C’était dans les années 70 à Kaolack.
Il y avait un chauffeur de taxi, qu’on appelait « Pa Bissimillah« . Ce sobriquet lui est venu de sa propension à dire ce mot béni, quoi qu’il fasse. Vous savez, à l’époque, les taxis à Kaolack, on le partageait. Je ne sais pas si c’est toujours le cas. Le vieux avait une 403 qui tenait la route. Le client doit embarquer. ‘’Bissimillah’’ pour l’accueillir. Il n’enclenche jamais une vitesse disaient ses détracteurs sans dire le mot magique. ‘’Bissimillah’’ pour aider un client à descendre en ouvrant la porte. Donc, ça donnait une somme de ‘’Bissimillah’’ non négligeables à la descente. Bon moi, je n’ai jamais pris son taxi pour vérifier ( je n’en avais pas les moyens à cette époque de ripagne foo dieum, P2 on disait pour les marcheurs), mais on me l’avait montré, tellement, il était célèbre. Ah, j’allais oublier Babou Diagne, le vieux chauffeur de bus qui faisait la navette Dakar-Kaolack.
Il y’ avait aussi, toujours à Kaolack, un taximan qu’on appelait « Moussa guerrier« . A l’arrière de sa voiture, (c’était une 404), sur la vitre, était écrit, en jolies lettres ce mot qui avait un sens à cette époque-là: Guerrier. Lui, je le connaissais. Il déposait souvent des clients à Bongré, et passait tailler bavette avec des gens qui habitaient pas loin de chez nous. On habitait l’école Bongré Filles, mon grand–frère, Mr Ndaw Ndéné, en était le directeur, Je crois qu’il est devenu un syndicaliste dans ses vieux jours, et jouait au guerrier syndical.
Kaolack est aussi la première ville du Sénégal, à utiliser des vélos taxis. On dit que c’est depuis les années 50. Les gens avaient des mobylettes de marque Peugeot, des BB, ça s’appelait. Il y avait aussi des stars de ces conducteurs de deux-roues. Y avait un ‘’Boy Nar’’, un Ibou Konaté, je crois. Pendant la fête de l’Indépendance, y avait une course de ces virtuoses. Une légende comme on les aime, disait que lors de ces compétitions, y avait des conducteurs qui prenaient le virage de la gouvernance tellement penché, que leurs oreilles touchaient le macadam. Bon, je me contentais de rêver de ces prouesses, j’étais trop jeune pour ne pas y croire.
Il y’avait aussi les fameux ‘’weutires’’ de Kaolack. C’était la grande rivalité dans la décoration et la dextérité à la conduite. Le plus célèbre devait être assurément « Sall Cognor ». C’était un vieux tellement maigre, qui avait l’air d’un clou. D’où son surnom. ‘Cognor’’ voulant dire en wolof, maigrichon.
Y avait aussi le train de Lyndiane. C’était un vieux train à vapeur, comme on en voit dans les films de cowboy. On voyait les mécaniciens jeter des morceaux de bois dans la chaudière, et le petit train filait en klaxonnant vers l’usine d’huile de Lyndiane avec sa cargaison d’arachides. Des braises tombaient sur la voie, et certains les ramassaient pour faire leur thé.
Aaah , je pourrais jamais oublier un baye fall qui battait le tam-tam, qui s’appelait ‘’Ngounda’’. Ah celui-là, tout seul, avec son ‘’khine’’, quand tu l’entendais sans le voir, tu pensais que c’était un groupe de batteurs. C’était un batteur hors pair et il jouait en chantant. La première fois que je l’ai vu, je l’ai suivi, et me suis perdu.
Kaolack, c’était aussi, le véhicule avec la musique, portant les affiches des films qui devaient passer le soir du samedi. Y a un morceau qui me fait penser à ça. ‘’Move on up’’ de Curtis Manfield. ‘’Kung fu fighting’’ de Carl Douglas me fait le même effet .
Je ne vous parle pas du lycée Gaston Berger, actuel Waldiodio Ndiaye. Y avait plein de profs toubabs à cette époque, et le lycée était aux premières loges, lors du concours général. L’élève qui raflait tout, était une femme du nom de Rose Dieng. on dit qu’elle devint la première femme de polytechnique, en France ou au Canada. Au lycée Gaston Berger, c’était une dame, Oumar Bâ qui faisait la fierté de la ville au concours général.
je me rappelle la première Miss Sénégal de l’histoire, une Sokonoise, Thioro Thiam, qui était la candidate de la région du Sine Saloum, dont Kaolack, était la capitale, et qui fut fêtée comme une reine à son retour de Dakar.
c’était l’époque du »Ndaga Ndiaye » de Saloum Dieng, ce lépreux qui eut plein de succès en ces temps-là.
Kaolack , en ces temps-là, était une ville magique. un ami l’appelait Dallas. je n’ai jamais su pourquoi.
Alioune Ndao
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