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Libération De Karim wade: La Grande Mascarade

Pourquoi diantre sommes-nous condamnés à subir cette pratique libérale nourrie de mensonges, d’intrigues, de manigances et de manipulation. Des frères ennemis se réclamant d’un même père fantôme, parti pour mieux rester, qui ne seront jamais ni ensemble ni séparés, s’abandonnant pour se retrouver, ont décidé comme des démons, de nous posséder et de hanter nos sommeils. L’oracle rendu par le gourou présageait cinquante ans de règne et voilà seize ans déjà de libéralisme cauchemardesque car, de rupture promise en 2012, il n’y en a pas eu, de révolution point, sinon celle de Palais. Ils nous tiennent en otage, complotent sur notre dos et nous tournent en bourrique.

Après la tension post-alternance, c’est maintenant le dégel, l’ère de la décrispation, de l’unité et de l’entente, la retrouvaille dans l’intérêt supérieur de la famille éclatée en danger.

Le Président veut désormais rassembler autour de lui toutes les forces vives, sans exclusion, de quelques bords qu’elles se situent. Ceux que le peuple avait décidé de faire sortir par la porte en 2012, peuvent de nouveau entrer par la fenêtre, il y a du travail et tout le monde est convié au futur gouvernement élargi.

Seulement, comme préalable, M. Karim Wade doit être libre et les 25 dossiers de la Crei passés sous le coude

Et tout un monde s’y met :

-les militants et cadres du parti au pouvoir et leurs souteneurs qui, hier en «justiciers vertueux», faisaient leurs promesses chimériques en chantant la reddition des comptes et en traitant Karim de grand voleur bon pour la potence;

-de nouveaux chefs de partis d’obédience libérale nés après 2012 sur les flancs du Pds, qui cherchent une reconnaissance politique pour exister ;

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-une presse partisane, pas seulement publique, qui verse dans l’intoxication et la diversion par une mise en scène d’enquêtes et de reportages burlesques et insidieux, qui montrent une prétendue opinion largement favorable à la libération d’une victime qui n’a que trop souffert ;

-des communicateurs dits traditionnels, ballotés entre leur appartenance politique adverse et leurs intérêts matériels et financiers égoïstes ;

-même notre cher ami avocat de l’Etat et du «peuple», qui a certainement très largement bénéficié financièrement du procès, pour soudain défendre farouchement sa victime, comme s’il était poursuivi par l’œil de Caïn (le mythe est l’expression d’une culpabilité refoulée). L’œil est en prison et le regarde peut-être.

Mais ne soyons pas amnésiques. Sous Wade père, Wade fils et la Génération du Concret ont mobilisé, par des activités souterraines encore méconnues, d’importantes ressources financières qui ont permis de faire main basse sur le Pds, l’Etat et les institutions et même sur les établissements scolaires où des comités de soutien ont été installés. M. Karim Wade a été Ministre chargé de la coopération avec les pays arabes réputés corrompus, d’où seraient provenus d’immenses flux financiers. L’axe Dakar-Koweït-Dubaï garde encore ses secrets. Des rumeurs jamais démenties avaient mêlé Karim Wade et Idrissa Seck dans la disparition d’une mallette de milliards entre le Golfe et Dakar, via Paris, dans des conditions mystérieuses.

Il y’a bien eu dans le passé, de la délinquance financière qu’on veut nous faire oublier pour fumer le calumet de la paix.

Le grand perdant est le peuple, dont on abuse de la confiance et brise l’espoir d’un meilleur mode de gouvernement. Cerise sur le gâteau, on lui demande même, après les milliards de dépenses budgétaires en honoraires et déplacements pour le procès, d’indemniser sur fonds publics le «voleur» arbitrairement détenu depuis 3 ans et de passer par pertes et profits les 132 milliards qu’il était condamné à payer à l’Etat. Au moment où les politiciens font leur combine au sommet pour maintenir leurs privilèges et leur pouvoir, ses problèmes laissés en rade, attendent : le bois pillé au Sud, les terres spoliées de Guédiawaye au village de Mar, l’eau, l’électricité et l’emploi introuvables, la sécurité menacée, l’éducation et la santé enlisées.

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Toujours les mêmes pratiques : des institutions ba­fouées, des engagements jamais tenus, le clientélisme et la gabegie. Abdoulaye Wade avait avoué en pleine campagne électorale, avoir demandé l’arrêt des poursuites contre Idrissa Seck dans l’affaire des chantiers de Thiès. Le 1er mars 2007, il affirmait que dans le cadre du protocole de Rebeuss, il s’était engagé, si M. Seck remettait l’argent, de l’aider à sortir de prison en demandant au procureur d’être indulgent. Rappelons qu’il l’accusait d’avoir détourné 40 milliards, sans jamais préciser l’origine des fonds. La notaire Maitre Nafissatou Diop Cissé, qui était au cœur des transactions et est aujourd’hui à l’Apr, devait être entendue même si elle jure de ne jamais révéler les secrets de l’accord.

En mars 2000, pour tenir sa promesse électorale d’amaigrir un Etat budgétivore, Wade réduisit dans la liesse populaire et l’allégresse le nombre de députés à 120, supprima le Ces (Conseil économique et social) et le Sénat. L’enthousias­me sera de courte durée : le Conseil de la République pour les affaires économiques et sociales (Craes) est créé avec 100 puis 120 membres, le nombre de députés porté à 150 et le Sénat ressuscité. Voila que l’actuel Président envisage de porter le nombre de députés à 160 et de créer son Haut conseil des collectivités territoriales.

Les hommes politiques retournent à leur vomissure, virevoltent au gré du contexte politique et de l’état des rapports de force. Ils sont maîtres dans les pirouettes et les voltiges. Le Président, alors candidat, avait déclaré avoir définitivement tourné la page Pds, mais une fois élu, n’a pas cessé d’appeler, d’accueillir et de protéger des membres de ce parti.

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Instaurer le dialogue pour pacifier l’espace public ne suffit pas. Sous Wade, les actes de violation répétée de la Constitution et d’affaiblissement des institutions, ont fini par installer une crise de confiance et de légitimité qui a mené non pas vers l’apaisement, mais la multiplication et la généralisation des mouvements de rue, dont le plus déterminant est sans doute celui du 23 juin 2011. L’euphorie va encore laisser place à la suspicion, à la méfiance et au dégoût. L’image de la politique va être davantage dégradante et sa désaffection plus profonde. Le faible taux de participation au référendum passé est un signal. Les réalisations mirobolantes qu’on déroule ne pourront rien face à l’indifférence totale des populations démotivées, ankylosées et dégoûtées par une pratique politique opportuniste, hypocrite et perfide.

 

Abdoulaye BADIANE – Professeur d’économie au L.Sll

abadja2@yahoo.fr

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