NON je ne suis pas SONKO. Haut Fonctionnaire de mon Etat et fille de fonctionnaire, j’appartiens au corps des Fonctionnaires de la République, ce corps jadis adulé parce que bras de développement de l’Etat, compétent et distant des colorations politiques temporaires. Ce corps respecté, et pour sa fidélité à l’Etat, et non aux régimes politiques qui passent et se succèdent, et pour sa loyauté à la Nation qui les rémunère et non aux hommes qui occupent périodiquement les positions de gouvernants suprêmes. Ce corps gardien de la continuité de l’administration, de l’Etat…j’allais dire de l’Etat de droit. Ce corps d’experts en tout genre dont l’unique motivation est la marche des institutions de l’Etat et par là le développement de la Nation. Ce corps titularisé dont les droits et obligations font l’objet d’un statut.
En cette qualité je suis profondément indignée par les proportions atteintes par ce qu’il y a lieu d’appeler « la loi de l’Omerta » déguisée sous le noble vocable de « devoir de réserve ». NON, le droit de réserve n’adresse pas les manquements graves à la marche de l’Etat, du Pays, sinon le fonctionnaire deviendrait un traite à la Nation et un Sans Voix.
En cette qualité, je suis attristée par toutes ces pertes de carrières dont le pays a pourtant tant besoin : combien sont-ils à avoir été mutés de poste, affectés à des stations non relevant, « mis au frigo », pour avoir dénoncer des manquements de leur chef hiérarchique, n’avoir pas accepté de marcher dans les combines ? Combien sont-ils à avoir perdu leur position parce que ne faisant pas « l’affaire » ? Combien sont-ils à avoir frisé la prison ou réduit au chômage technique pour avoir dénoncer des manquements dans la gestion de leur service ? D’un autre côté, combien sont-ils à occuper des fonctions techniques, administratives et même scientifiques sans en avoir le profil, juste par convenance politique ou clientélisme ?
Ma Fonction publique se meurt par recrutements partisans, par « mis au frigo » des compétences dont souvent l’expertise est le fruit de longues études payées par l’Etat, donc par les contribuables … une double perte pour ces derniers. Ma fonction publique croule sous la loi de l’Omerta au détriment du pays et de ses populations. Cette loi qui a fait de certains des complices soumis.
L’affaire Sonko, puisqu’il faut l’appeler par son nom, interroge tous les fonctionnaires et au delà tous les citoyens parce qu’il repose des problèmes de fond, celui de nos institutions, celui de la gestion de nos ressources naturelles et celui de la Gouvernance pour le développement. Ousmane Sonko, en tant que citoyen et homme politique, a eu le mérite de reposer ces questions profondes qui poussent tout patriote à se lever pour sauver ce qui reste de cette épine dorsale de l’administration, la Fonction publique, pour la transparence de la gestion de nos ressources et pour une gouvernance sobre et vertueuse au niveau de laquelle les gouvernés ont leur mot à dire.
NON je ne suis pas Sonko. Je suis avec Sonko dans le principe de dénonciation des dérives et maux qui gangrènent notre développement, parce que dans un pays où l’intelligentsia est muselée par peur de perdre sa station ou pour le légitime sentiment de sauvegarde de sa position pour la protection des siens, on ne peut parler d’innovation, de développement et encore moins d’émergence.
Rokhaya Fall