Pourtant, ce sont les mêmes pourfendeurs de l’arrêt de la Cour suprême qui se sont autoproclamés «républicains» en déroulant le tapis rouge aux juges constitutionnels (les courtiers d’hier) qui ont rendu un avis liant (?) le président de la République qui peut, désormais, poursuivre, jusqu’à son terme, le mandat de sept (7) ans en cours.

Pour sûr, de telles pratiques, qui violent les principes de séparation des pouvoirs et d’indépendance de la justice, ne sauraient être admises dans les démocraties auxquelles nous faisons constamment référence.

Cette situation est d’autant plus regrettable qu’elle est le fait de responsables du parti au pouvoir qui devraient être les premiers à respecter l’équilibre des institutions républicaines.

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Ces cas de violation récurrente des prérogatives du pouvoir judiciaire installent, dans l’opinion publique, la conviction selon laquelle la justice est captive de l’Exécutif qui la manipule au gré de ses intérêts politiques du moment.

L’Entente cordiale, qui se précise, en filigrane, sous la mascarade d’une concertation nationale inclusive annonce un plan de redistribution des cartes sur un fonds de reconfiguration de la géo-politique nationale.

Apres l’élargissement des complices de Karim Wade, Wade-fils pourrait, à son tour, humer très prochainement l’air frais de la liberté retrouvée si on s’en tient à la déclaration du président de la République lui même.

Alors adieu à la traque des biens mal acquis qui fut, naguère le «Cheval de Troie» de Macky Sall qui en avait fait une demande sociale incompressible. Ainsi, un coup d’arrêt net sera donné à ce qui apparaît aujourd’hui, comme un jeu de guignols qui a tenu en haleine, pendant deux ans, les Sénégalais avec, à la clef, une grande débauche d’argent et d’énergie pour en arriver à un tel résultat.

Que de milliards d’argent public dépensé dans cette farce de mauvais goût qui s’est, finalement, dégonflé tel un ballon de baudruche ?

Quid alors de toutes ces expertises commandées par l’Etat, des millions d’honoraires versés à des avocats, des commissions rogatoires déléguées à travers le monde, bref, de tous ces milliards qui sont passés par pertes et profits au préjudice des citoyens sénégalais ?

La traque des biens mal acquis apparaît, sous son vrai habillage, comme un glaive suspendu par-dessus la tête d’opposants intraitables qui ont retourné casaque dans l’espoir de retrouver des situations de rentes perdues.

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Mais diantre ! Et l’image de la Magistrature dans tout cela ?

 

Youssoupha BABOU

Instituteur principal de Classe exceptionnelle à la retraite – Ancien adjoint au maire de Mbacké

youbabou@yahoo.f

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