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L’idée De Faire De L’école Sénégalaise Un Business N’engendre Qu’une Rébellion éducative Ordinaire

L’idée De Faire De L’école Sénégalaise Un Business N’engendre Qu’une Rébellion éducative Ordinaire

L’image de l’éducation est ainsi écornée. Notre école subit une réelle menace des corps émergents avec ce que j’appelle une « rébellion éducative ordinaire ». Sous des effectifs pléthoriques et sous d’éternels mouvements d’humeurs et de notoriétés d’enseignants, de collégiens, de lycéens et d’étudiants sur-syndicalisés, depuis presque des années, l’école sénégalaise n’enseigne plus.

Un pays qui englobe pourtant le spectre du savant Cheikh Anta Diop qui était un historien, anthropologue, égyptologue et homme politique sénégalais. Il avait mis l’accent sur l’apport de l’Afrique et en particulier celle noire à la culture et à la civilisation mondiale. Aujourd’hui, le système éducatif fond comme une glace au soleil face au recul scientifique qui pourtant devrait être la condition sine qua non du triple redressement du niveau de nos élèves et étudiants.

Le privilège qu’on note en approuvant le besoin d’enseigner massivement les séries littéraires nous rongent. Les mathématiques, les sciences physiques, les sciences sociales, les sciences naturelles sont des espèces en voie de disparition et sont carrément délaissées au profit des langues et spéculations vives. La liste n’est pas pourtant exhaustive mais c’est juste pour montrer cette cause qui n’est rien d’autre que déplorable.

Oui ! Cette « éducation » sénégalaise est à revoir sur tous ces plans parce que ce pays qui nous est si cher ne peut pas se développer en ne formant que des littéraires ou des politiques de première nature occupant ainsi les scènes télévisées avec leur pôle d’excellence : la spéculation vive.

L’année passée, le taux d’admission au baccalauréat littéraire est supérieur à celui scientifique. Les élèves choisissent plus les séries littéraires parce que le baccalauréat est « plus facile » à obtenir à ce niveau. En plus ce qui me ronge profondément, c’est que l’enseignement ne devient plus un sacerdoce qu’on s’arroge, on enseigne parce qu’on n’a pas réussi à s’insérer dans d’autres corps ou métiers.

Autrefois, l’éducation menait à tout à condition de s’en sortir. Mais aujourd’hui, tout mène à l’éducation si l’on ne s’en sort pas.

Appelés vacataires ou volontaires, ces mercenaires de l’éducation piétinent fort sur l’avenir de ce pays parce qu’ils vont avoir des classes d’un effectif respectable et vont apprendre à chanter, à danser ou même à lutter à nos enfants.

Pis, la langue de travail (le français) est piétinée comme pas possible. Qui sait ? Ils pourraient apprendre à nos chers enfants à bien réciter les vers de Victor Hugo, de Léopold Sédar Senghor ou d’Aimé Césaire. L’enseignement est devenu une passerelle importante pour la réinsertion dans la société sénégalaise à qui veut l’entendre et une forte dose de promotion dans ce pays.

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Nos temps d’antan correspondait avec celui de l’excellence avec les époques du rêve « prytaniéen », du concours général ou tout simplement de l’entrée à la maison d’éducation Mariama Ba pour les filles. Aujourd’hui, on se suffit du minimum et de la moyenne. La figure de l’excellence ainsi écornée, les enseignants n’ont d’autres choix que de se suffire du minimum eux aussi, et leur moyenne à eux se réduit aussi à un salaire, à des revendications, à des plateformes non écrites, à des combines et deals avec l’État qui n’y trouverait ni son appât ni son gain.

Vers une refonte de ce système sans délais.

L’enseignement n’est plus un sacerdoce, un plaisir voire une passion. « Il n’y a que les passions et les grandes passions qui puissent élever l’âme aux grandes choses » dixit Denis Didérot. Rien ne peut se faire sans la passion. Il en est outre car les vacataires se retrouvent au beau milieu du système éducatif par défaut. Récemment, beaucoup d’entre eux s’étaient vus expulsés après l’obtention du concours des maîtres-élèves qu’ils avaient acheté à 900 000 FCFA l’unité. Comme un souffle de tabac, c’est tout le monde qui est enfumé mais personne ne bronche. Une raison de plus pour revoir tout un dispositif composé de magouilles où corrupteurs et corrompus n’ont aucun gêne pour nuire toute l’élite sénégalaise.

Notre école subit une réelle menace des corps émergents avec ce que j’appelle une « rébellion éducative ordinaire ». Sous des effectifs pléthoriques et sous d’éternels mouvements d’humeurs et de notoriétés d’enseignants, de collégiens, de lycéens et d’étudiants sur-syndicalisés, depuis presque des années, l’école sénégalaise n’enseigne plus. On proteste, fustige, peste et rouspète. Les enseignants multiplient les grèves, débrayages, boycotts d’examens et de corrections, rétention de notes et revendications de toutes sortes. Le calendrier académique peine à dérouler son cours du fait des grèves sempiternelles.

