Au Sénégal, les acteurs de la gouvernance et du développement territorial sont en grand nombre. Outre les ministères stratégiques au rang desquels le Ministère de la gouvernance locale, du développement et de l’aménagement du territoire (Mgldat), la loi n° … de 1996 sur la régionalisation a en effet mis en place un dispositif très fourni d’organes de suivi et de coordination de la politique nationale de décentralisation. Parmi ces organes : le Conseil national de développement des collectivités locales (Cndcl), le Comité interministériel de l’administration territoriale (Ciat) et, plus récemment, la Commission nationale de dialogue des territoires (Cndt) mise en place par le décret n° 2015-1970 du 21 décembre 2015. Ces organes institutionnels ont pour objectif d’assurer un pilotage efficace de la mise en œuvre de la politique de décentralisation et du développement territorial. Mais rares sont ceux d’entre eux qui accomplissent cette mission.
C’est dans ce contexte que le Haut conseil des collectivités territoriales est créé par la loi constitutionnelle n°2016-10 portant révision de la Constitution et adoptée par référendum le 20 mars 2016. Les enjeux et les défis de cet organe sont d’une grande importance pour le développement national. Récemment en France, la mise en place d’un Haut conseil des territoires que le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles prévoyait dans sa version première a finalement été supprimée dudit projet de loi sur accord des parlementaires en commission mixte paritaire, en décembre 2013. A l’opposé, l’Assemblée nationale du Sénégal a adopté le projet de création du Haut conseil des collectivités territoriales le 29 juin 2016. Ce nouvel organe est une assemblée consultative qui donne un avis motivé au chef de l’Etat sur les politiques de décentralisation et d’aménagement du territoire.
Avec la multiplicité des instruments de suivi et de coordination de la décentralisation, il importe de souligner que le grand défi présent du Sénégal n’est pas de mettre en place une institution, mais de l’accompagner efficacement avec les moyens idoines ainsi qu’un leadership performant et pertinent. Le Haut conseil des collectivités territoriales, lui, peut se rendre très utile s’il réussit à fédérer toutes les structures susnommées et rend compte au chef de l’Etat, par un guichet unique, des actions politiques territoriales en cours. Il peut également jouer un rôle notoire avec la future naissance des pôles territoires. Une récente étude que nous avons réalisée à l’Université Assane Seck de Ziguinchor montre que les régions qui ont subi le découpage administratif se sont appauvries ; que la formation d’entités spatiales plus vastes, ayant des caractéristiques communes du point de vue éco-géographiques et d’accès aux infrastructures sociales de base, serait un levier important pour déclencher le développement de nos territoires.
Or, le développement de ces pôles territoires n’est possible que s’ils sont accompagnés par une structure forte qui assure le relai entre les territoires et leur administration centrale. Et c’est justement ce rôle que doit jouer le Haut conseil des collectivités territoriales. Pour fonctionner de façon efficace, cet organe doit contenir des élus parce qu’ils sont les représentants légitimes des collectivités locales. Mais attention ! Le diagnostic sur les élus locaux a révélé chez un grand nombre d’entre eux des carences réelles en matière de formation que traduit leur méconnaissance de plusieurs textes administratifs relatifs à la décentralisation. Pour faciliter au Haut conseil des collectivités territoriales la bonne réalisation de ses activités et assurer un réel succès à ses missions, l’Etat devrait donc veiller à le composer essentiellement d’experts et de spécialistes du domaine de la gouvernance territoriale.
Abdourahmane Mbade SÈNE
Professeur gouvernance, planification et développement territorial
Université Assane Seck de Ziguinchor
amsenea@yahoo.fr