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La Culture Sénégalaise Et La Créativité

La Culture Sénégalaise Et La Créativité

La créativité n’est pas innée ni génétique, elle est la résultante de plusieurs facteurs issus de l’environnement et de la culture. Et le professeur Richard Nisbett l’a suffisamment démontré dans son livre « Intelligence and How to get it ». Il a fait une corrélation intéressante entre l’affirmation de soi et la créativité.

L’affirmation de soi englobe l’essentiel de la vie de l’individu. Elle est l’équivalent d’être soi-même dans une société sans pour autant négliger les autres. Les actions de l’individu se modifieront avec l’interaction de son environnement, et des autres. Plus l’individu vit dans une société qui lui permet de s’affirmer, plus il devient créatif.

La question que je pose, comme prélude, est la suivante : Le Sénégal est-il un pays où l’affirmation de soi est une réalité ? La réponse est sans équivoque : non. La culture sénégalaise est trop normative, trop linéaire. Elle est une société dans laquelle personne n’a le droit d’être différent ou d’agir différemment. Toutes les questions ont été répondues, tous les chemins possibles et acceptables déjà tracés: il faut juste suivre.

Le seul droit que l’individu possède dans notre société est de faire comme les autres; d’être comme les autres; de penser comme les autres, sinon on risque d’être crucifié en plein jour.

Le professeur Ken Robinson dans l’une de ses interventions, raconte l’histoire d’une jeune enfant qui m’a beaucoup captivée : … « Un jour une enseignante avait demandé à ses jeunes élèves de dessiner quelques choses. Alors beaucoup d’entre eux avaient dessiné des voitures, des maisons, et des représentations humaines… Une jeune fille avait fait un dessin « bizarre », quelque chose qui ressemble à rien de connu.

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Alors l’enseignante lui demanda… « C’est quoi ça ? » et la jeune élève lui répondit « c’est Dieu » et l’enseignante étonnée lui rétorqua « mais on n’a jamais vu Dieu » et l’élève dit à nouveau à l’enseignante « ok donc c’est l’occasion de le voir alors ». Certes, j’ai trouvé cette histoire drôle mais intéressante aussi.

Je ne suis pas dans le vrai ou faux, encore moins dans le bien ou mal en prenant cet exemple. Je m’intéresse seulement aux prémices de créativité dont cet enfant fait preuve, à son audace de créer de nouvelles choses et surtout à la réaction de son environnement social et culturel. Plaçons cet enfant qui a en elle, encore une fois, des grains (ou l’audace) de créativité, dans deux contextes culturels différents :

Dans un premier temps, elle est dans un environnement où l’affirmation de soi est possible, dans une culture complaisante, qui encourage, qui félicite, qui accompagne, qui positivise, qui pousse l’individu à se lancer vers l’inconnu. Et cet enfant aurait la conviction que « tout ira bien », ce sentiment de sécurité tant recherché par l’être humain, et qui est nécessaire pour se lancer vers l’inconnu que les projets et les changements apportent. Elle s’accorderait elle-même une valeur et donc de l’estime de soi. Elle aurait la conviction d’être à la hauteur de changer les choses, d’influencer le cours des choses et elle finirait par y parvenir. Elle apporterait à sa société une révolution technologique, médicale, littéraire, économique…

Mais si nous la plaçons dans un environnement négatif, un environnement qui avilit, qui prime, qui décrédibilise, qui caricature, qui maintient l’individu dans le chemin tracé. Elle serait taxée de « eupeul », de « xamul bopam », de « dafa beug affairou graw », « dafa Wanee ». Elle serait tournée en dérision, serait ridiculisée, diabolisée et même maudite. Finalement elle se résignerait à ne plus penser « out of the box » vu qu’un enfant n’a pas assez de personnalité pour vivre en marge de la société. Un enfant a besoin de considération, d’estime, de soutien des autres pour en retour développer son estime de soi. Elle continuerait, malheureusement, à faire tranquillement avec l’arachide que du « maafe », du « daxin», du « gerte Suukër »; du  » mbouraake  » …. Bref que des choses que la société fait depuis des siècles. Elle n’oserait plus sortir de nos schémas traditionnels, par crainte, pour relever de nouveaux défis. Elle continuerait alors à copier, à s’inspirer, et à consommer tout ce qui viendrait de l’étranger vu que sa société ne lui offre pas la possibilité de créer.

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Tout ceci est valable aussi pour un adulte. Notre société ralentit, pour ne pas dire inhibe, l’élan naturel. Elle est même susceptible de briser le talent inné en poussant l’individu à la règle du strict conformisme. Dans la société sénégalaise, seuls les plus fermes/forts réussissent et ils ne sont pas malheureusement les plus inspirés.

Une société ne peut stimuler un individu que dans le sens où elle lui laisse un espace d’expression non institutionnel, non collectif et non négligeable. Nous critiquons beaucoup, nous avilissons énormément et nous félicitons et encourageons très peu.

 

MBaye Thiaba Mbaye

mthiabam@gmail.com

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