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Le Sort Des Prisonniers Et Les Turpitudes De La Vie

« Mon corps a couru », j’ai frémi, traduit dans la langue de Molière, en voyant la UNE du quotidien Enquête paru le 22 septembre 2016. Nullement un excès de sensibilité de ma part, d’avoir été envahi par un sentiment de pitié, persuadé que je suis, que tout être humain qui n’aurait pas un caillou à la place du cœur aurait eu le même sentiment que moi. Même après une trentaine d’années d’exercice de la profession d’avocat, je ne m’imaginais pas possible que des êtres humains puissent être entassés, comme des sardines dans une boîte, si l’image vu dans le quotidien Enquête est réelle. Mais que faire dès lors que l’enfermement des délinquants reconnus coupables a pour objet la correction de leur comportement nuisible à la société et leur réinsertion au sein de celle-ci ? Rien d’autre que de laisser les autorités judiciaires faire leur travail, comme on dit, mais avec discernement et sans férocité, en s’ingéniant à éviter qu’une erreur judiciaire soit à la base d’une détention d’un innocent ou d’une relaxe d’un réel coupable.

Aucun magistrat n’est à l’abri d’une telle bévue, un magistrat n’étant qu’un humain, donc imparfait. C’est pourquoi les croyants de quelque religion qu’ils soient, sont convaincus que seule la justice divine est infaillible. Mais est-ce que cette UNE du quotidien Enquête doit faire oublier le sort de cette autre catégorie de citoyens qui, après avoir sué sang et eau pour se créer de quoi vivre tranquillement, des « sambaboyes » s’en saisissent à leur insu, les laissant dans un dénouement total ? Le sort, plus dramatique, de ceux qui perdent la vie ou qui deviennent grabataires à vie, suite à une attaque de malfaiteurs doit être, par-dessus tout, pris en compte. Il arrive que certaines âmes, raisonnablement sensibles estiment que les droits de l’hommiste en font trop, quant ils prennent des positions exagérément favorables aux accusés en oubliant leurs victimes. Chacun y va de son argumentaire à propos du sort des détenus et de ce qu’il faut faire pour l’améliorer.

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Je ne partage pas l’avis de Monsieur le Procureur de Dakar, qui dit qu’ « une détention, longue ou non, ne peut concerner le Parquet » (l’Obs, 22/09/16). Je soutiendrais plutôt que le Parquet peut y avoir sa part de responsabilité. En tant que manager des procédures pénales et chef des officiers de police judiciaire, il a une partition à jouer pour que les détentions provisoires, ou après condamnation, ne durent pas plus que de raison. N’arrive-t-il pas que pour des motifs qui incombent au Parquet, une affaire mette trop de temps, avant d’atterrir à la juridiction de jugement, pour diverses raisons, dont l’explicitation rallongerait ce papier ?

Une fois à ce niveau, l’affaire peut subir plusieurs renvois pour tel ou tel motif qui incombe toujours au Parquet, si ce n’est à la demande d’un avocat de la partie civile ou du prévenu, pendant que celui-ci, s’il est en détention provisoire, continue à croupir en prison. La mise en état des dossiers où des prévenus condamnés ont fait appel, peut justifier aussi la longueur des détentions, puisque la mise en état incombe au Parquet. A sa décharge, rappelons qu’il ne peut y procéder, tant que le jugement frappé d’appel par le prévenu n’est pas rédigé et remis au greffe par le juge qui l’a rendu.

Mais le Parquet Général, supérieur hiérarchique du Parquet, a aussi sa partition à jouer, relativement au temps que peut durer la détention. En effet, si le Parquet met ledit dossier en état et le lui transmet, son enrôlement lui incombe et l’arrêt qui statue sur la détention dépend de la célérité des diligences du Parquet général, mais aussi de la Cour d’Appel. Grosso modo, ci-dessus exposés les raisons qui expliquent le motif qui fait que le Parquet est concerné par la durée du séjour en prison des prévenus.

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Mais quelle que soit la bonne volonté des Parquets pour abréger la longueur des détentions, si leurs services ne sont pas assez équipés en moyens, y compris en personnel, les résultats se feront encore attendre, et ce pour longtemps. Et c’est bien dommage, car quels que soient les délits ou les crimes à la base de leur privation de liberté, les incarcérés restent des êtres humains et doivent être traités comme tels. Leur sort peut être le sort de tout un chacun demain, si cela n’a pas été le cas hier, quelque soit le rang social des uns et des autres. Les directeurs et les gardiens de prison qui en ont vu défiler devant eux des gros bonnets, ne me contrediront pas.

 

Maître Wagane FAYE

Avocat

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