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Nostalgie De La Tyrannie

En voyant l’anarchie qui sévit en Libye après la mort de Kadhafi et celle qui déchire l’Irak depuis la chute de Saddam Hussein, on comprend la vieille sagesse populaire arabe qui dit qu’«il est préférable d’avoir 60 ans de tyrannie que vingt-quatre heures d’anarchie».

En Libye et en Irak, il y en a probablement beaucoup qui regrettent la chute des tyrans Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi parce qu’au moins dans une tyrannie, il y a comme aurait dit Weber, «un monopole de la violence» dont on connaît le lieu d’origine et que l’on peut éviter par conséquent. Ce qui n’est le cas dans l’anarchie car, en Libye, on ne sait même plus qui se bat contre qui. Ces situations anarchiques en Libye et en Irak, permettent aussi de comprendre pourquoi Rastum Pacha, l’un des rares gouverneurs ottomans de l’Arabie, qui a réussi à mettre fin aux guerres tribales, était appelé «Abu Jarida», c’est-à-dire le «Père du bâton».

En Egypte, le Marechal Al Sissi, le nouveau Abu Jarida, a rapidement fermé la parenthèse démocratique du Printemps arabe, alors que le Abu Jarida syrien, Bachar Al Assad, n’a même pas laissé la parenthèse s’ouvrir.

Du temps de la splendeur de l’empire abbasside, Haroun Al Rashid avait édifié une «baytil hikmati», une  maison de la sagesse dans sa capitale Bagdad, la plus belle ville du monde à l’époque.

A Bagdad, l’ancienne capitale de l’empire, on disait que «si les livres sont écrits en Egypte, ils sont vendus au Liban, mais lus à Bagdad». Aujourd’hui la sagesse a quitté la capitale de Haroun Al Rashid où les livres ont été remplacés par les armes et la sagesse par la violence, depuis que George W. Bush a ouvert la boîte de Pandore du conflit sunnite/chiite lors de la 2e guerre d’Irak. Même si le régime de Saddam Hussein était marqué par l’hégémonie des Sunnites qui sont minoritaires, l’allégeance des Chiites à l’Etat irakien n’a jamais été prise à défaut lors de la longue guerre contre l’Iran chiite, parce que l’Irak de Saddam était un Etat laïc.

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Ce primat de l’allégeance à l’Irak se joue encore aujourd’hui avec des partisans de Moktada al Sadr qui refusent l’inféodation de l’Irak à l’Iran, contre ceux qui pensent que l’appartenance au chiisme doit primer sur l’appartenance nationale. Après l’invasion de l’Irak par Bush, à Téhéran, les ayatollahs ont pensé que le Président américain avait réalisé leur plus grand rêve, rendant possible une sorte «d’arc chiite» entre Téhéran, Bagdad et Damas. Ce qui se passe en Irak va gripper la machine, avec la remontée à la surface du vieux conflit entre Arabes et Perses, au-delà de l’appartenance commune au chiisme.

Ce vieux conflit s’exprime aujourd’hui en Irak dans le cadre d’une démocratie plus que surréaliste, fondée sur la logique tribale et la violence qui lui est consubstantielle. Cette tradition de violence ancestrale fait aujourd’hui qu’il n’y a presque pas de Société civile dans les Etats dynastiques arabes, les seules forces organisées étant celles de l’appareil de l’Etat dynastique et son appareil répressif qui fait face aux islamistes. Ce qui fait que les indépendances ont produit des dictatures, des Etats dynastiques, et la démocratisation a produit l’islamisme (Algérie, Irak, Palestine et Egypte).

A l’heure du bilan, le seul pays qui a réussi sa révolution du Printemps arabe est la Tunisie, parce que c’est l’une des rares sociétés arabes avec une Société civile que la dictature de Ben Ali n’avait pas réussi à détruire. La Société civile y est tellement forte qu’un de ses membres, le constitutionnaliste Kais Saied, a doublé les islamistes en se faisant élire Président.

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