Notre système éducatif est aussi mal en point. L’enseignement est devenu un accessoire pour qui le désire. Dans les années antérieures, il fallait réussir à un concours d’entrée pour accéder à une école normale pour y subir une formation de plusieurs années en pédagogie, en instruction civique et en éthique. De nos jours, ce sont des cartouchards à l’université et des écoles privées, des bacheliers largués et de simples élèves ayant le BFEM qui montent au créneau pour enseigner des fois des matières qu’ils ne maîtrisent point, sans en compter l’initiation à la manière de transmettre un savoir.

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Nos enseignants passent du temps à faire la grève et à revendiquer à longueur de journée au moment où le processus de performance estudiantine est accéléré dans les pays les plus avancés. Le Grand Cadre des enseignants, après plusieurs séries de grèves étalées sur 4 mois, reconnaît avoir pénalisé les potaches et invite le ministre de l’éducation à aller dans le sens d’une nouvelle programmation des examens et concours. Ce qui a poussé aux élèves et professeurs à demander le report des examens.

Dommage !!!

Tout semble plaider pour les volontaires, vacataires, professeurs et maîtres contractuels en grève. Appelés aussi corps émergents, ces mercenaires cultivent de plus en plus le « jet de la craie ». Même si quelques fois, il y a des menaces émanant de l’Etat, ces parties prenantes ne reculent jamais, même face au désastre. Cela n’ébranle point les volontaires, vacataires, professeurs et maîtres contractuels. Ils sont déterminés à faire en sorte que leurs revendications soient satisfaites et pour cela, ils sont prêts à tous les sacrifices avec un sentiment macache. Ils détiennent l’art d’en coudre et d’en découdre.

Les volontaires, maîtres et professeurs contractuels répondent favorablement et des fois à l’unanimité au mot d’ordre de leurs syndicats respectifs sans réserve, sans réflexion ni hésitation. À Ndoumbélane, ils observent des sit-in à chaque fois que l’occasion se présente devant les plus hautes institutions de ce pays. À l’issue de ces rassemblements, un mémorandum est remis toujours à qui de droit qui promet à son tour que toutes les questions qui touchent le système éducatif national seront solutionnées et les autres seront diligentées au niveau supérieur. Ils les considèrent toujours pour notre point de vue comme une chimère puisque la même situation se reproduit en boucle et finalement rien n’est satisfait, tel un statu quo.

Des hommes de pouvoir pour ne pas dire de contre-pouvoir usent des manières les plus féroces pour réclamer leur droit. L’éthique n’y est plus, les négociations par la force n’aboutissent pas des fois aux résultats escomptés.

L’enseignant est un titre de noblesse. Qui enseigne véhicule, qui véhicule divulgue et qui divulgue inculque. Il faut avoir un titre de professeur ou d’enseignant certifié et vérifié dans les normes avant de s’adonner à la culture de la craie et du tableau. Emmanuel Kant en 1755 soutint son mémoire en latin : Esquisse sommaire de quelques méditations sur le feu. Ce travail lui permit d’obtenir la « promotion », ce qui correspondait à l’époque à un diplôme de fin d’études. Il pouvait ainsi grâce à ce titre faire une première leçon et entrer définitivement dans les salles de classes. Ce que l’un des plus grands philosophes au monde refusa de faire parce qu’il juge qu’il doit dispenser un enseignement formateur plus que de pure érudition. C’est la raison qui justifierait d’ailleurs la poursuite de ses études pour ainsi obtenir l’« habilitation » pour dispenser des cours. Et ce grâce à sa deuxième dissertation philosophique sur les premiers principes de la connaissance métaphysique.

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Ces « mercenaires de l’éducation » devront et sans discussion prendre Emmanuel Kant comme modèle. Durant tout le long de son cursus de professeur, il traçait toujours le chemin que le professeur se doit de prendre. En sus, il était toujours soucieux de dispenser un enseignement formateur, ce qui n’est pas le cas de nos jours dans les écoles diourbéloises. On le fait simplement parce qu’on doit le faire. Ainsi dans L’Annonce sur le programme de ses leçons, on peut lire « On attend donc d’un professeur que chez celui qui l’écoute, il forme d’abord l’entendement de l’homme, puis sa raison, et qu’enfin il en fasse un savant ». Un tel procédé à l’avantage que, même si l’élève ne devait jamais parvenir au dernier degré, comme cela arrive d’ordinaire, il aura pourtant tiré profit de l’enseignement et sera devenu, sinon pour l’école, du moins pour la vie, plus habile, plus avisé et plus clairvoyant.

La capacité d’assimilation et de maîtrise n’est plus à sa place parce que formant d’abord la raison au détriment de l’entendement qui devrait d’abord être le précurseur d’un formatage net de l’intellect. Si on ne suit pas cette logique, si on est en déphasage continuel avec cette dynamique, l’élève porte une science et une connaissance d’emprunt qui n’ont été, pour ainsi dire, que collées sur lui et ne se sont pas développées en lui, cependant que les facultés de son esprit et de son intellect sont devenues plus stériles que jamais, mais au même moment beaucoup plus corrompues par le mirage de la sagesse.

 

Abdou Khadre Mbacké

Auteur sénégalais

abdoukhadre2011@gmail.com

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